Un geste de clémence pour sceller la réconciliation nationale longuement attendue. En Côte d’Ivoire, c’est le chemin de la paix et de l’unité qui est choisi pour tourner la page. C’est aussi une nouvelle ère qui s’ouvre. C’est en fait un exemple à suivre.
Après avoir annoncé qu’il ne briguera pas un nouveau mandat en 2020, le Président ivoirien Alassane Dramane Ouattara (ADO) vient de faire encore un saut qualitatif qui doit faire cas d’école dans la région ouest africaine, particulièrement au Togo. Comme quoi, après la guerre, il faut « re-construire » au-delà des déchirures. Mais tout dépend du gage de bonne foi du Prince.
C’était lundi 6 août que le Président ivoirien, dans une allocution télévisée à la veille de la fête nationale du pays, a égrené une kyrielle de mesures allant dans le sens du renforcement de la paix et de la cohésion sociale. Parmi les annonces majeures pouvant apaiser la classe politique et la société civile, figure en bonne ligne la recomposition de la Commission électorale indépendante (CEI). Huit (08) ans après la crise postélectorale qui a sévèrement frappé de plein fouet ce pays ravagé par des conflits armés faisant près de 3.000 morts, Alassane Dramane Ouattara a amnistié près de 800 prisonniers poursuivis ou condamnés pour des exactions.
Sur la liste des personnes amnistiées, une figure de taille : Simone Gbagbo. Condamnée à 20 ans de réclusion ferme pour atteinte à la sûreté d’Etat, la voilà libre enfin, après 7 ans de détention ; son époux, Laurent Gbagbo, l’ex-Président ivoirien, lui, continue de se défendre dans les box de la CPI à la Haye. Libre de toute charge judiciaire, l’ex première dame qui pourrait rebondir sur la scène politique, pourrait-elle sauver le navire du FPI qui chavire ?
Comme elle, l’ancien ministre de la Défense Lida Kouassi, condamné pour le complot et l’ancien ministre AssoaAdou de la Construction, lui, condamné pour des troubles à l’ordre public, sont aussi libérés. Egalement concerné par cette mesure d’amnistie, un proche du Président de l’Assemble nationale Guillaume Soro, qui est aujourd’hui en froid glacial avec le chef de l’Etat; lui, c’est Souleymane Kamaraté.
Avec ces mesures d’apaisement saluées ici et là, c’est une étape qui vient d’être franchie pour sortir de lka Côte d’Ivoire de l’ornière et l’engager dans un jeu politique ouvert.
Pendant qu’Alassane Ouattara tourne la page pour inaugurer une nouvelle ère de relance économique et de développement de la Côte d’Ivoire, au Togo, la longue crise sociopolitique perdure, se perpétue. Malgré les différentes d’ordonnances prescrites pour une sortie pacifique de crise, le pouvoir cinquantenaire, dans sa bonne mauvaise foi, refuse de se plier.
A la veille des élections municipales et régionales du 13 octobre prochain et de la présidentielle de 2020 en Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara tend la main à l’opposition et cède à sa demande de refonte de la CEI. La recomposition de la commission électorale qu’il souhaite inclusive pour conjurer le spectre de violences postélectorales rentre aussi dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations de la Cour africaine des Droits de l’homme et des peuples.
Au Togo, c’est le contraire. Après la non matérialisation effective de l’Accord politique global de 2006 qui prévoit les réformes politiques et l’assainissement du cadre électoral, le pouvoir commence déjà par fouler aux pieds la feuille de route proposée à l’issue du 53ème sommet de la CEDEAO tenu le 31 juillet dernier à Lomé. Alors que les Chefs d’Etat et de gouvernement de l’espace ont appelé à la révision intégrale du fichier électoral, au renforcement du processus électoral et en particulier au fonctionnement effectif avec une participation inclusive de l’ensemble des acteurs à la CENI, cette dernière, dans un communiqué lapidaire, annonce la reprise de ses activités « en vue de l’installation de ses démembrements et de la préparation du recensement des électeurs ». Voilà qui commence mal.
Si en Côte d’Ivoire, ADO accepte de reformer la CEI dans le souci de l’apaisement sociopolitique en vue d’un processus électoral sans violences, ici au Togo Faure Gnassingbé s’entête. Son entêtement à maintenir en prison son demi-frère Kpatcha Gnassingbé, les détenus Joseph Eza et Messenth Kokodoko du mouvement Nubuéké, le président du REJADD Assiba Johnson, eux arrêtés dans les récentes manifestations de l’opposition, et bien d’autres détenus politiques montre le cynisme d’un pouvoir qui n’est pas prêt à aller dans le sens de l’apaisement et de la réconciliation nationale. La libération des personnes arrêtées dans le cadre des manifestions est l’une des recommandations de la Facilitation de la CEDEAO. Mais là aussi, Faure a snobé ses pairs. Egalement, plusieurs compatriotes sont contraints à l’exil. Le cas du richissime homme d’affaires togolais Bertin Agba, accusé dans une rocambolesque affaire d’escroquerie dite internationale, pour éviter des ennuis judiciaires, était obligé de prendre ses jambes au cou, alors qu’il venait d’être élargi après plusieurs mois passés dans les geôles.
François Boko et Kofi Kounté, eux aussi, vivent depuis des années en exil. Leur mal était d’avoir refusé de cautionner le pouvoir dans ses dérives. Mais depuis, rien n’est fait pour favoriser le retour au bercail de ses compatriotes. Et pourtant, dans les sérails le Prince est présenté et applaudi tel le chantre de l’apaisement, de la rupture et de la réconciliation nationale. La CVJR, le Haut-commissariat à la réconciliation et au Renforcement de l’unité nationale (HCRRUN), tout ça, n’était que pipo. Sinon, que vaut une réconciliation sans les actes et la main tendue du Prince ?
Comme en Guinée équatoriale où les détenus politiques sont libérés en vue de favoriser le dialogue national et le retour à l’apaisement ou en Côte d’Ivoire avec le geste significatif du Président ADO, au Togo, Faure Gnassingbé, le fils du Timonier, refuse d’entendre raison.
Source : www.icilome.com