Prison de Lomé: un jeune homme détenu depuis 7 ans dans une fausse affaire d’homicide

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Si l’Inspection générale des services juridictionnels et pénitentiaires faisait son travail comme il faut, si des juges d’instruction s’appliquaient dans la recherche de la vérité sans attente de contreparties, beaucoup de prévenus jamais jugés retrouveraient la liberté et l’univers carcéral serait désengorgé. Comme Douté Togbegan, abusivement privé de liberté depuis le 16 avril 2013 pour une fausse affaire d’homicide volontaire.

Bien que la mère des vrais coupables ait affirmé que ce sont ses enfants qui sont les responsables, bien que des témoins oculaires du drame aient dédouané les trois prévenus, le doyen des juges d’instruction continue de maintenir le dernier en détention. 50 millions avaient été réclamés contre leur libération provisoire. Au nom de l’article 115 du code de procédure pénale, il serait temps que la loi s’applique, n’en déplaise à quel que magistrat que ce soit.

Il a été arrêté avec deux autres dans une grossière affaire d’homicide volontaire qui cache en réalité un problème foncier au quartier Avé Maria. Depuis 2012-2013, Doute Togbegan, Sikirou Bello et Kouagou Komi ont été arrêtés pour homicide volontaire.

Pendant qu’ils étaient en détention, Sikirou Bello a vu sa maison cassée par ceux qui l’ont vendue à son père. Mais des témoins occulaires, ensemble avec d’autres parties prenantes et la mère des vrais coupables, ont été rassemblés devant le doyen Adjoli Awi.

Et les témoins ont affirmé l’innocence des trois prévenus ; mieux, la mère des vrais coupables a aussi déclaré que ce sont ses enfants qui étaient les vrais auteurs. Mais lorsque des demandes de liberté provisoire avaient été formulées, une caution individuelle de 50 millions avait été fixée pour chacun. Pourtant, quand appel avait été formulé, Sikirou Bello et Kouagou Komi ont été libérés sans débourser un franc.

Par deux fois, selon les dires de Doute Togbegan, la demande de liberté provisoire adressée au doyen des juges n’a pas eu de suite. La troisième non plus, à la différence que cette fois-ci, il y a eu décharge pour attester de la bonne foi du prévenu. Et depuis le 23 décembre 2019, plus d’un mois est passé sans réaction du doyen des juges dont une des prérogatives est de répondre aux demandes des prévenus.

Alors, le sieur Doute s’est adressé au président de la Chambre d’accusation. Voici ce que dit sa demande de mise en liberté provisoire du 27 janvier 2020. « Monsieur le président de la Chambre d’accusation, j’ai l’honneur de solliciter une liberté provisoire pour les raisons suivantes : j’ai été arrêté le 22 mars 2013 pour homicide volontaire et placé sous mandat de dépôt le 16 avril 2013 par le juge d’instruction du 1er cabinet. J’ai passé actuellement 6 ans 9 mois en détention. Par lettre du 23 décembre 2019, j’ai adressé une demande de mise en liberté provisoire au juge d’instruction qui n’a pas donné suite à cette demande.

C’est pourquoi, conformément à l’article 115 du code de procédure pénale, je saisis par la présente la Chambre d’accusation de cette demande. Je fais élection de domicile à l’adresse suivante […] Je m’engage à répondre à toutes les convocations pour la suite de la procédure. Dans l’espoir qu’une suite favorable sera donnée à ma requête, veuillez agréer, monsieur le président, l’expression de mes sentiments distingués ». C’est M. Dao qui l’a déchargée le lendemain 29 janvier 2020. Et depuis, silence radio, aucune réponse de la Chambre d’accusation.

Pourquoi ce silence quand on sait que la mise en liberté peut être demandée à tout moment par l’inculpé ou son conseil ?

Article 115 du Code de procédure pénale. « Le juge d’instruction doit immédiatement communiquer le dossier au Procureur de la République aux fins de réquisitions.

Il notifie en même temps soit par lettre recommandée, soit par ministère d’huissier, la demande à la partie civile qui peut présenter des observations. Le juge d’instruction doit statuer, par ordonnance spécialement motivée, au plus tard dans les cinq jours de la communication au Procureur de la République. Lorsqu’il y a une partie civile en cause, l’ordonnance du juge d’instruction ne peut intervenir que quarante-huit heures après notification faite à cette partie.

Faute par le juge d’instruction d’avoir statué dans le délai fixé à l’alinéa 3, l’inculpé peut saisir directement de sa demande la Chambre d’Accusation qui, sur les réquisitions écrites et motivées du Procureur Général, se prononce dans les quinze jours de l’arrivée de la demande au greffe de la Chambre d’Accusation, faute de quoi l’inculpé est mis d’office en liberté, sur l’initiative du Procureur général, sauf s’il y a supplément d’information… ».

Aujourd’hui, il s’agit de savoir si la demande de mise en liberté provisoire a été remontée au Procureur général ou si elle est ignorée. Dans un cas comme dans l’autre, l’article 115 du code de procédure pénale doit s’appliquer dans son entièreté dans les meilleurs délais, à moins qu’on veuille punir le prévenu d’avoir usé de ses droits pour recouvrer la liberté après détention pendant près de 7 ans pour un crime que ni lui, ni ses amis d’infortune n’ont commis.

Nous avons appris que l’Inspection générale des services juridictionnels et pénitentiaires fait des visites programmées ou inopinées dans les prisons du Togo. Mieux, que la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) est à la recherche de crédibilité. Mais c’est la somme des cas individuels des citoyens privés de liberté qui fera que chacun se fera une idée sur les performances de l’Inspection générale et de la CNDH.

Cette affaire trouve sa crédibilité dans ce que depuis le 18 novembre 2019, un procès-verbal (n°161/2019) est sur la table du Procureur de la République pour : destruction volontaire et complicité de destruction de maison d’habitation, faits prévus et réprimés par les articles 48, 693 et 694 du code pénal. Les personnes soupçonnées sont ; Agadzi-Eve Kloussè, Senyo Yao (appréhendés), Agadzi-Eve Paul, Agadzi-Eve Komlan, Agadzi-Eve Attissogbui et Agadzi-Eve Eklu et consorts (en fuite). Et devinez la victime ! Sikirou Bello, l’un des trois prévenus gardés depuis 2012-2013 !

Combien de temps encore la justice togolaise et le doyen des juges garderont-ils Doute Togbegan en prison alors que les vrais auteurs courent toujours ? Rappelons qu’il y a moins de deux semaines, nous avons mis en lumière le cas d’un autre prévenu, Kpogo Yao Laurent qui, depuis juin 2013, est « oublié » par la justice togolaise dans les geôles de Lomé ; le nom du doyen des juges avait été également lié à cette autre détention qui frise l’arbitraire. On attend de voir. Mais presque 7 ans sans jugement, c’est long, très long, trop long !

Liberté

Source : Togoweb.net