Pression sur la justice de Kara pour condamner Sasso Pagnou

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L’entrée sur le tard dans la partie civile d’un juge de la Cour Constitutionnelle, et la reprise en son compte par le procureur des arguments de la partie civile, laissent penser que les pièces du puzzle sont rassemblées pour faire condamner le 9 décembre prochain, l’universitaire Sasso Pagnou.

L’affaire des universitaires Adama Kpodar & Kokoroko contre Sasso Pagnou  prend une tournure inquiétante. Alors que la procédure est en cours, les termes d’une «citation à prévenu» remise à Sasso Pagnou semblent indiquer que le verdict pourrait être déjà prononcé.

Un exploit d’huissier dont Le Temps a obtenu copie montre de surprenantes anomalies : le procureur de la République  se  fait siennes les accusations de la partie civile.

D’abord, dans la « citation à prévenu », le procureur de la République  accuse Sasso Pagnou «d’avoir à Kara courant mois de février 2019, en tout cas depuis non couvert (sic) porté des accusations mensongères [C’est nous qui soulignons] auprès d’une autorité ayant pouvoir d’y donner suite (CAMES), de l’existence d’un réseau  composé notamment de messieurs Kpodar Adama, Kokoroko Dodji, Ahadji-Nonou [C’est nous qui soulignons], et Coulibaley Babakane dont l’objectif est de nuire aux candidats aux CCI et à l’agrégation avec qui ils ont des différends ».

Ensuite, Sasso Pagnou est également accusé « d’avoir  dans les mêmes temps et lieu, publiquement par courrier électronique adressé au CAMES, porté atteinte à l’honneur et à l’égard dû au rang [c’est nous qui soulignons]» de la partie civile.

Selon le procureur, les faits sont prévus et punis  dans les deux cas  respectivement par les articles 363,  364, 289 et 290 du code pénal.

Enfin, une surprise de taille : dans «la citation à prévenu»,  la liste des plaignants s’est rallongée… du Professer Koffi Ahadji-Nonou, qui n’avait pas porté plainte mais se retrouve par enchantement dans la partie civile dans la nouvelle citation à prévenu. L’ancien président de l’Université de Lomé, protecteur dit-on de Dodji Kokoroko et d’Adam Kpodar, et actuel membre de la Cour constitutionnelle revient donc dans la partie par une porte dérobée.

Pour tous les délits qui lui sont imputés, dont le délit de dénonciation calomnieuse et d’atteinte à l’honneur, Sasso Pagnou risque une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis, 5 à 20 millions de CFA d’amende et l’interdiction d’exercer la profession d’enseignant.

Comment comprendre les  nouveaux faits ?

Selon un avocat contacté par Le Temps, l’attitude du procureur n’est pas normale, elle est même « scandaleuse ». « Cela n’est pas possible alors que la procédure n’est pas terminée, surtout dans le cas d’une citation directe où la partie civile n’a pas encore apporté les preuves ».  Ce faisant, le procureur montre qu’il a repris de but en blanc en son compte les accusations de la partie civile.

Or, tout semble indiquer le contraire. Dans une procédure de citation directe, il appartient à la partie civile d’apporter la preuve de ces accusations et de démontrer dans le cas d’espèce qu’il y a eu effectivement « dénonciation calomnieuse » et « atteinte à l’honneur ».

Pourtant, jusqu’à présent la partie civile n’a pas réussi à apporter la moindre preuve de ses accusations. Tout est d’ailleurs contre les plaignants.

Dans un premier temps, la dénonciation calomnieuse n’est pas avérée, car le conseil de Sasso Pagnou a rappelé au tribunal de Kara l’article du Cames qui fait mention à tout enseignant et candidat aux titres de l’institution (Cames) de dénoncer à l’institution toute infraction au code d’éthique et de déontologie.  Le prévenu Sasso Pagnou n’a alors accompli que son devoir, étant d’ailleurs lui-même victime de ses accusateurs.

Dans un second temps, dans le cadre de cette affaire, la partie civile a été sévèrement condamnée pour manquement au code d’éthique et de déontologie du Cames.

Ainsi, les professeurs  titulaires Dodji Kokoroko et Adama Kpodar sont suspendus pour trois ans  des activités liées au Cames. Et, à ce titre, ils sont interdits de toute activité du Cames et n’ont pas droit à authentifier ou certifier tout document destiné à l’institution.

Ce qui met en réalité conséquemment les deux professeurs titulaires hors-jeu du monde universitaire et devraient les pousser à la démission   de leurs postes de responsabilité, s’ils avaient la moindre once d’honneur. Et pour aggraver leur cas, le ministre togolais de l’Enseignement supérieur a voté ces lourdes sanctions contre les deux professeurs titulaires le 31 mai dernier lors de la 36ème session du CAMES tenue à Cotonou du 27 au 30 mai 2019.

Et pourtant, ces enseignants illégitimes et discrédités, forts certainement des soutiens politiques osent poursuivre leur contradicteur pour dénonciation calomnieuse ! Comment comprendre cela ?

 Un juge de la Cour constitutionnelle pour peser sur le dossier ?

De source proche du Cames, le professeur Ahadji-Nonou a été impliqué dans la même affaire que le reste de la partie civile. Cependant pour des raisons obscures, mais liées certainement à son rang et à son âge, 64 ans, donc proche de la retraite, et ayant fait profil bas pendant l’instruction de l’affaire,  le Cames aurait fait preuve de mansuétude à son égard et l’a donc blanchi.

La constitution de partie civile du Professeur Koffi Ahadji-Nonou, sa qualité de membre de la Cour Constitutionnelle, une juridiction suprême du Togo -essentielle dans les affaires politiques-, son introduction donc dans  la procédure par une porte dérobée,  font susciter de réelles inquiétudes quant à la sérénité de ce jugement. Les juges des tribunaux inférieurs peuvent-ils délibérer en toute liberté ? On ose espérer que le juge Baba Yara, président du Tribunal correctionnel en charge de ce dossier, aura l’audace de résister et de dire le droit.

Grosso modo, cette affaire reste scandaleuse et place la justice togolaise dans une mauvaise posture, dans une position de faiblesse. Car, on ne peut pas comprendre que des hommes convaincus publiquement de duplicité, de tricherie, de fabrique de faux, et de mensonges, et qui apparemment n’ont qu’une faible notion de l’honneur, puissent à ce point mettre la justice au pas ?

L’universitaire Sasso Pagnou est devenu professeur assistant. C’est en candidatant pour ce grade qu’il s’est heurté à des dysfonctionnements qui se sont révélés plus tard comme un complot pour le faire échouer. Recalé deux fois – les rapports des jurys ont disparu – il n’a pu réussir la troisième fois que grâce à un jury ad hoc constitué par le Secrétaire général du Cames pour contourner les fraudeurs.

Source : Togoweb.net