Même lorsque le régime actuel est seul
dans les starting-blocks pour une élection, il vole, triche, tripatouille. Les
législatives de novembre 2018 l’ont montré. Mais face à une opposition –même
divisée-, la frilosité est plus grande, la peur plus patente. Et le communiqué
inique produit par le ministre de la Justice donne raison à ceux qui doutaient
de la transparence des résultats du scrutin. Car, en se substituant à la
Commission électorale nationale censée être indépendante (CENI), rien qu’au
stade de la campagne électorale, il apparaît que tout résultat qui ne serait
pas la volonté du pouvoir risque de ne jamais être porté à l’attention du
public, au cas où il ne serait pas « modifié ».
Un ministre quelconque aurait effectué
cette sortie honteuse qu’on comprendrait, en considérant qu’il méconnaitrait
les textes juridiques du code électoral. Mais quand c’est celui-là qui, avant
son entrée au gouvernement en 2015, était qualifié de « bon juriste »
qui se permet une intrusion grave qui, sous d’autres cieux, aurait remis tout
le processus en cause, il urge qu’on en parle.
Que dit l’article 168 du code électoral
togolais ? « La CENI est saisie de toute réclamation.
Elle adresse, en cas de besoin, des injonctions aux autorités concernées ou au
candidat dont l’attitude est incriminée. La CENI veille à la régularité de la
campagne électorale ». Nulle part, il n’est fait mention d’une
quelconque autorité, fût-elle Pius Agbetomey pour venir gambader dans le champ
de la CENI.
Par son attitude, Pius Agbetomey dérape
complètement en faisant des injonctions au candidat de Kpodzro en lieu et place
de la CENI. Il s’autorise un communiqué pour mettre en garde ce candidat alors
que l’article 168 du code électoral dispose que seule la CENI peut faire des
injonctions en période de campagne.
Par son zèle, Pius Agbetomey fait une
intrusion gouvernementale impensable dans le processus électoral, confirmant
que la CENI n’est qu’un paravent et que le vrai conducteur du processus
électoral, c’est le gouvernement togolais. Si en tant que parquet, il se permet
de faire des injonctions aux candidats en période électorale, qui sera alors
chargé de poursuivre lorsqu’il y a des infractions à la loi pénale, monsieur le
ministre de la Justice ???
Beaucoup ignorent cet aspect. En effet,
le parquet ne moralise pas, il poursuit simplement quand il y a infraction. La CENI
pourrait même suspendre un candidat s’il existe des preuves que celui-ci a
violé les dispositions du code électoral concernant la campagne. On ne comprend
donc pas pourquoi bizarrement, Agbetomey prend la place du président de la
CENI, TchambakouAYASSOR.
D’ailleurs, nous avions apprisqu’entre-temps,
des juges du parquet avaient été nommés présidents de nouvelles CELI, mais
avaient été remplacés immédiatement après. Justement pour préserver le rôle
dévolu au parquet. Mais alors, que cherche encore le chef des « parquetiers » dans les élections,
si ce n’est du pur zèle -dans l’espoir d’une suite favorable-, et un véritable dérapage du processus
électoral ? En rappel, le contrôle de la régularité de la campagne d’un
candidat au cours d’une élection présidentielle relève uniquement de la Ceni.
Et si les candidats qui désapprouvent l’attitude du candidat du prélat ne
saisissent pas la CENI, pourquoi c’est Pius Agbetomey, un externe au processus
et qui n’est même pas candidat, qui se permet le luxe de réagir ? « De quoi je me mêle » ?
LaCENI se taira-t-elle sur cet accaparement
de son rôle par Pius Agbetomey ?Il faudrait que les autorités quelles
qu’elles soient, se focalisent chacune dans
le domaine de leur compétence telle que le dispose la loi électorale en
vue d’avoir un processus électoral accepté parce que transparent. Ailleurs, le
chef du gouvernement devrait demander des explications à ce ministre. Mais
comme ici c’est le Togo, pays où l’impensable est toujours possible, on va
certainement passer cette intrusion par partes et profits. Et bizarrement, le
chef de l’Etat aussi, n’ayant pas réussi à se mettre au-dessus de la mêlée, s’est
engouffré dans la brèche ouverte par son super ministre de la Justice pour
saouler les populations de Doufelgou avec ce non-évènement, laissant de côté
ses thèmes de campagne, c’est-à-dire…du vent !
Ci-dessous le communiqué du zélé
ministre.
Abbé Faria
Communiqué du
Garde des Sceaux, ministre de la Justice
Depuis
quelques mois, il nous a été donné de constater que des déclarations, propos et
comportements de certains acteurs politiques et religieux sont de nature à
troubler l’ordre public et la paix sociale.
Cette
situation s’amplifie au fur et à mesure que l’on avance dans le processus électoral
en cours dans notre pays.
En
effet, quelques jours avant l’ouverture de la campagne électorale pour l’élection
présidentielle du 22 février 2020, un des candidats avec l’appui d’un prélat
s’est illustré par des déclarations provocatrices qui frisent un appel à la
sédition.
En
outre, ce même candidat et ce prélat ont fait un usage abusif des symboles et
emblème du pays, en l’occurrence le drapeau et l’hymne national.
Ces
agissements à la limite de la légalité appellent de la part du Garde des
Sceaux, ministre de la justice, la nécessité d’un rappel à la loi et d’une
invite à plus de responsabilité en ces périodes sensibles de l’histoire de
notre pays.
Il
est évident que l’exercice de la liberté d’expression est un droit dans notre
pays. Cependant, ce droit constitutionnel doit s’exercer dans le respect de la
loi à laquelle est soumis tout citoyen, quel que soit son rang social.
Le
ministère de la Justice veillera par conséquent à l’application stricte de ces
lois.
Le
Garde des Sceaux, ministre de la Justice en appelle à la sagesse et au bon sens
de chaque acteur politique et de chaque citoyen pour la conduite d’un processus
électoral exempt de violence de quelle que nature que ce soit, et de pratiques
anti-républicaines en vue de préserver la paix et la sécurité dont notre pays,
le Togo, a besoin pour son développement.
Fait à Lomé, le
06 février 2020
Le Garde des
Sceaux, ministre de la Justice
Pius Kokouvi
AGBÉTOMEY
Source : TogoActu24.com