Libérés de prison après leurs excuses présentées en public, Ferdinand Ayité et Joël Egah ont « fendu leur amure d’airain » selon Gerry Taama. Si pour le député, la témérité des deux journalistes émérites s’est étiolée, ce n’est pas l’avis de Jean-Baptiste K dans le discours écrit suivant.
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Nous avons tous regardé le célèbre trio de journalistes de l’émission L’Autre Journal de L’Alternative présenter des excuses publiques à ceux qui se sont sentis offensés par des propos tenus dans le cadre de leur mission.
Loin d’être un épiphénomène de journalistes imprudents, MM. Ayité, Egah et Kouwonou ont été les acteurs d’un moment décisif de l’avancée chaotique du peuple togolais vers la reconquête de sa liberté. Ne nous y trompons pas. Nous avons bien été les témoins de l’humiliation de toute une nation orchestrée par la dictature en vue d’enfoncer un peu plus le peuple dans la nuit de l’oppression qu’il subit depuis près de 60 ans. L’image qui jaillit d’emblée dans l’esprit à la vue de ce plateau spartiate si singulier dans l’univers médiatique togolais est celle de la rupture de la digue solitaire érigée par ces frêles flibustiers de la vérité contre la tumultueuse puissance de l’Atlantique. Qu’elle finisse par rompre, faute de soutien, sous les assauts répétés de la satrapie en déroute, me paraît tout à fait normal. Comment peut-il en être autrement ? La bonne question serait de savoir comment elle a pu tenir aussi longtemps au Togo. Seul le talent de ces trois acteurs qui jaillissent de nos téléviseurs comme une immense gifle à notre imbécilité collective peut l’expliquer. Les trois « mousquetaires » se sont excusés pour éviter l’inutile sacrifice à une divinité collective avachie et indifférente. Cela ressemble au pied de nez de la vertu à l’abjection d’une gouvernance ignominieuse et liberticide. On est bien loin de la honteuse abdication et même d’une démission de ces lutteurs avertis. J’ai pour ma part vu la conjugaison de trois intelligences qui savent que la première victoire d’un combattant est de rester en vie pour continuer sa mission. Vaille que vaille, quitte à mettre provisoirement le genou à terre. Chapeau !
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Si nous savions voir au-delà du regard, nous aurions remarqué, pointées derrière le sobre décor du plateau, exactement à hauteur de dos de Ferdinand et de ses compagnons, les gueules écumantes des armes de la dictature. Ne pas les avoir vues serait une faute. Ferdinand connaît notre collective cécité. Il n’a pas rendu gorge en livrant les armes journalistiques, les seules dont il dispose et qu’il manie avec une redoutable efficacité. Il s’est sauvé avec ses amis. Ils ont sauvé la vie que nous sommes collectivement incapables de leur préserver. Nous devons être en mesure de faire face à présent à la vision spéculaire d’un peuple borgne conduit par des aveugles qui refusent de se hisser au niveau des enjeux de libération du Togo. Les leaders autoproclamés de l’opposition ont renoncé à diagnostiquer la profonde qualité du mal qui ronge le pays et à proposer les armes idoines du combat. En face d’une dictature qui se meut sous le couvert d’une loi d’airain avec une intelligence tactique maléfique se trouve une opposition disparate et largement compromise. Mourir pour un tel peuple mené par une telle opposition, c’est forcément mourir sans nécessité. Ces journalistes sont encore une fois dans la vérité du diagnostic. Le régime sanguinaire de Lomé 2 déploie une fois encore un plan bien pensé de renforcement du musellement et d’occupation de tout l’espace médiatique en renversant les derniers bastions d’expression d’une libre opinion qui dérange. C’est désormais chose faite. Les ministres peuvent à présent écumer les plateaux et investir de leurs creuses péroraisons l’espace vidé de l’immense talent de Ferdinand Ayité et de ses acolytes.
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Paradoxalement certains hurluberlus, dont un élu du peuple, reprochent à ces journalistes lucides qui ont pris le parti de la vie et du réalisme d’avoir abdiqué. Décidément il faut rompre le silence face à la charge indigne dont Ferdinand fait l’objet. Oui, tout Ferdinand qu’il est, quelque-soit son intrépidité et ses qualités, il n’en demeure pas moins un homme. Oui, Ferdinand et ses compagnons sont courageux, il est malsain de leur demander d’être téméraires. Oui, rouge est le sang de Ferdinand. A l’abjecte perfidie railleuse de ce personnage interlope de la politique togolaise, on ne peut opposer qu’un rire philosophique. La saillie de l’obscur thuriféraire de la dictature se veut finement méprisante. Le coup est une basse hypocrisie servie par un argumentaire douteux. C’est une constance, l’art de la litote ne se livre pas aux brutaux.
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Les excuses publiques de MM. Ayité, Egah et Kouwonou ne sauraient être interprétées comme une brèche dans la défense de l’excellent conseil de Ferdinand dont l’admirable construction juridique est toute tirée du moyen de l’incompétence de juridiction. Le tort supposé les journalistes relève de la compétence de la Haute Autorité du l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) en vertu de la loi de la dépénalisation du délit de presse au Togo. Il ne saurait être jugé au pénal. L’exigence d’excuses publiques sur le même médium que la « faute » aurait été commise renforce a contrario l’argumentaire de la défense. En obtenant sous la pression une sanction qui fait partie de la panoplie des sanctions du code de la presse, l’accusation avoue par l’absurde l’incompétence de la juridiction saisie et invalide mutatis mutandis la pertinence de la saisine et toute la procédure subséquente. Ce sinistre zélateur de la dictature, obnubilé de fatuité, était loin de percevoir la profonde contradiction de la manœuvre. Tout occupé à jouer les intellectuels de pacotille à travers un humour à peine maîtrisé, cet élu putatif cache à peine sa réelle jubilation de voir des voix de la liberté étouffées. Assurément, plus rien ne sera plus comme avant. Les excuses de Ferdinand et de ses compagnons constituent un aiguillon décisif dans l’inéluctable victoire du peuple togolais sur ses tyrans. Qu’on prenne bien garde aux victoires à la Pyrrhus.
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Au total, il faut voir dans cette litanie d’événements malheureux qui accablent le peuple togolais, le signe patent de la démission de la classe politique dite de l’opposition. Ferdinand Ayité et ses compagnons ne sont que le révélateur de la profonde incurie de ceux qui ont fait profession de représenter les aspirations du peuple et qui ont cru pouvoir ruser, trouver des accommodements raisonnables avec une dictature et s’en sortir indemnes. La confirmation est une fois encore faite que la moindre faiblesse, la plus petite compromission avec une dictature laisse des blessures profondes dans le cours de l’histoire de libération du peuple. Elles se paient cash et toujours par les plus faibles. La dernière forfaiture du 22 février 2020 a disqualifiée aux yeux du peuple une part significative de l’opposition. Elle est reléguée aux accessits. Je crains qu’elle ne s’en relève jamais sans un renversement des valeurs et une contrition sincère. Ferdinand lui montre la voie. A défaut, le peuple ne peut lui offrir que la sortie tant qu’il est encore temps. Sa bruyante et stérile occupation de l’espace politique est devenue non seulement inefficace mais plus encore dangereuse pour les hérauts de la nation. Prendre le risque de conserver une telle opposition, c’est accepter la multiplication des Ferdinand Ayité et les Jean-Paul Oumolou. C’est surtout consentir à l’humiliation ad vitam du peuple. Ce n’est pas acceptable. Le peuple togolais mérite mieux que les dangereuses liaisons incestueuses entre une dictature sanguinaire et une opposition affairiste et complaisante
Plus que jamais nous sommes tous Ferdinand.
Jean-Baptiste K.
Source : Togoweb.net