Enseignant à l’Université de Lomé, le Prof Ayayi Togoata Apedo-Amah analyse la situation politique actuelle du pays, surtout la rencontre des deux facilitateurs avec les parties prenantes de la crise. Lisez plutôt !
Négocier sans la force, c’est s’exposer à subir les diktats de la dictature
Quand on n’utilise pas la guerre comme moyen de lutte contre une dictature, la force des démocrates réside essentiellement dans leur capacité à mobiliser le peuple autour de mots d’ordre clairs et sans ambiguïtés.
La dictature ne consent à négocier que lorsqu’elle est acculée et craint de perdre le pouvoir. C’est dire que pour le régime pourri du clan Gnassingbé/Rpt/Urine, il s’agit chaque fois d’une stratégie pour gagner du temps et reconquérir le terrain perdu au profit des forces démocratiques. Ne possédant ni armes ni armée, les démocrates ne peuvent, en fonction de la nature du terrain, négocier qu’en situation de force pour prendre une parcelle significative de pouvoir au dictateur afin de l’affaiblir en vue de l’objectif ultime : le changement de régime, l’instauration de la démocratie.
Il ne faut pas se leurrer, les tenants du régime fasciste demeureront toujours des ennemis du peuple et de la liberté. Ce 27 juin 2018, les chefs d’État de Guinée et du Ghana sont à Lomé pour relancer des négociations « non négociables » si je peux me permettre l’expression. En abandonnant sa seule arme, la rue, au vestiaire, à l’instigation des chefs d’État de la CEDEAO, qui lui ont tendu un piège, la coalition des 14 ne pouvait rien obtenir des ennemis du peuple qui ont fait de la diversion pour mettre en place un impressionnant dispositif de terreur antimanifestations. Résultat : impossible de manifester en défilant. De plus, la dictature a poussé le vice jusqu’à indiquer d’autorité les itinéraires pour les défilés tout en sachant que les dirigeants du C 14 n’oseraient jamais les accepter sous peine d’être accusés de trahison, en acceptant ces itinéraires-là. De la provocation ! La dictature a usé intelligemment d’une arme psychologique pour affaiblir le leadership des forces démocratiques en les privant du recours à la rue.
Loin de nous l’idée de nous réjouir d’avoir encore eu raison lorsque nous signalions aux dirigeants du C 14 le danger de l’abandon des manifestations face à une dictature roublarde qui cherchait de l’oxygène pour sa survie. Nous disions qu’une démobilisation appelle toujours une mobilisation, laquelle est toujours plus difficile. Nous en donnions pour preuve les longues années blanches qui ont précédé le 19 août 2017, date à laquelle le PNP a relancé la lutte contre les ennemis du peuple togolais.
Et maintenant, que vont-ils négocier ? Les chefs d’État de la CEDEAO sont des hypocrites. Les peuples malien, ghanéen, guinéen, ivoirien, burkinabé… ont-ils négocié le changement de régime où ont-ils balayé la dictature ?
Les démocrates africains ont trop tendance à confondre la démocratie et l’électoralisme. Or ce n’est pas la même chose ! Combien d’élections de merde ont-elles été organisées depuis 1993 par Eyadema et fils ? Et dire que des traîtres, faux opposants à la sagesse de débiles mentaux, crient partout sur les toits: « Il faut aller aux élections ». Qui va compter les bulletins ? Qui va proclamer les résultats ? Quelle Cour constitutionnelle va valider lesdits résultats ? L’essentiel, on oublie de nous le dire parce que ces trous du cul considèrent les Togolais comme un peuple de cons.
Que faire ? Remobiliser le peuple pour qu’il reprenne souverainement la rue afin de faire trembler les dictateurs. La stratégie pour le faire est l’art de la politique. Ceux qui ont possédé l’art de démobiliser le peuple doivent avoir aussi l’art de le remobiliser.
Il n’y a rien de plus dangereux que l’accompagnement des dictateurs par une participation des démocrates au gouvernement. Les Togolais ont vu ce que cela a donné après l’Accord politique global avec des opposants trop pressés de fréquenter la mangeoire. Ce fut un fiasco total qui permit au dictateur de s’offrir les deux-tiers de l’Assemblée nationale, frauduleusement, avec la caution de pseudo-democrates.
Si les Rptoches et les chefs d’État demandaient aux C 14 à la table de négociations: « Qui représentez-vous et qu’elles sont vos forces ? »Que répondraient-ils, incapables qu’ils sont de montrer leurs biceps ?
Il me souvient, en ouvrant une page d’histoire, qu’après la défaite de l’Allemagne nazie, les vainqueurs se sont conviés pour le partage du gâteau, et, à la grande surprise de Joseph Staline, le pape a prétendu prendre part au banquet. Staline l’a chassé comme un malpropre en lui demandant de combien de divisions était composée son armée. Ce pape n’était qu’un pantin des États capitalistes.
En conclusion, il serait plus sage de reporter ces négociations jusqu’à la reprise de la rue par le peuple. Je le rappelle : la stratégie de négociations avec une dictature consiste à négocier la porte de sortie du dictateur et rien d’autre. Et quand de telles négociations ont lieu, c’est avec une marée humaine encerclant le lieu des négociations. Le C 14 n’a pas le droit d’accorder un délai supplémentaire à la dictature cinquantenaire. Le peuple le dit et le répète : « Faure must go »
Ayayi Togoata APEDO-AMAH
Source : www.icilome.com