Plainte contre Boléro Lawson : L’opposant Fabre n’est-il pas en train de lâcher la proie pour l’ombre?

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À travers la messagerie whatsApp circule depuis quelques jours un acte portant citation directe devant le tribunal de première instance de Lomé à l’adresse du journaliste Bonéro Lawson. Cette comparution prévue pour mercredi 23 février 2022 à 8 heures est motivée par une plainte du président national du parti politique dénommé ANC (Alliance Nationale pour le Changement). Les motifs sur lesquels repose la plainte seraient l’atteinte à l’honneur, la diffamation et la publication de fausses nouvelles. D’après nos informations, cette plainte de Monsieur Jean-Pierre Fabre serait la conséquence des accusations du journaliste Bonéro Lawson à l’endroit du leader du parti orange dans un passé récent et tout dernièrement en janvier 2022.

Notre compatriote journaliste aurait à plusieurs reprises affirmé que l’ex- chef de file de l’opposition togolaise aurait des accointances avec certains poids lourds du pouvoir Gnassingbé qu’il prétend combattre, et desquels il recevrait de gros soutiens financiers. « C’est comme pendant longtemps Fabre qui jure n’avoir jamais pris un franc du régime, recevait de gros soutiens financiers de Gervais Djondo, l’un des plus grands barons du régime auquel il est également lié par alliance familiale. Il est temps que les Togolais identifient dans quel camp joue Jean-Pierre Fabre. Ce Monsieur est un allié du pouvoir qui travaille à maintenir les Gnassingbé au pouvoir contre la volonté du peuple… » Voilà un des extraits des textes de notre jeune frère Boléro Lawson, certainement rassemblés par Jean-Pierre ou ses proches et qui seraient à l’origine de la colère du chef de l’ANC.

Le rapprochement fait par le journaliste en parlant du scandale financier lié au petrolegate entre Jean-Pierre, son parti l’ANC et la famille Adjakly, la supposée position de mollesse du leader de l’ANC vis-à-vis de cette affaire, décrite par Boléro, seraient des accusations de plus qui seraient venues s’ajouter à la goutte d’eau qui fit déborder le vase. « La position de Jean-Pierre Fabre dans l’affaire petrolegate ne doit étonner personne… Derrière le scandale petrolegate qui éclabousse les Adjakly, il y a Faure Gnassingbé qui ne veut punir personne parce que c’est un mangeons-club. Mais avant d’atteindre Faure Gnassingbé, il y a un certain Barry Moussa Barqué, le plus grand filou de la République; et le fils spirituel de Barqué se trouve être un certain Jean Claude Delava, l’actuel Secrétaire Général de l’ANC. Et les Adjakly ne sont pas non plus loin des Fabre, parce qu’ils ont des alliances familiales. Voici donc le puzzle. »

En insistant sur des expressions comme: « un mangeons-club« , parlant de Faure Gnassingbé qui ne veut punir personne dans l’affaire du petrolegate, ou encore « le plus grand filou de la République » pour qualifier Barry Moussa Barqué, et sur d’autres publications au vitriol de notre compatriote contre le régime Gnassingbé; tout observateur qui connaît bien ce régime qui ne pardonne pas aux journalistes critiques, n’aurait pas été étonné si Bonéro Lawson était traîné devant les tribunaux aux ordres et jeté en prison. Mais Faure Gnassingbé et son entourage ne le font pas. C’est curieusement un responsable de l’opposition qui porte plainte contre un journaliste proche de l’opposition. Quand un opposant qui se bat pour un changement de régime parce que, par exemple, les droits de l’homme ne sont pas respectés, les institutions de la République, dont la justice, sont manipulées et vidées de leur substance, se tourne vers cette même justice décriée pour espérer se faire justice, cela peut susciter des interrogations.

Si pour l’opposant Jean-Pierre Fabre les institutions togolaises, et surtout la justice, sont assez indépendantes et libres de toute ingérence politique pour qu’il puisse se tourner vers elles pour régler un contentieux, ça voudrait dire qu’il se contredit en voulant changer ce qu’il qualifie de dictature en faisant son travail d’opposant. Il n’est plus un secret pour personne que notre pays vit depuis plus d’un demi-siècle , et surtout ces dernières années, sur le plan politique, une situation d’exception. Les échecs successifs de l’opposition dans sa lutte contre le régime de dictature, dus surtout à la stratégie de la terreur d’en face, les différentes trahisons des uns et des autres dans les rangs de cette opposition avaient fini par installer au sein des populations et au sein de la classe politique combattante une très grande méfiance. Tout comportement et tout geste de la part des responsables de l’opposition, ou qui se disent tels, sont scrutés à la loupe; et le moindre faux pas, supposé ou vrai, la moindre déclaration qui laisserait des doutes quant à l’intention réelle de son auteur, sont synonymes de critiques, d’attaques ou de spéculations de toutes sortes.

Bonéro Bêtum Lawson, que nous ne connaissons pas personnellement, faisant son travail de journaliste de combat pour le changement au sommet de l’état, a le droit, dans les limites que la déontologie de son métier lui confère, de dénoncer et de faire des critiques sur tel ou tel comportement du régime en place, comme du côté de l’opposition, sur tout leader, dont les actes posés ne correspondraient pas aux intérêts du peuple dans la lutte pour sa libération. Et nous ne comprenons pas que le travail de journaliste, quel que soit l’auteur ou le média, malgré la relative dureté des critiques, puisse être perçu par l’ANC ou Jean-Pierre Fabre, ou par tout autre leader de l’opposition comme un acharnement ciblé. Et n’oublions pas que dans un pays comme le Togo où il y a encore beaucoup de lourdeurs dans beaucoup de domaines de l’administration, justement à cause du manque de démocratie, donc de transparence, il n’est pas facile pour les journalistes, surtout ceux qui se sont mis du côté du peuple pour accompagner son combat pour la fin de la dictature, de faire leur travail. Ceux qui sont supposés être en mesure de donner des informations fiables pour que l’homme de presse puisse écrire son article de façon professionnelle, ne le font pas à cause de la peur et à cause d’autres raisons propres aux républiques bananières.

Le leader de l’ANC, Monsieur Jean-Pierre Fabre, et les autres leaders de partis politiques de la vraie opposition togolaise ne devraient pas perdre de vue ces raisons que nous venons d’évoquer au moment d’analyser les articles de presse qui pourraient paraître à leurs yeux exagérés ou même diffamatoires. La famille de l’opposition politique au régime Gnassingbé et la famille de la presse combattante sont supposées poursuivre le même but. En un mot, les journalistes doivent pouvoir continuer à faire leur travail de dénonciation et de critiques sans peur, ni intimidation de la part de ceux qui sont supposés les défendre. Chez nous en pays tem, il y a un proverbe qui dit: « La chienne ne mord jamais son petit jusqu’à l’os« . C’est pourquoi, au risque de tomber dans le jeu du pouvoir en place et se tromper de combat, de sérieuses discussions contradictoires devraient être désormais possibles dans les états-majors de nos formations politiques de l’opposition, que ce soit l’ANC ou ailleurs, avant toute éventuelle plainte contre tout journaliste, qu’il s’appelle Boléro Lawson ou un autre. Garder la tête froide devrait être de mise, surtout, si on est convaincu qu’on n’est pas concerné, ni de près, ni de loin par les accusations de corruption ou de connivence avec le pouvoir portées par le journaliste.

Si les hommes politiques dans les pays démocratiques abusaient des instruments de justice pour faire taire les journalistes, il y a longtemps qu’ici en Allemagne, par exemple, beaucoup de journaux auraient déjà mis la clé sous le paillasson.

Samari Tchadjobo

Source : 27Avril.com