Performance Logistique en Afrique : La Corruption et les Passe-droits Handicapent le Togo…

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Les dirigeants africains de nombreux pays africains sont « fiers » d’annoncer qu’ils ont pu obtenir des prêts et dons « gratuitement ». Or, la réalité veut que ces prêts octroyés parfois à des conditions dites concessionnelles, cachent souvent des conditionnalités politiques et de pertes de souveraineté nationale qu’ignorent les peuples africains.

C’est ainsi qu’à partir d’un projet régional d’infrastructures entre le Burkina-Faso, le Niger et le Togo, il est possible mieux appréhender l’engagement des Etats africains en s’appesantissant sur leur apport effectif dans le projet. L’objet était pour le principal bailleur de fonds, qu’est le Groupe de la Banque mondiale, de contribuer à l’amélioration de la performance logistique dans les trois pays[1].

Mais, les instruments qui fondent la performance logistique ont un défaut majeur et sont orientés pour faciliter une meilleure préparation de potentiels investisseurs, souvent étrangers. Mais la réalité est que ces indices de la performance logistique ont conduit à une « augmentation exponentielle des « passe-droits » et des collusions de tous genres entre les pouvoirs en place et les potentiels investisseurs, le tout aux dépens des peuples africains. Le cas du Togo est symptomatique car aux dirigeants politiques, il faut rajouter un rôle d’affairistes des militaires et de certains responsables de l’opposition togolaise, non sans oublier les « avocats, les juges et les notaires » qui vivent de ce système de corruption institutionnalisé.

Il importe donc de redéfinir la performance logistique dans un contexte africain et de s’interroger sur le sens profond de ce que doit revêtir une performance logistique efficiente. Celle-ci doit pouvoir offrir un indice de convivialité si elle est mesurée à l’aune des créations d’emplois décents en Afrique. Or, pour le cas du Togo, la performance logistique togolaise est en retard sur la plupart des pays voisins, tous des pays démocratiques qui ont connu une alternance politique sur la base de la vérité des urnes. La question est de savoir si la performance logistique au Togo répond au critère de la convivialité ? Et si oui, à qui cela profite ? Vraisemblablement, pas encore au peuple togolais ! Alors, peut-on affirmer que la performance logistique ne profite pas au Peuple togolais ?

1. Un projet régional d’infrastructures avec un apport lilliputien des états africains

Le 15 juillet 2021, le Burkina-Faso, le Niger et le Togo ont vu leur projet de « Corridor Lomé Ouagadougou Niamey » être approuvé avec 470 millions de dollars des Etats-Unis ($EU), soit approximativement 281 milliards FCFA ou 404 millions d’Euros. Ce projet sans engagement financier des Etats africains est financé totalement sur « endettement » et « conditionnalités » non dévoilées et appelées pudiquement « dons ». La structuration est simple : 50 % de prêt et de 50 % de dons.

C’est le conseil d’administration de la Banque mondiale qui a approuvé ce projet régional impliquant ces trois pays avec près de 1.065 km d’infrastructures liées au transport routier dit « corridor Lomé-Ouagadougou-Niamey ».

Le 27 octobre 2021, la Banque mondiale a décaissé un peu plus de la moitié, près de 56 % du montant total du projet au Burkina Faso, à Ouagadougou, avec 145 milliards de FCFA soit 266 millions de $EU, soit.

Le Burkina Faso s’est engagé à avoir deux principaux résultats :

  • mettre en œuvre un « corridor intelligent » d’interconnexion à travers le déploiement d’un système intégré d’informations sur les transports le long du corridor ; et
  • construire des infrastructures communautaires pour renforcer la résilience des populations dans la zone d’influence du corridor.

Le Niger se verra attribuer 136 millions de $EU sur les 470 millions $EU approuvés.

Pour la partie togolaise du Corridor Lomé-Ouagadougou-Niamey, la Banque mondiale a alloué 120 millions USD au Togo, soit 68 milliards de FCFA. Le financement qui se décompose en deux parties, a pour objet :

  • d’améliorer la connectivité du transport terrestre et augmenter le volume d’échanges intra-régionaux en améliorant la performance logistique (transport maritime/transport terrestre) tout en d’améliorer le taux d’utilisation de trois infrastructures principales du Togo :
        • Le Port Autonome de Lomé ;
        • La Plateforme Industrielle d’Adétikopé (PIA) ;
        • Le port sec qui lui est attaché ; et
  • de réaliser des travaux annexes de réhabilitation (route Aouda-Kara) et (Lomé Cinkassé), d’amélioration de la sécurité routière (piste d’accès aux agropoles de Kara et de l’Oti), et la construction de parkings le long du corridor…

L’objectif du Togo pour le Togo est de devenir un hub logistique régional. Mais cela ne peut se faire sans les infrastructures et la vitesse d’exécution qu’il est possible de résumer sous l’appellation « performance logistique ».

En réalité, la contribution effective des Etats demeurent floue et surtout se limiterait à des apports en nature. Où se trouve la « volonté », « l’engagement » des dirigeants africains concernés ? Pourquoi l’audit des précédents prêts et dons effectués par la Banque mondiale ou d’autres bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux ne révèlent pas les coûts réels en fin d’exécution du projet et la réalité de la qualité de l’exécution faite souvent dans des conditions difficiles à évaluer par des auditeurs indépendants et externes.

Le coût au km d’une route dans un de ces pays se situerait loin d’un prix compétitif, voire très loin. Les estimations se situeraient entre 2 fois plus et 7 fois plus…. En guise d’information, le prix moyen du kilomètre de route bitumée au Cameroun est estimé à environ 205 millions de francs CFA (soit 294.582 Euros, ou 253.340 $EU). En comparaison, le prix moyen en Afrique pour un km de route bitumée se situerait autour de 100 millions de francs CFA (soit 143.699 Euros ou 123.581 Euros). Le prix du km d’une route au Cameroun s’est révélé être le double de la moyenne africaine[2].

Au Togo, les 14,1 km de route pour le contournement du Grand Lomé avait été budgétisé autour de 34 milliards de FCFA et devait s’exécuter en 3 ans, entre 2011 et 2014[3]. Les dépassements en temps et au budget non comptabilisés, un kilomètre de route bitumée équipée au Togo couterait autour de 2,4 milliards de FCFA, soit 3,67 millions d’Euro (soit 3,16 millions de $EU). Autrement dit, une route de 1 km bitumé dans la capitale togolaise coûterait près de 12,4 fois plus qu’une route bitumée au Cameroun. En l’absence des données publiées et fiables du Gouvernement togolais, il est difficile de procéder à des vérifications indépendantes. Mais, il y a un problème que la Banque mondiale n’a pas vu, ne veut pas voir, ne parlera pas et surtout n’a rien entendu. Une amnésie multiforme bien fâcheux pour les donneurs de leçons sur la transparence.

La corruption, la non-transparence et l’impunité sont passées par là. Alors comment l’amélioration éventuelle de la performance logistique d’un pays pourrait contribuer à un saut qualitatif quand d’autres acteurs comme les militaires chargés de la sécurité des échanges sur les axes routiers considèrent qu’il s’agit là d’un gagne-pain supplémentaire qui s’obtient en marge des règles du droit et de la libre-circulation des biens, des capitaux et des services.

2. Redéfinir la performance logistique dans un contexte africain

La performance logistique peut être considérée comme un sous-ensemble de la notion plus large de performance d’une organisation[4], que ce soit une entreprise, ou un Etat. Selon les économistes spécialisés en management, Gleason, Barnum et Gleason[5] dans le cadre d’études sur les indicateurs de performance dans le transport urbain et les mesures de la productivité du secteur public, il importe de faire la distinction entre les notions d’efficacité d’une part, et d’efficience d’autre part. L’efficacité se définirait alors comme « la mesure dans laquelle un objectif a été atteint », tandis que l’efficience serait définie comme « la mesure dans laquelle les ressources ont été utilisées de manière économique ou effective[6] ».

En d’autres termes, la réalité sur le terrain en Afrique est de mesurer l’efficience, c’est-à-dire ne pas se contenter de dépenser l’argent venue d’ailleurs sous conditionnalités inconnues, mais de s’assurer que le budget affecté, les délais planifiés et la qualité du travail fini sont au rendez-vous pour les populations, c’est-à-dire que la réalisation seule, bien ou mal effectuée, ne suffit pas. Pourtant c’est ce que clame sous tous les toits la plupart des dirigeants africains qui montrent dans les publi-reportages des « réalisations » qui endettent le pays sur des dizaines d’années et permettent de donner une image d’honorabilité et de discrétion à la corruption macro-économique d’envergure.

Si la performance doit venir compléter la notion d’efficacité, d’efficience, il faut alors y rajouter les notions de qualité dans la durée sans externalité environnementale, une productivité globale facilement auditable, de la qualité de vie des travailleurs et l’amélioration de leur pouvoir d’achat notamment en termes de salaires, mais aussi en termes de sécurité, et enfin que le contenu technologique et l’innovation aient pu avoir lieu au profit des populations locales, avec en prime un ratio coût-avantage et/ou coût-efficience positif, en rapport avec le budget affecté et la rentabilité indirect du projet.

Il n’est donc plus question de parler de « projet » isolé, mais bien d’une chaine de valeur autour de plusieurs projets interdépendants dans l’infrastructure et ayant pour objet l’amélioration de la performance logistique, avec en filigrane, la logistique comme un réseau vertical et horizontal d’approvisionnement et d’exécution de travaux et composé d’un grand nombre d’organisations structurées sous forme d’une agglomération de compétences. C’est bien donc la notion de « chaines interdépendantes de valeurs ajoutées » qui devra servir de fondement à la compréhension de la notion de performance logistique pour une pays ou une organisation. Il s’agit en principe, de la manière la plus efficiente possible, donc aussi rapide possible, d’assurer l’acheminement de biens et services d’un point d’entrée à un point de sortie, ce qui suppose des infrastructures de facilitation des transactions et des échanges et une administration facilitant les passages d’un point nodal à un autre, ce sans bureaucratie ou embêtement excessif ou confiscatoire.

3. La performance logistique de la Banque mondiale : un indice de convivialité

Selon le Groupe de la Banque mondiale, l’indice de performance logistique (IPL)[7] est un « outil d’analyse comparative interactif créé pour aider les pays à identifier les défis et les opportunités auxquels ils sont confrontés dans leur performance en matière de logistique commerciale et ce qu’ils peuvent faire pour améliorer leur performance. L’IPL 2018 permet d’établir des comparaisons entre 160 pays. L’IPV repose sur une enquête mondiale menée auprès d’opérateurs sur le terrain (transitaires et transporteurs express mondiaux), qui donnent leur avis sur la « convivialité » logistique des pays dans lesquels ils opèrent et de ceux avec lesquels ils commercent. Ils combinent une connaissance approfondie des pays dans lesquels ils opèrent avec des évaluations qualitatives éclairées des autres pays où ils commercent et une expérience de l’environnement logistique mondial. Les commentaires des opérateurs sont complétés par des données quantitatives sur la performance des composants clés de la chaîne logistique dans le pays de travail ».

L’IPV se compose donc de mesures qualitatives et quantitatives et permet d’établir des profils de convivialité logistique pour ces pays. Il mesure les performances tout au long de la chaîne d’approvisionnement logistique dans un pays et offre deux perspectives différentes à savoir internationale et nationale :

  • des évaluations qualitatives d’un pays dans six domaines pour tous les intervenants ou partenaires extérieur au pays ;
  • des évaluations qualitatives et quantitatives du pays par des professionnels de la logistique travaillant à l’intérieur du pays avec des informations détaillées sur l’environnement logistique, les processus logistiques de base, les institutions, ainsi que des données sur les délais et les coûts de performance, etc.

L’indice de performance logistique est un outil d’analyse comparative interactif créé pour aider les pays à identifier les défis et les opportunités auxquels ils sont confrontés dans leur performance en matière de logistique commerciale et ce qu’ils peuvent faire pour améliorer leur performance[8].

Les mesures qualitatives et quantitatives de la logistique que ce soit pour une organisation, une entreprise ou un Etat devra comprendre au moins la satisfaction du client/usager/citoyen, la qualité du produit/projet/service, etc.

Les mesures quantitatives comprennent le délai de la commande à la livraison, le temps de réponse de la chaîne d’approvisionnement, la flexibilité, l’utilisation des ressources, les performances de livraison, l’introduction de contenu technologique ou d’innovation, la sécurité, l’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs engagés dans le projet, etc. Pour les points négatifs, il importe de demander l’avis de toutes les parties prenantes, notamment sur les effets négatifs sur la biodiversité, la préservation de l’environnement, les pollutions diverses (sonores, esthétiques, chimiques et autres)… et leurs coûts qui ne peuvent être répercutés d’office sur un Etat qui ne prend pas en charge dans les faits.

Les indicateurs de performance logistique reposent sur un processus complexe de la logistique et sont divisés en domaines où la qualité offerte (produit ou service) doit être au top, ce sur le long-terme. La performance logistique témoigne stratégiquement de la capacité d’un Etat, d’une organisation ou d’une entreprise à être agile, flexible, réactive tout en ayant un niveau élevé de qualité, le tout dans un processus où la performance est en constante amélioration, sans pour autant perdre de vue la rentabilité et le positionnement par rapport à la concurrence.

Conscients de l’importance de la mesure de performance logistique, de nombreux opérateurs privés, et parfois l’Etat, s’organisent pour améliorer leur efficience en investissant d’importantes ressources financières, techniques et humaines dans les outils modernes financiers et non financiers, sans que la transparence des comptes publics puissent faire l’objet d’une évaluation ex-post indépendante.

Il est estimé que les coûts logistiques représentent 18 % à 23 % des coûts totaux de production, mais en Afrique où la bureaucratie et les passe-droits font office du droit commun, les coûts logistiques peuvent varie entre 40 % et 50 % d’un projet. L’optimisation d’un intervalle de la chaîne logistique peut devenir un défi en soi si l’environnement des affaires, le rôle non-éthique des agents de sécurité, souvent des militaires « défroqués » ou pas, deviennent des agents hors-la-loi dans l’usurpation des valeurs ajoutées créées, ce sans contreparties.

Mais, il existe aussi beaucoup d’agents indélicats de l’Etat qui ont institué la corruption et l’usurpation du bien ou du travail d’autrui au rang d’un sport national, légitimé par le plus haut sommet de l’Etat. Bien sûr tout ceci ne se fait pas en vase clos, d’où sans incitation de certaines entreprises multinationales, voire d’acteurs politiques de premier plan dans les pays étrangers -parfois en campagne électorale-, souvent issus des anciennes puissances coloniales ou post-coloniales, il n’est pas possible de retrouver des niveaux de coûts compétitifs tant au niveau de chaque nœud logistique que de l’ensemble du processus de la chaine de valeur autour de la performance logistique.

Autrement dit, on a assisté en Afrique, mais surtout dans les pays francophones africains, d’une reconversion d’une forme classique de la postcolonie en une forme nouvelle de sous-traitance postcoloniale, où ce sont certains dirigeants africains, qui s’évertuent à faire le travail de l’exploitation des richesses et des humains, effectués d’antan par les ex-propriétaires d’esclaves, puis des ex-colonisateurs, aujourd’hui, des dirigeants non africains usant et abusant des « aides », « dons » et autres subterfuges pour imposer des conditionnalités permettant dans des contrats léonins pour les peuples africains et avec l’aval de certains dirigeants africains, de s’approprier des pans entiers des espaces et richesses des Africains.

4. Mesurer la performance logistique à l’aune des créations d’emplois décents

A force d’insister que les pays africains soient traités comme des partenaires à part entière, c’est-à-dire d’être considéré comme « apte » à soutenir la compétition et la concurrence mondiales, les Chefs d’Etat africains en oublient l’essentiel, à savoir l’excellence ou pas de leur performance logistique.

Le paradoxe est que dans la pratique, ce sont des passe-droits, de non-respect des procédures transparentes et autres favoritismes sur des bases inégalitaires qui fondent ce nouveau partenariat entre certains – assez nombreux- chefs d’Etat africains et le monde de la création de richesses par l’entreprise. La concurrence et la compétitivité ne sont tolérées que si cela ne dérange pas leur propre intérêt, et souvent leur propre sociétés, détenues par des parents, des militaires et autres représentants juridiques locaux ou internationaux. Cette réalité-là des dirigeants africains est régulièrement passée sous silence. L’importance de la performance logistique d’un pays ou de plusieurs de ses chaines de valeurs locales est indispensable pour générer de la croissance soutenable et durable. C’est aussi par la performance logistique que l’intégration régionale, africaine et internationale dans les chaines de valeurs est possible. Des disfonctionnements dans une partie ou dans l’ensemble des chaînes d’approvisionnement d’une économie mettent souvent en péril les échanges, le commerce et tout simplement l’existence même de la nation.

Quelle que soit l’approche choisie pour améliorer sa performance logistique, il faut nécessairement :

  • s’assurer que l’ensemble des infrastructures ou infostructures de communication physique ou digitale, sans oublier l’accès à l’énergie, se fasse à un coût compétitif, donc abordable et ne présente pas d’effets négatifs sur l’environnement et la biodiversité ;
  • réduire le temps de transport et d’acheminement d’un bien ou d’un service ;
  • augmenter l’efficience de l’ensemble des institutions et systèmes soutenant le processus de mise à disposition, que ce soit sur le territoire national, entre pays voisins, au sein d’une communauté économique régionale ou continentale, ou au plan mondial.

La capacité des pays africains à recevoir et/ou livrer efficacement des biens et à permettre de réduire les asymétries de marchés demeure le but ultime qui est loin d’être atteint en 2021. La mise en la mise en relation les industries productrices et les consommateurs avec un niveau de performance logistique efficiente ne peut s’améliorer durablement uniquement avec des infrastructures si sur le terrain des « check-points » d’usurpation de la valeur ajoutée créée en amont ou en aval sont détournés par des groupes de militaires, souvent sur instruction de dirigeants politiques qui fondent cette pratique sur l’appropriation par la facilité.

A ce rythme, l’industrie et le commerce qui dépendent du transport et de la logistique en Afrique ne peuvent pas jouer un rôle d’effet de levier malgré parfois les efforts déployés par certains dirigeants africains pour s’insérer dans la compétitivité mondiale, en construisant des infrastructures isolées. Il est important de laisser prospérer, de préférence par le secteur privé africain indépendant, les chaînes de création de valeurs ajoutées et d’approvisionnement ainsi que des réseaux de distribution et de marketing promotionnel en assurant la mobilité sans endommager l’environnement, ni massacrer les salaires des travailleurs. Car, en fin de compte, l’efficience de la performance logistique se détermine, au-delà des indices et autres critères quantitatifs ou qualitatifs, à partir du nombre d’emplois décents créés dans le pays, ce avec un pouvoir d’achat soutenable.

5. La performance logistique du Togo en retard sur la plupart des pays voisins

Selon le classement annuel de la Banque mondiale, le Togo a été classé en 2020, 97e sur 190 économies en matière d’environnement des affaires dit « Doing Business[9] ». Le Togo est passé du rang de 137 en 2018 à 97 en 2019. Il y a là donc bien une prise de conscience de repositionner le Togo parmi les pays qui génèrent de la valeur ajoutée.

Le problème est que la militarisation du système politique togolais et le fait qu’une grande partie des forces détenant le pouvoir régalien de l’Etat ne respecte pas les lois en vigueur en matière de transparence et de la concurrence. Ils agissent pour leur propre compte, mais aussi pour le compte de civils au pouvoir, souvent des parents ou affidés politiques y compris dans l’opposition alimentaire. C’est cela qui explique que le niveau de corruption au Togo reste élevé, et difficilement saisissable car encensé par l’impunité érigée au rang de pratiques institutionnelles du pays.

Selon Transparency International de 2021, l’indice de corruption au Togo a été estimé à 29 points en 2020 alors qu’il n’était que de 24 points en 2011[10]. Rappelons que l’indice de perception de la corruption classe les pays et territoires en fonction du degré de corruption de leur secteur public. Le score d’un pays ou d’un territoire indique le niveau perçu de corruption du secteur public sur une échelle de 0 (très corrompu) à 100 (très propre). Avec le Nigeria crédité de 25 points, le Togo avec 29 points est donc bien classe parmi les pays très corrompu (entre 0 et 30).

Sa politique d’amélioration de la performance logistique se retrouve en contradiction totale avec ses performances en matière de corruption et passe-droits inégalitaires. Ce sont ces oublis qui décrédibilisent les données du « Doing Business » de la Banque mondiale, qui met, ni le travailleur africain, ni le Peuple africain, au centre de ces préoccupations.

Pourquoi les pays voisins immédiat du Togo qui ont tous évolué vers une démocratie avec alternance ont pu se hisser au-dessus des pays les plus corrompus, sauf le Nigeria ? Vraisemblablement, parce-que dans ces pays, le rôle des militaires claniques dans les affaires publiques et privées n’est pas aussi prépondérant qu’au Togo. Ce point fait du Togo, un régime militaire avec une apparence civile qui plombe toute liberté fondamentale, à commencer par celle de créer de la valeur ajoutée et des richesses sans la peur de se voir ponctionner arbitrairement, ce avec de plus en plus l’aval du système judiciaire togolais. La séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif, le judiciaire et l’armée étant équivalente celle des bananes sur un bananier, il faut croire que les approches du « Doing Business » comme celles liées à la détermination de la « performance logistique » doivent être revues avec des experts indépendants, ressortissants des régions concernées, et basées sur des enquêtes de type « remontée des chaines de valeurs ».

Les autorités togolaises qui sont allées prendre des « leçons » au Rwanda pour améliorer les données du « Doing Business » et celles de la « performance logistique » devrait aussi prendre en compte données issues de l’indice de la perception de la corruption pour corriger l’image idyllique et fausse donnée par le pouvoir togolais (voir le graphique suivant sur la perception de la corruption en 2020).

En réalité, le secteur privé et le marché compétitif ne tardera pas à s’en rendre compte, même si les facilités, dignes d’un système anti-valeur prévalant au Togo, conduisent à une ascension exponentielle des passe-droits. La réalité est que les investisseurs dans leur grande majorité, sauf ceux qui n’ont pas ou plus de passe-droits, se retrouvent asphyxiés par des impôts, parfois difficiles à justifier, et souvent sans rapport avec l’activité exercée.

Les données de « Doing Business » oublient systématiquement d’accorder des points négatifs pour les pays qui établissent des check-points anarchiques tout au long du système des transports et de la logistique, ou organisent un système générateur de dégâts irrecouvrables sur l’environnement et la biodiversité. Un biais qui fait du « Doing Business » de la Banque mondiale, un système de promotion indirecte de la corruption et de la destruction de l’environnement, non sans apporter un soutien non négligeable à des régimes corrompus et dictatoriaux où la vérité des urnes est passée par pertes et profits. Bref, la Banque mondiale avec ces indices du « Doing Business » orientés vers la satisfaction des intérêts des entreprises multinationales privées, a fini par offrir les données statistiques nécessaires à des régimes militaro-civils pour justifier un système de création de richesses qui se fait aux dépens des populations africaines. Le Togo est l’exemple typique des contradictions des données fournies par les statistiques du « Doing Business » ou de la « Performance logistique ».

Le Bénin est classé par la Banque mondiale à 2,75 selon l’indice de la performance logistique compris entre 1 (mauvaise performance) et 5 (très bonne performance). Avec le Ghana à 2,57, tous deux font mieux que le Togo à 2,45 soit la moyenne de l’Afrique subsaharienne, autrement dit il y a encore de nombreux problèmes pour atteindre l’efficience logistique… notamment les arrêts intempestifs d’accès à l’internet et à l’énergie, l’arrêt intempestifs et souvent arbitraires sous forme d’interventionnisme non sollicité des « forces dits de l’ordre » sur des camions de marchandises, et bien sûr toute les formes de raquettes regroupées sous le vocable « corruption ».

Il suffit de faire la comparaison entre les pays sélectionnés tant dans la sous-région d’Afrique de l’Ouest, que sur le continent ou ailleurs dans le monde pour comprendre que la performance logistique du Togo est une performance factice qui ne profitent qu’à ceux qui bénéficient de « passe-droits », non sans contreparties non officielles (voir graphique ci-après). Tous les pays voisins du Togo font mieux en termes de performance logistique. Tous ces pays sont démocratiques et connaissent des alternances politiques basées sur la vérité des urnes. Le Togo fait donc exception !

6. Conclusion : une performance logistique au togo est non conviviale

Selon l’indice de performance logistique de la Banque mondiale, le Togo ne serait pas un pays « conviviale » en termes de performance logistique. La raison principale réside dans :

# L’usurpation du pouvoir démocratique par un groupe de militaires claniques utilisant un civil comme paravent ;

# Une grande corruption dans l’exécution des projets d’infrastructures ou miniers, sans compter la non-enregistrement de recettes pétrolières ou autres dans les comptes publics officiels de l’Etat ;

# Le silence des organisations internationales et bilatérales sur les injustices envers le Peuple togolais dans les transferts de richesses dans les chaines de valeurs liées à la performance logistique, ce avec la complicité de sociétés multinationales étrangères ayant en leur sein les représentants des pouvoirs en place et des militaires dans leur conseil d’administration dans la logistique sécuritaire d’acheminement des biens et marchandises ;

# L’impunité envers les militaires et autres forces en charge de « check-points » hors-la-loi, au gré des besoins journaliers, dès lors que la redistribution de la richesse créée ne quitte pas un cercle fermé d’une oligarchie militaro-civilo-ésotérique, qui a auparavant muselé les populations par l’interdiction des manifestations et droit de grève prévus par la Constitution togolaise, et de toutes velléités de contestation organisées par la Diaspora indépendante ; et enfin,

# Le rôle néfaste d’une opposition politique qui a fini par accepter d’être nourri par le pouvoir en place, quitte à servir de légitimation du système politique qui les avilie, au point de fermer les yeux, voire d’être insensibles aux kidnappings et emprisonnements sans mandats, ni preuves de troubles à l’ordre public des combattants de la liberté du Peuple togolais, ce plus particulièrement contre ceux de la Diaspora, sans oublier tous celles et ceux – innocents- qui sont actuellement en prison sans jugement.

S’il est difficile d’influencer les coûts internationaux de la logistique, il appartient néanmoins aux dirigeants africains de réduire substantiellement les coûts logistiques au niveau national[11]. Ne pas « toucher » aux cinq points mentionnés plus haut, serait non plus une erreur, mais un acte de complicité et de mépris du peuple africain, togolais en particulier.

La corruption et les passe-droits handicapent la performance logistique du Togo. A qui la faute ? Certainement pas au Peuple togolais, encore moins à sa Diaspora qui n’est toujours pas recensée et ne figure pas parmi les 8,3 millions d’habitants estimés en 2020[12] ! YEA.

10 novembre 2011

Dr. Yves Ekoué AMAÏZO

© Afrocentricity Think Tank

Notes : voir Afrocentricity Think Tank

Source : 27Avril.com