Sun zu disait : »Si vous connaissez vos ennemis et que vous vous connaissez vous-même, mille batailles ne pourront venir à bout de vous. Si vous ne connaissez pas vos ennemis mais que vous vous connaissez vous-même, vous en perdrez une sur deux. Si vous ne connaissez ni votre ennemi ni vous-même, chacune sera un grand danger. »
Les réseaux sociaux ont ceci de bien de faire parler les gens qu’on n’auraient jamais entendu. Et aujourd’hui, la pensée dominante est que toute personne qui soutiendrait le régime est un acheté, un ventrocrate, et partant, un ennemi du peuple.
Il faut d’abord préciser une chose. Soutenir un parti, même cinquantenaire, n’est nullement un crime. Il faut que nos compatriotes cessent de diaboliser les militants du parti Unir. Ils sont aussi togolais que nous tous.
Mais la question reste. Pourquoi certains soutiennent un parti qui est responsable de la misère nationale, des morts, des exils, coupable d’enrichissements exponentiels, de corruption. Un parti qui a échoué dans les gouvernance politique, économique et sociale ?
J’ai à mon niveau trois éléments de réponse que vous compléterez.
Un: les gens ont tendance à se fier au plus fort. Et au Togo, l’armée est derrière le pouvoir. Je me souviens qu’en 2003, je rentrais au Togo nanti d’une licence en sociologie de la communication, un Master en droit international humanitaire et un diplôme de Saint-cyr. Je revenais servir mon pays. Une ou deux semaines après mon arrivée, j’entendais le leader de l’opposition de l’époque, M Olympio dire que si lui prenait le pouvoir, il diminuerait l’effectif des militaires et enverrait le reste au champ. Comme brigadier Zimba le disait :dans le cœur de l’homme le plus pacifique, il y a des choses qu’on ne doit pas dire. Comment peut on aimer quelqu’un qui veut vous prendre votre gagne pain. Depuis, les discours n’ont pas beaucoup évolué. Nous, opposition togolaise, donnons l’impression d’avoir un contentieux avec l’armée, nous ne voyons pas ses évolutions et ses mutations. L’armée togolaise des années 90 est différente de celle d’aujourd’hui. Pour être officier, il faut avoir le bac+2 minimum. Sous officier, niveau lycée, soldat. Collège. Mais nous continuons à traiter cette armée d’un ramassis d’ignares, là où des doctorats fleurissent. Au lendemain des événements de Sokode, tout en condamnant la répression des forces de l’ordre, peu parmi nous ont présenté notre compassion aux militaires malmenés. L’armée est soudée derrière le régime faute de trouver grâce à nos yeux. Ceux qui votent unir sont attirés par cette stabilité.
Deux. Le repli identitaire. En 2014 j’ai invité un cousin faisant la deuxième année de droit à une de nos marches. Il est revenu en me disant qu’il ne remettra jamais les pieds là bas. Je lui ai demandé pourquoi. Il m’a dit qu’il n’avait rien compris de toutes les déclarations. Et il avait raison. Les cinq intervenants avaient tous parlé en mina /ewe. J’ai à plusieurs reprises attiré l’attention de les amis sur cet état de fait, mais les gens disent que si quelqu’un est à Lomé et qu’il ne comprend pas la langue, c’est qu’il exagère. J’ai des parents qui vivent pourtant dans sa cette ville depuis 30 ans, et qui ne peuvent pas aligner deux phrase en mina. Au campus et au bureau il parlent français, et à la maison, Kabyè ou Losso. Une sorte de division de notre société à eu tendance à dire que l’eweland est part définition attaché au Cut et à ses descendants (ufc, anc…) alors que le nord serait Ucpn et alliés (Rpt, Unir). Voilà pourquoi malgré la misère exécrable que vivent les populations du nord, celle ci continuent à soutenir le régime. Aux élections législatives de 1960, plusieurs préfectures du nord avaient voté massivement pour le cut, mais après, il y a eu les Abongo sodja, il y a eu Eyadema, il y a surtout eu 1990, avec les règlements de comptes communautaires qui sont encore dans les mémoires. Aujourd’hui, l’homme du nord dit qu’il préfère le voleur qu’il connaît à l’assassin qu’il ne connaît pas. Refuser de voir le problème éthique de notre société, c’est une faute politique. Continuer à psalmodier que Faure n’a jamais gagné une élection au Togo sans rechercher les sources du mal restera des incantations vaines. C’est le repli identitaire qui permet à unir de prendre des sièges dans le Tone, après le vil assassinat de deux élèves dans la ville de Dapaong. Cet ce repli qui lui permet de remporter des sièges dans Doufelgou, alors qu’une année auparavant les populations avaient saccagé le commissariat.
Trois: l’effet de cadres. Les amicales des ressortissants de préfecture sont les plus grandes forces « syndicales » du pays. Trustés par les cadres de l’administration et d’Unir , ces regroupements solidaires sont plus efficaces que les points focaux du parti . Ils rassemblent la diaspora des préfectures et montrent le chemin à suivre, car ce sont ces amicales qui s’occupent du développement des villages et villes de l’intérieur de notre pays. Si unir a gagné des sièges dans toutes les préfecture du pays sauf dans le Yoto lors des dernières législatives, c’est grâce aux cadres. Aujourd’hui, chacun est chargé de faire gagner dans sa préfecture, à n’importe quel prix. Seule la fin justifie les moyens. Et le peuple des villages ne voit que la main qui leur jette des miettes, sans poser la question du comment.
Voilà ma contribution de ce matin. Les gens qui votent unir sont comme nous tous, pauvres, abandonnés, frustrés. Il nous revient de trouver un autre langage pour leur parler. Si nous les considérons avec hauteur, si nous les denigrons en les traitant de parias, sans les comprendre, ils vont davantage serrer leur rang et nous faire face. Et une chose est certaine, ce n’est pas eux qu’on voit dans nos rues. Ceux là ne marchent pas, ils votent.
Bonne journée à tous.
Gerry.
Ps. J’ai volontairement omis de parler des prodigalités électorales. Ici, je relève les militants et sympathisants.
Gerry Taama
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