Dans les principes fondamentaux relatifs aux traitements des détenus adoptés par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 45/111 du 14 décembre 1990, il est clairement stipulé : « Tous les détenus sont traités avec le respect dû à la dignité et à la valeur inhérentes à l’être humain ». Bien sûr, le Togo a adhéré à tous ces instruments relatifs au respect des droits de l’homme. Mais ce qui se passe à la prison civile de Lomé (comme dans d’autres centres de détention au Togo d’ailleurs) dépasse l’entendement humain.
La prison civile de Lomé ressemble plus à un camp de concentration où les détenus n’attendent que la mort. Aucune considération pour l’être humain. Or il est connu de tous que le prisonnier, quel que soit le délit qu’il a commis, a aussi des droits. Surtout qu’à la prison civile de Lomé, environ la moitié des détenus ne sont pas encore jugés. Ils jouissent toujours de la présomption d’innocence, mais vivent un calvaire, plutôt côtoient l’enfer.
La première remarque qu’on fait en entrant dans cette prison est qu’elle n’est pas compartimentée. Les petits voleurs de poules, de portables à Deckon, des pickpockets du grand marché de Lomé, bref, ceux qui ont commis des délits mineurs sont mis ensemble avec de grands criminels dont la plupart sont condamnés à perpétuité. Même les détenus politiques partagent les mêmes espaces avec ces bandits de grand chemin. Les détenus de délits mineurs et les prisonniers politiques sont quotidiennement exposés à des agressions qui peuvent parfois se terminer par leur élimination physique.
Cette situation condamne à mort ces détenus politiques et de délits mineurs, puisque ceux qui sont condamnés à perpétuité n’ont plus rien à perdre. A la prison de Lomé, il y en a qui sont incarcérés de façon préventive depuis 5, 8 voire 10 ans sans connaître de jugement.
Les cellules, à la prison civile de Lomé, n’ont rien à envier aux fours crématoires qu’on a connus dans les camps de concentration d’Auschwitz au temps d’Hitler. Pour une prison construite pour un effectif de 666 détenus, l’on a aujourd’hui plus de 1 800 personnes qui croupissent dans cette geôle. 40 à 100 détenus sont entassés dans des pièces de 24 mètres carré.
Les détenus y sont entassés comme des sardines. Le peu d’espace dont ils disposent les oblige à se coucher sur le profil, collés les uns aux autres. Impossible de se retourner, et ils sont obligés de rester sur la même position jusqu’au petit matin. « La nuit, pris dans un profond sommeil, certains détenus envoient leurs orteils dans les yeux ou le nez de leurs voisins, sans parler des pets qui embaument les cellules et rendent l’air irrespirable déjà chargé de sueur et d’odeur de pipi et de selles. Collés l’un contre l’autre, les problèmes de contamination et des infections cutanées sont légions. Des urticaires à la varicelle en passant par les zonas et autres maladies de peau. Ceux qui dorment à même le sol cohabitent avec les cafards, les souris, les bestioles de tout genre sans oublier le risque de piqûres et de morsures mortelles que cela comporte », décrit un ancien pensionnaire de cette maison d’arrêt, rapporté par notre consœur Fabi Kouassi.
Les conditions sanitaires dans les cellules laissent à désirer. Dans cette chaleur caniculaire dans les cellules, le détenu, pendant la nuit, fait ses besoins dans un saut en présence des autres. L’odeur nauséabonde se répand dans toute la cellule. Pour uriner, le détenu le fait dans un gobelet et le verse après dans un pot situé au centre de la cellule. Le manque d’espace fait que ce pot a été suspendu à une demi-hauteur pour laisser place à certains détenus qui dorment sous ce pot. Parfois, l’urine suinte sur eux.
Le matin, c’est le détenu le moins nanti qui est chargé de porter, sur la tête ou sur l’épaule, les pots de l’urine et des selles, et les vider dans les douches. « J’ai fait une crise d’asthme alors que je ne suis pas asthmatique, tellement je suffoquais dans la chaleur au point qu’ils étaient obligés de me sortir de la cellule pour me mettre dans le hall. La seconde nuit, ils nous ont encore enfermé dans la cage et je suffoquais, mais jusqu’au petit matin personne n’est venu ouvrir la porte en fer blindé dont la fermeture fait un bruit qui fait sursauter et fait battre le cœur des détenus », confie cet ancien détenu.
Et il ajoute : « Même un chien ne dort pas dans un endroit pareil. Et pourtant ceux qui dirigent le Togo disent être attachés au respect de la vie, de la dignité et des droits les plus élémentaires de l’humain. Que des discours. La réalité est effroyable, impensable et démontrent que ceux qui dirigent ce pays sont de vrais monstres dans des habits d’hommes ».
A l’en croire, les coupures de courant sont des moments critiques pour ces détenus qui, grâce à une ONG, ont pu bénéficier des ventilateurs.
Il faut le dire, au regard de tout ça, que ce ne sont pas seulement les hôpitaux qui constituent de véritables mouroirs au Togo. Les centres de détention, notamment la prison civile de Lomé, sont également un lieu où les citoyens laissent facilement leur vie, soit à cause des conditions sanitaires déplorables et précaires, soit par la faute d’un grand criminel qui n’a plus rien à perdre.
Dommage qu’on ne parle pas assez de ce drame qui se joue à la prison civile de Lomé.
I.K
Source : www.icilome.com