Je crois qu´en tant que citoyen togolais de la diaspora, et
indépendamment du fait que je sois proche ou non d´un parti politique,
avec mon manteau de journaliste j´ai le droit d´avoir mon point de vue
sur ce qui se passe au sein du microcosme politique de mon pays dans
cette période critique de son histoire. Le texte qui va suivre n´est
rien d´autre que le résultat de mes observations personnelles.
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De la conférence de presse organisée par le parti orange à son siège
ce mercredi 18 septembre, nous pouvons retenir que la formation dirigée
par M. Jean-Pierre Fabre dénonce le processus ayant conduit aux
élections municipales du 30 Juin dernier. Les responsables de l´ANC
parlent de fraudes massives délibérément orchestrées par le pouvoir, de
la violation de la Constitution et des lois de la République, de
l´exclusion et de la démotivation des électeurs de leur formation
politique par UNIR lors des inscriptions sur les listes électorales et
pendant le scrutin. L´achat de votes, la menace et l´intimidation à
l´endroit des populations sont également évoqués lors de la conférence
de presse par l´Alliance Nationale pour le Changement pour désavouer le
processus électoral. La composition inique de la Commission Électorale
Nationale Indépendante (CENI), contrairement aux recommandations
inscrites dans la feuille de route de la CEDEAO, qui a permis des
fraudes massives, était aussi au menu des griefs portés contre le parti
au pouvoir dans l´organisation des élections locales.
Ce qui nous surprend est que les manquements relevés par l´ANC pour
l´organisation d´un scrutin libre, transparent et démocratique au Togo
ne constituent pas un scoop. Ils sont connus depuis des décennies, et
Jean-Pierre Fabre lui-même en a à plusieurs reprises été victime lors
des élections présidentielles en 2010, et en 2015, sans oublier 1998
avec Gilchrist Olympio et 2005 avec Bob Akitani. C´est d´ailleurs le
refus par le pouvoir de faire des réformes dignes de ce nom qui
permettraient aux Togolais de choisir librement leurs dirigeants, qui a
engendré le 19 Août 2017; c´est dans la même logique que fut mise sur
pied la coalition de l´opposition la C14. Et c´est également les mêmes
efforts qui expliquent le dialogue inter-togolais sous auspice de
l´organisation sous-régionale.
Lire aussi:Présidentielle 2020: divorce consommé entre Fabre et Adjamagbo !
Et c´est le refus par le pouvoir RPT-UNIR de faire appliquer à la
lettre la feuille de route de la CEDEAO, le refus par le régime
Gnassingbé d´accepter la réforme constitutionnelle proposée par l´expert
sénégalais qui ont amené la C14 dans son ensemble à boycotter les
législatives de Décembre 2018 boudées à 95% par les populations. Même
après l´éclatement de la coalition pour les raisons que tout le monde
connaît, le problème des réformes non faites demeure, la terreur
militaire dans le pays continue en toute impunité, le régime refuse de
libérer les prisonniers politiques injustement incarcérés. En dehors des
militants du PNP, il y a le jeune Santchivi du mouvement « En aucun
cas » qui est emprisonné pour avoir déroulé une banderole au début d´une
conférence de presse interdite. Les pleurs et lamentations de sa
malheureuse Maman n´ont ému personne du côté du pouvoir. Donc les
fameuses mesures d´apaisement du début du dialogue, à savoir, la
libération de tous les prisonniers politiques et la levée des sièges
militaires à Bafilo, Mango et Sokodé n´ont jamais été satisfaites.
C´est dans ces conditions de terreur et de manque de vraies réformes
pour des élections démocratiques que des partis de l´ex-C14 et l´ANC
décident, à la surprise générale de participer au scrutin municipal. Une
participation qui ressemble plutôt à la légitimation d´un pouvoir
qu´ils sont sensés combattre. Ils sont allés confirmer « la bonne santé
électorale » du parti UNIR, comme écrit Republic of Togo; ce qui est
faux. Parlant des résultats proprement dits, l´ANC s´en sort avec 6
maires et 5 adjoints, et on ne peut pas oublier les alliances
contre-nature à certains endroits où les élus du parti orange ont élu
des maires UNIR en toute liberté. La démocratie est en marche au Togo,
la grande crise est derrière nous, puisque les conseillers municipaux de
l´opposition peuvent débattre « démocratiquement » avec leurs collègues
de la dictature pour élire les premiers responsables de leur commune.
C´est l´impression que donnent les participants de l´opposition et
surtout du parti de Jean-Pierre Fabre à ce scrutin sans aucun enjeu pour
en finir avec le drame togolais.
Aujourd´hui quand l´ANC désavoue le processus électoral auquel elle a
librement participé malgré le gros déficit connu de tous, nous ne
sommes pas loin de nous poser des questions: qui trompe qui? Ses
responsables savent-ils encore ce qu´ils font? Est-ce à dire que cette
formation va quitter le processus et demander à ses élus de renoncer à
leurs postes dans les communes où ils sont conseillers municipaux ou
maires?
«…l’ANC est convaincue…et réaffirme son ferme engagement dans
la lutte de libération du Peuple togolais, et sa disponibilité
permanente pour toute action unitaire sérieuse, organisée et menée avec
rigueur, par l’opposition démocratique…».
C´est ce que déclarait le 31 Août 2019, M. Jean-Pierre Fabre au
congrès du parti politique « Les Démocrates ». Une déclaration louable
qui doit être suivie d´actes sur le terrain. Mais pour le moment, en
dehors d´une guerre larvée entre certains partis de l´opposition, et des
déclarations de principe des uns et des autres, rien à se mettre sous
la dent. On assiste plutôt à un zèle exagéré pour des élections locales
qui n´ont aucune incidence sur les voies et moyens pour en finir avec
Faure Gnassingbé et sa clique
Lire aussi:Présidentielle 2020: le curieux appel de Faure Gnassingbé à ses collègues de l’opposition
Se déclarer candidat pour les élections présidentielles de 2020 sans
chercher à mobiliser les populations pour faire pression sur ce régime
de terreur, afin d´avoir un cadre électoral viable, est irresponsable.
Perdre son temps à s´occuper d´un scrutin pour le moment inutile nous
paraît être une fuite en avant et un alibi pour ne rien faire jusqu´en
2020. Des réformes constitutionnelles et institutionnelles sont
nécessaires pour toute élection libre et transparente au Togo. Le
pouvoir Gnassingbé le sait et ne fera pas ce « cadeau » aux forces
démocratiques sans y être contraint. Et du côté de certains partis de
l´opposition, l´inconstance et l´incohérence qui consistent pour eux à
faire une chose et son contraire à la fois, ne sont pas le meilleur
choix. Le peuple observe. Son verdict peut être implacable pour les
actes, bons ou mauvais, que nous aurons posés.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : Togoweb.net