Petrolegate: une nièce du ministre Adedze dans la tourmente

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Le Comité de suivi de fluctuation des prix des produits pétroliers (CSFPPP) d’où est né le fameux dossier dénommé le #PétroleGate n’est pas prêt de livrer ces derniers secrets. Car plus les jours passent plus la bulle des combines, des décisions hors normes, des magouilles et du favoritisme s’épaissit.

L’on avait pensé que l’ampleur prise par le dossier de l’approvisionnement du Togo en carburant au sein de l’opinion publique allait permettre à ce comité de nettoyer les écuries d’augias, de régulariser des situations compromettantes, mais il n’en est rien et demain n’est sans doute pas la veille.

Depuis un moment nous nous sommes intéressés à ce dossier et avions publié quelques notes issues de nos investigations. Ces notes concernent évidemment des surfacturations liées à la rénovation du ministère du commerce de l’industrie et de la consommation locale avant la tenue en juin 2018 à Lomé du sommet Togo-UE dans le cadre de la mise en route du Plan national de développement PND.

Il s’est avéré que la société X-Gold qui avait effectué les travaux n’était qu’une société écran ayant reçu le marché de gré à gré sans aucun appel d’offre. Passons…

Poursuivant nos enquêtes, nous avions épluché quelques dossiers de recrutement au sein de la branche administrative du CSFPPP et un cas était particulièrement intéressant. Il s’agit du recrutement le 04 avril 2020 de dame Tsoekem ALOKPA A.M.A. Ce cas était intéressant parce qu’il ne respectait pas les clauses de la dernière «Convention collective de l’industrie du pétrole du Togo» signée le 11 janvier 2013 entre «Le groupe des Professionnels de l’Industrie du Pétrole de la République Togolaise (GPP)» d’une part et «Le Syndicat des Travailleurs de l’Industrie du Pétrole (SYNPETRO)» d’autre part et qui remplaçait la Convention collective de l’industrie du pétrole d’août 2006 et toutes ses dispositions annexes concernant les employeurs et les travailleurs.

Cette dame était recrutée comme «Assistante administrative». Sur quelle base a-t-elle été recrutée? Remplissait-elle les clauses de la convention collective? Quel est son salaire? Il est écrit dans cette convention que:

«L’embauche de travailleurs s’effectue conformément aux dispositions légales et réglementaires en la matière.
Le personnel est tenu informé par voie d’affichage d’un emploi vacant, des conditions requises pour l’occuper et de la catégorie professionnelle dans laquelle il est classé.»

Dans le cas d’espèce plusieurs employés de la boîte nous ont signifié qu’aucune note d’emploi vacant n’a été affichée comme exigée par la convention collective et qu’ils ont été étonnés de voir surgir un matin du 04 avril 2020, une dame pour occuper un bureau.

L’annexe I joint à la convention collective du 11 janvier 2013 clarifie la classification professionnelle dans l’industrie du pétrole. Ainsi les assistants administratifs sont classés dans la «catégorie AE3» dont la définition de fonction est ainsi libellé:

«En plus d’une qualification professionnelle avancée, [l’assistant administratif qui correspond dans le cadre du CSFPPP à un Agent d’exécution (NLR)] assure des fonctions de supervision sur les ouvriers de catégories équivalentes ou inférieures. Ces employés assurent des travaux comportant une part d’initiative et de responsabilité.
Employé titulaire du baccalauréat ou d’un diplôme équivalent.»

Dans l’annexe II du même document il est précisé les salaires de toutes les catégories et des grades dans l’industrie du pétrole. En ce qui concerne les agents d’exécution (assistant administratif) dont la catégorie est AE3 le salaire doit être compris entre 117.645 fcfa et maximum 135.548 fcfa.

Or il se trouverait que dame Alokpa Tsoekem qui n’a même pas encore un an de service et donc ne pourrait bénéficier d’avancement ou de promotion gagnerait 7 à 8 fois le salaire initial négocié dans la convention collective de l’industrie du pétrole. Ce salaire avoisinerait les 900.000 fcfa mensuel alors que ses collègues de la même catégorie sont des obligés des clauses contenues dans l’accord interprofessionnel.

Nous avions donc dans un premier temps le 04 janvier 2021, joint le coordinateur du CSFPPP Monsieur Dieudonné Komlan Kondo pour en savoir plus et avoir des détails si possible. La conversation a bien démarré entre nous après les présentations et lorsque les questions qui fâchent commencent à pleuvoir notre interlocuteur a feint de ne plus bien nous écouter prétextant une histoire de réseau. Nous lui disions que la conversation était bien claire et que nous le recevions assez nettement mais rien à faire il raccroche. Toutes nos autres tentatives jusqu’à ce jour sont demeurées vaines.

Ensuite nous avions téléphoné au comptable du CSFPPP Monsieur Éric Tambate qui poliment a répondu à notre appel en nous faisant comprendre que de telles questions ne peuvent pas être répondues par téléphone et demandait qu’on passe le lendemain mardi 05 janvier dans ses bureaux. Ce que nous avions fait. Le coup de fil sur le même motif est adressé également à l’intéressée Madame Alokpa qui nous a dit que «mon mari n’aime pas qu’on m’appelle au téléphone» et nous a également suggéré de l’appeler le lendemain matin. Ce qui fut fait et elle nous donna rendez-vous au bureau. Enfin le dernier appel était destiné au Ministre du commerce et de la consommation locale non pas en tant que ministre mais en tant que Président du CSFPPP. Nous avions «sonné dans l’air» maintes fois sans aucun correspondant au bout du fil. Surtout pas découragé, un message texto avec nos questionnaires lui est adressé le mercredi 06 janvier 2021. Bien que le message soit affiché sur son téléphone avec confirmation de lecture, aucune réponse ne nous est parvenu au moment où nous écrivions ces lignes.

Mardi 05 janvier 2021, 15h40. Nous nous retrouvions dans les locaux du CSFPPP situés au rendez-de-chaussée du ministère du commerce. Nous avions préféré commencer nos questions avec Mme Alokpa. Entré dans son bureau elle nous notifia d’attendre dans la salle d’attente. Nous avions également demandé après Éric Tambate et Kondo Komlan. Vers 16h une secrétaire se présenta à nous avec une fiche à remplir avec notre carte de presse dont elle voulait une photocopie. Ce qui fut fait. Puis c’est au comptable qu’incombe la lourde responsabilité de répondre à nos questions. L’accueil fut cordial mais les réponses le sont moins. Car notre interlocuteur a botté en touche toutes nos questions ne reconnaissant qu’effectivement Mme Alokpa Tsoekem travaille depuis avril 2020 en tant qu’assistante administrative. Comment a-elle été recrutée? Son recrutement respectait-il les accords conclus entre syndicat et employeurs? Quel est son salaire? Le même traitement est-il fait à ses collègues de même niveau? M. Éric Tambate a été évasif mais conclut tout de même que certaines questions le dépassent et qu’il allait rendre compte à sa hiérarchie.

La plus fâcheuse des questions est le lien de parenté entre Mme Alokpa Tsoekem et le ministre de tutelle et président du CSFPPP. D’après nos recoupements, il s’est avéré que l’assistante de direction qui n’aurait que le niveau baccalauréat et qui émargerait à 900.000 fcfa par mois est une nièce du Ministre Adédzé Kodjo, la mère de Mme Alokpa étant née Adédzé serait la grande-sœur du Ministre. Drôle de coïncidence! N’y aurait-il donc pas favoritisme et conflit d’intérêt dans ce recrutement? Écoutons Éric Tambate:

«Elle s’appelle Alokpa et le Ministre Adédzé. Je ne vois donc pas de lien de parenté.»

Comme si la patronymie seule détermine les liens de parenté. Il a ainsi botté en touche. On peut avoir comme patronyme Wiyao et avoir des neveux, des nièces, des cousins, des tantes, des oncles bref des parents au patronyme Folly.

Il apparaît dès lors évident qu’en refusant de répondre à nos questions, le CSFPPP cache beaucoup de choses car si notre enquête était fausse, il était simple qu’on présente tous les dossiers liés à nos questionnaires. Pourquoi tant d’intrigues autour d’un service qui est public et dont tous les employés sont aux frais du contribuable togolais.

Après notre passage dans les locaux du CSFPPP, il semble que c’est la panique et plusieurs personnes dont des journalistes ont été appelés pour prendre des renseignements sur nous. Certains de ces journalistes d’ailleurs nous ont appelé pour en savoir plus. Ils sont ici satisfaits du motif de notre visite au ministère du commerce. En ce qui concerne le Ministre qui aurait proféré des menaces, il n’a pas besoin de tout cela. Nous avions laissé notre carte de presse et notre numéro s’est affiché sur son écran pour les appels et pour le message laissé.

Ce pays est gangrené par des prédateurs dont le seul objectif est de s’en mettre plein les poches au détriment d’une population meurtrie par les souffrances, la misère et qui difficilement a accès à un repas par jour.

D’ailleurs lorsque le CSFPPP était dans la tourmente, son actuel président aurait en vain tenté d’après des informations, de le faire remplacer par une agence qui serait à sa botte. Ce qu’aurait refusé le Chef de l’État Faure Gnassingbé qui aurait demandé de dépoussiérer le comité de toutes ses anomalies tout en gardant l’actuel coordinateur. Il est évident dès lors que le CSFPPP est une poule aux œufs d’or. Il n’y a pas que les Adjakly qui s’en sont servis. Tous les ministres du commerce en ont fait leur choix gras en faisant main basse sur les ressources financières énormes de cette boîte.

Nous espérons vivement que des documents facilement vérifiables et une comptabilité saine seront présentés pour infirmer ou confirmer nos propos. Ce dont nous doutons étant entendu que l’opacité est la chose la mieux partagée dans le landerneau politico-financier dans notre pays. Le SCRIC ou le procureur va-t-il s’autosaisir pour éplucher comme de fins limiers ce dossier? Le doute une fois de plus est permis.

Que Faure Gnassingbé fasse un grand nettoyage au karcher dans son entourage. Il a tout à y gagner.

J’ai encore dit…

Anani Sossou

Source : Togoweb.net