Les nouveaux députés togolais continuent de faire parler d’eux dans
les dérives institutionnelles et constitutionnelles. Après le vote des
réformes constitutionnelles et institutionnelles mal ficelées et
taillées sur mesure, les élus du RPT/UNIR se sont tournés en milieu de
semaine dernière vers la loi relative aux manifestations publiques au
Togo, dénommée « Loi Bodjona ». Les députés ont tout simplement recadré
ce texte de lois en le corsant avec de nouvelles dispositions.
Dorénavant, les manifestations au Togo seront plus que jamais
contrôlées, certaines zones ne connaîtront plus de manifestation. Pour
plusieurs acteurs, ces nouvelles dispositions portent un coup dur à la
liberté de manifestation. Une arme dont a toujours peur le pouvoir en
place. L’histoire retiendra que le Togo bascule dangereusement vers un
Etat de non-droit sous la houlette d’une demoiselle à la tête de
l’assemblée : Chantal Yawa Tsègan.
Lire aussi: Assemblée nationale: Tsegan Yawa l’arme de séduction de Faure Gnassingbé
Le régime en place confirme à travers ses actes, son désir de
conservation du pouvoir. Et il y passe par tous les moyens entre autre
la manipulation des députés taillés à sa mesure et sa solde. Le célèbre
texte dénommé ‘’Loi Bodjona’’ portant sur les conditions de
manifestation au Togo change désormais de nom. Avec l’aval des députés,
il porte désormais la signature de Payadouwa BOUKPESSI, ministre de
l’administration territoriale. Mercredi 07 Aout dernier, les députés
étaient en session extraordinaire à l’assemblée nationale. Il était donc
question de revoir les conditions de manifestations au Togo. La
désormais loi votée par les députés ne prend en compte qu’un seul
itinéraire pour les marches et permet tranquillement aux autorités de
dire non à des manifestations.
Le nouveau texte voté par les représentants du peuple stipule en son
article 9-1 : « Dans le cadre des réunions ou manifestations ou réunions
pacifiques publiques, l’itinéraire comporte un seul point de départ, un
seul tronçon de route et un seul point de chute ».
Ensuite, il précise que les manifestations seront interdites sur
certains axes et zones, principalement toutes les routes nationales, les
axes ou zones où se déroulent de fortes activités économiques dans les
centres urbains, les axes et zones proches des institutions de la
République, les axes et zones proches des chancelleries et résidences
des ambassadeurs et représentants d’organisations internationales, les
axes et zones proches des camps militaires et des camps de service de
sécurité. Ceci pour des raisons stratégiques, économiques et
sécuritaires. « Le nombre de manifestations organisées par semaine dans
une ville peut être limité par l’autorité administrative compétente en
fonction de la disponibilité des forces de sécurité et de l’ordre devant
être affectées à l’encadrement desdites manifestations », peut on lire
dans la nouvelle loi.
Lire aussi:Secret de Palais: ces révélations qui feront rougir Toba Tanama et son équipe
S’il faut se fier à la version originelle de cette loi ou à la loi
bodjona de Mai 2011, il est stipulé que toute réunion ou manifestation
pacifique sur la voie publique et dans les lieux publics est soumise à
une déclaration préalable écrite au ministre chargé de l’administration
territoriale pour les réunions ou manifestations à caractère national ou
de portée internationale, au gouvernement ou au préfet territorialement
compétent dans les autres cas, au maire de la commune concernée, le cas
échéant.
« Les réunions ou les manifestations pacifiques sur la voie publique
ne peuvent se tenir avant 6 heures et au-delà de 22 heures. Toutefois,
des dérogations justifiées, peuvent être accordées lorsqu’elles ne
portent pas atteinte à l’ordre public »
Mais plus loin la loi version Boukpessi souligne dans son article 17,
que les réunions ou les manifestations pacifiques sur la voie publique
et dans les lieux publics ne peuvent se tenir avant onze (11) heures et
au-delà de dix-huit (18) heures.
Désormais, il reste juste sa promulgation par Faure Gnassingbé. Et
elle sera effective. Mais déjà des questions taraudent les esprits sur
cette nouvelle disposition, certains parlent de loi liberticide et
suicidaire.
Lire aussi: CONFIDENTIEL: Faure Gnassingbé veut laisser sa place en 2020!
Nouvelle provocation, face au silence…
La première réaction suite ce vote est bizarrement celle du député Gerry Taama, le responsable du Groupe parlementaire NET-PDP.
Selon lui, le gouvernement togolais agit contre les libertés
publiques. Il qualifie cette loi de liberticide. « La limitation du
nombre de localités pour les manifestations en une journée, la
limitation des zones, la restriction sur le nombre d’itinéraires
possibles ainsi que le nombre de délais possibles pour l’organisation
d’une manifestation dans une journée nous inquiètent profondément »,
a-t-il indiqué.
Juste après lui, la réaction de la coalition des 14 partis politiques
de l’opposition, ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué, la
Coalition de l’Opposition togolaise C14 dit constater avec une
effroyable stupeur qu’aucune de ces deux lois n’apporte les vraies
réponses que les Togolais sont en droit d’attendre de leurs gouvernants ;
en matière de sécurité publique et de protection civile. La C14 parle
du contexte sous régional et international marqué par la montée des
tensions et des actes terroristes qui exposent en permanence notre pays à
de réels risques sécuritaires.
Le communiqué poursuit en précisant que ‘’pour la C14, le
gouvernement a voulu, par ces deux lois, sous le couvert de
préoccupations sécuritaires et de menace terroriste, mettre en
application sa volonté maintes fois exprimée, de réduire à néant les
libertés publiques de réunions et de manifestations acquises de haute
lutte et au prix de lourds sacrifices par les populations togolaises’’.
Devant cette situation, la coalition n’entend pas se laisser faire.
Elle lance d’ailleurs un appel pressant à toutes les forces
démocratiques acquises au changement ainsi qu’aux organisations de la
société civile et de la diaspora afin que dans un sursaut patriotique,
nous réalisions enfin cette union sacrée pour remobiliser les
populations en vue de l’alternance. ‘’La Coalition de l’Opposition
Togolaise C14 n’entend pas rester les bras croisés face à cette
entreprise de régression politique et sociale que le régime RPT-UNIR
veut imposer aux Togolais aux seules fins de museler toute velléité de
contestation pour se maintenir au pouvoir. La Coalition C14 exhorte les
populations togolaises de l’intérieur comme de l’extérieur à ne pas se
laisser museler par cette loi liberticide, mais au contraire à s’armer
de courage afin qu’ensemble nous puissions reconquérir notre espace de
liberté et poursuivre la lutte pour l’alternance et un véritable ordre
démocratique au Togo’’ peut on lire dans le communiqué signé par
Brigitte Kafui ADJAMAGBO, coordonatrice de la C14.
Lire aussi: Enquête / Togo: Le FNFI ou la boutique privée de la Secrétaire d’État Mazamesso Assih
A la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme, on crie à une suppression
de liberté de manifestation. Cette loi est anticonstitutionnelle et est
en violation flagrante de l’article 30 de la constitution togolaise,
indique Celestin AGBOGAN, président de la LTDH. Il va plus loin en
affirmant que ‘’ nous sommes revenus à la situation d’avant 90 où il n’y
avait pas de loi sur les manifestations. Et ce n’est pas interdit non
plus.’’ Selon lui, la cour constitutionnelle doit prendre ses
responsabilités.
Pour l’autre homme de droit et coordonnateur du Panel Watch, Attoh
Mensah, la loi Bodjona dérange le gouvernement. ‘’ Chaque fois qu’un
gouvernement change une loi surtout sur les libertés publiques en
faisant des restrictions sur les libertés acquises auparavant, c’est que
la jouissance de cette loi les dérange. Qu’on en soit arrivé à modifier
cette loi dans ces conditions là, c’est nécessairement un recul. On
n’avait pas du tout besoin de changer cette loi. Il y a des raisons de
s’interroger sur l’avenir’’ a-t-il indiqué.
Mais les votes de lois de cette nouvelle législature depuis un moment
au parlement étaient prévisibles pour tous les observateurs, d’autant
plus que cette nouvelle législature est composée majoritairement de UNIR
et compagnons. Et visiblement c’est aussi l’une des conséquences du
boycott des législatives du 20 décembre dernier.
Le pouvoir excelle dans les dérives…
Selon l’opinion, c’est l’opposition notamment la C14 qui a permis
cela en boycottant les législatives du 20 décembre 2018. Le pouvoir
ayant désormais devant lui tout un boulevard, se permet de tout mélanger
et bousculer au parlement afin de s’éterniser. Hier, c’étaient les
reformes constitutionnelles et aujourd’hui c’est le coup porté à la
liberté de manifestation. La loi sur les réformes permet aujourd’hui à
Faure Gnassingbé de remettre le compteur à zéro et être en mesure de
briguer deux autres mandats et plus encore pourquoi pas. Puisqu’il
détient aujourd’hui les manettes.
Mais cette situation ne fait pas du bien au pouvoir en place
puisqu’un Etat policier, où le respect des droits de l’homme est foulé
au pied, où la liberté d’expression et manifestation est une
conspiration, ferme sans doute sa porte aux investisseurs. Tout concours
au mal de ce pays et les dirigeants ne s’en rendent compte que
tardivement. Puisqu’ils sont aveuglés et pensent avoir le monopole de la
situation.
Cette situation peut sembler être une garantie pour le régime en
place mais face à un peuple vaillant et qui est conscient de sa
souffrance et décidé de s’affranchir, arrive toujours à bout. Selon un
acteur de la société civile, ‘’ quand on tend vers la fin, on multiplie
les gâfes croyant avoir le contrôle sur son peuple. On pense faire des
exploits mais hélas, c’est faux, nous a-t-il confié.
Lire aussi: Ministère du Développement à la Base: Victoire Dogbé au coeur d’un scandal!
Position actuelle est celle de quelqu’un qui se noie et qui veux
s’accrocher à tout même au serpent. Les députés ont certes voté cette
loi, mais le peuple toujours dire non, et répondre sans doute aux
prochains appels de l’opposition qui elle aussi doit laisser les
querelles stériles et parler d’une même voix.
Mademoiselle Tsègan Yawa Chantal, le sale boulot
L’histoire du Togo retiendra que c’est sous la présidence d’une
demoiselle portée à la tête de l’assemblée nommée Chantal Tsègan Yawa
que le cadre juridique des libertés est traumatisé. C’est sous elle que
les reformes suicidaires ont été faites, préservant un système où les
gens ayant porté atteinte à l’autorité de l’Etat et à l’atteinte des
vies humaines bénéficient de l’impunité jusqu’à leur mort. C’est sous
elle que les manifestations publiques, gages de démocratie et de l’Etat
de droit sont muselées. C’est encore sous elle que plusieurs autres lois
sont en train d’être fabriquées, notamment, celles liées à
l’information et à l’expression. L’histoire retiendra un jour que c’est
elle qui est à la manœuvre de l’instauration d’un Etat de non droit,
d’un Etat policier qui porte atteinte aux libertés fondamentales des
citoyens. Et l’histoire jugera.
Richard Aziague
Source : L’Indépendant Express
Source : Togoweb.net