Une délégation du groupe parlementaire Afrique Caraïbe Pacifique-Union Européenne (ACP-UE) a séjourné à Lomé du 31 mars au 02 avril 2019. Cette délégation qui est en mission d’information et d’études sur la situation politique au Togo est conduite par une vieille connaissance du régime togolais.
C’est « une mission d’information et d’étude » du Bureau de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE. Conduite par le député européen et Co-président paritaire des ACP-UE, Louis Michel, la délégation parlementaire s’est entretevue avec des délégations de la classe politique togolaise. Ainsi, lundi dernier, elle a rencontré le Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé.
Au terme de l’audience qui leur a été accordée par le Président de la République, la délégation a fait le point de sa mission au Togo consacrée à la situation sociopolitique du pays. La mission a exprimé sa « satisfaction » sur la situation sociopolitique après les élections législatives du 20 décembre 2018. « C’est une mission d’information et d’étude sur la situation au Togo. Nous allons rentrer extrêmement satisfaits et assez rassurés de la manière dont le Togo évolue », a déclaré, Louis Michel au sortir de l’audience.
La délégation a en outre, salué la volonté du gouvernement de mettre en œuvre la feuille de route de la CEDEAO et d’organiser les élections locales. « C’est un pays qui progresse manifestement très fort. Nous avons été informés de la volonté d’organiser des élections locales cette année et de mettre en œuvre pour l’avenir, la feuille de route de la CEDEAO », a ajouté le chef de la délégation du parlement ACP-UE.
En somme des propos élogieux à l’endroit du régime togolais alors que la mission n’est pas encore terminée. Pourtant, avant de s’entretenir avec le Chef de l’Etat togolais, Louis Michel et les siens ont échangé avec les partis extraparlementaires qui ont boycotté les législatives du 20 décembre dernier après plus de 17 mois de crise jalonnés par des pertes en vies humaines. « Nous avons naturellement exprimé les préoccupations des Togolais, nous avons exposé les circonstances dans lesquelles les élections du 20 décembre 2018 ont été organisées pour qu’ils comprennent très bien qu’il ne s’agit pas d’élections normales et pourquoi nous en sommes arrivés à ne pas y participer alors qu’il n’était pas du tout question pour nous de boycotter ces élections au départ », a indiqué Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson, Coordinatrice de la Coalition des 14 partis de l’opposition.
Cette mission devrait arriver à Lomé avant les législatives du 20 décembre 2018. Mais elle a été ajournée pour des raisons qu’on ignore. Après avoir « regretté le retard accusé », ces partis de l’opposition extra-parlementaires n’ont pas manqué de soulever la question des réformes constitutionnelles et institutionnelles, la remise en liberté des détenus politiques et le retour des réfugiés. Pour les représentants des partis présents à cette rencontre, plus question d’enclencher un nouveau processus électoral sans la réalisation de ces réformes.
Autant de préoccupations qui n’ont pu empêcher Louis Michel a changé de langage vis-à-vis du régime incarné par Faure Gnassingbé. Mais quand on fait un retour dans le passé récent, on se rend compte que l’ancien Ministre des Affaires étrangères et de la réforme institutionnelle de la Belgique, est l’un des soutiens à l’extérieur du pouvoir cinquantenaire qui régente le Togo.
Il aurait présenté ses excuses…
« Les OSC ont regretté le fait notamment que cette déclaration, quelque peu hâtive, de Monsieur Louis Michel, a l’allure d’une véritable synthèse débouchant sur une conclusion, constitue non seulement un mépris des autres acteurs non encore rencontres, mais aussi et surtout pourrait enlever à la Mission son impartialité, et partant sa crédibilité », lit-on dans une mise au point du regroupement Togo Debout.
Selon l’organisation, Louis Michel a été obligé de présenter ses « excuses… sur le désagrément qu’a pu causer sa déclaration ». Mais à quoi ses excuses vont-elles servir si l’homme dans sa tête a déjà conclu sa mission ?
Un ami du régime togolais…
En 2005, après la mort du Gal Gnassingbé Eyadema, son fils Faure Gnassingbé a été parachuté à la tête du Togo grâce à une élection présidentielle très contestée qui engendra des violences et des centaines de mort. Pour se refaire une image acceptable auprès des institutions européennes et demander une reprise de la coopération rompue depuis une dizaine d’année, le régime a fait appel à Louis Michel qui s’était déjà illustré dans la crise politique du Congo Démocratique.
En effet, le Commissaire européen au développement et à l’action humanitaire d’alors, Louis Michel a contribué à faire descendre plus le processus dans l’abîme. « Il a réussi, grâce aux marchandages, à faire avaliser les résultats frauduleux de cette élection (ndlr : Présidentielle de 2005) à l’Union Européenne. Pour lui à l’époque, ce que l’opposition et tout le peuple togolais appellent des fraudes massives, n’est que de petits dysfonctionnements qui ne sont pas de nature à entacher la régularité du scrutin », a affirmé un leader politique. En somme , Louis Michel n’avait pas hésité à chanter un Togo féerique aux européens, juste pour faire reprendre la coopération. Ce qui a eu pour effet de renforcer le pouvoir de Lomé dans le refus d’instaurer la démocratie au Togo. « Cet homme entretient des relations obscures avec le pouvoir de Lomé, ce qui fait que lorsque le régime en place est en difficulté, il est sollicité. Louis Michel, c’est le démarcheur attitré de la reprise de la coopération de père en fils, celui qui loue les gouvernants en place, juste pour les prébendes », a-t-il dit avant d’ajouter « Le rôle qu’il a joué dans les événements de 2005 et dans la reprise de la coopération malgré le recul du pays en matière de démocratie le décrédibilise aux yeux des Togolais ». En outre, il faut noter que la société Zetes qui s’occupe de l’élaboration du fichier électoral au Togo depuis quelques années, appartient à Louis Michel. Le Monsieur est donc à la fois juge et client.
Aujourd’hui, on se rend compte que le régime togolais utilise le même procédé pour faire « avaler » aux députés européens, les résultats des élections législatives du 20 décembre dernier où les bureaux de vote ont été clairement désertés par les électeurs. Et pour donner une certaine légitimité à ce parlement composé des députés « nommés » au niveau du parlement européen, où certains élus comme Michèle Rivasi, membre du Parlement européen (Groupe des Verts/Alliance libre européenne) et vice-présidente de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, n’ont hésité à désavouer publiquement Faure Gnassingbé et son pouvoir, le régime togolais fait encore appel à l’un de ses « amis » pour sauver les meubles.
A un an de l’élection présidentielle, le pouvoir de Lomé qui tente déjà de positionner Faure Gnassingbé pour un quatrième mandat ne veut sans aucun doute rien laissé au hasard.
Source : Fraternité No.309 du 03 avril 2019
27Avril.com