Paralysie du système sanitaire: Les avatars des réflexes militaires

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La prééminence des corps habillés dans l’administration publique togolaise est une réalité. Pourtant, la nomination des militaires à un poste civil est assujettie à leur démission préalable de l’armée. Ils sont ministres, Préfets, directeurs de structures publiques ainsi que dans l’administration à plusieurs niveaux.

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Au- delà du fait que cela viole la constitution togolaise, ce phénomène entraîne des dérives inimaginables en ce sens que dans l’armée, c’est bien l’exécution avant la réclamation. Une pratique aux antipodes dans la gestion de l’administration publique. La garde à vue de l’infirmier auxiliaire d’Etat Youlkidiname Dankour du CHP de Guérin Kouka pour un « supposé refus de réaliser une expertise médicale pour décès dans le village de Kissamossime (situé à une dizaine de kilomètres de la ville), par manque de déplacement », est une dérive de trop.

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Selon le point focal Dankpen du Syndicat National des Pratriciens hospitaliers du Togo (SYNPHOT) « le préfet a appelé notre DPS (Ndlr : Directeur préfectoral de santé) comme quoi, un peule s’est pendu en brousse et qu’il faut envoyer un élément pour l’expertise. Notre infirmier auxiliaire a dit qu’il n’a pas de carburant (moto) pour y aller. Le DPS a donc choisi un autre infirmier qui est allé faire le travail. Le Préfet a appelé le DPS lui demandant pourquoi l’infirmier n’est pas encore arrivé, c’est là le DPS lui disait que l’élément qu’il avait envoyé avait refusé. Le Préfet a demandé le nom de celui qui a refusé d’aller faire l’expertise. C’est après qu’on m’a informé qu’on est venu chercher notre camarade », a-t-il renseigné.


Le lendemain « la gendarmerie est venue voir l’infirmier (qui était de service pour descendre samedi matin) qu’elle le voulait pour un travail. Arrivé à la gendarmerie, notre collègue est gardé à vue. Le bureau préfectoral de l’Association Nationale des Infirmiers et Infirmières du Togo (ANIIT) a été saisi. Une fois saisi nous sommes allés aux informations chez l’intérimaire qui nous a tenu informé. Après le bureau préfectoral a saisi le DPS qui après discussion avec le juge et le Préfet, dit que le juge dit qu’il va gérer l’affaire », précise le SYNPHOT avant de «s’insurger contre cet état de fait d’un autre siècle et demander la libération immédiate du camarade, tout en rappelant qu’il est des dispositions légales et administratives pour régler de pareilles situations. Des actions d’envergure nationales seraient envisagées si le camarade n’est pas libéré », fait comprendre le SYNPHOT.

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Dans la foulée, l’infortuné infirmier auxiliaire a été relâché. « En effet, le vendredi 02 juillet 2021, nous avons été saisis par le bureau régional ANIIT-Kara de l’arrestation arbitraire de notre confrère Youlkidiname Dankour (Infirmier auxiliaire d’Etat au CHP de Guérin-Koura dans la Préfecture de Dankpen) sur instruction du Préfet de ladite Préfecture qui aurait obtenu l’aval du Directeur préfectoral de la Santé. Notez que cette arrestation fait suite au refus de notre confrère de poser un acte médico-légal ne relevant pas de ses compétences. Heureusement, suite aux différentes démarches des responsables de l’ANIIT, du SYNPHOT, des autres associations des professionnels de la santé et du ministère de la Santé, le remis en cause a été mis en liberté le samedi 03juillet 2021», précise un communiqué en date du 4 juillet du Président de l’ANIIT, Séna Kokou Ague. Il s’agit juste des avatars de réflexes militaires.
Le Commandant Préfet de Dankpen Alognim Gnakou ne peut concevoir que son « ordre » ne soit pas exécuté. Malheureusement, cet incident aura de graves répercussions sur le système sanitaire togolais cette semaine. L’ANIIT appelle à un sit-in sur l’ensemble du territoire pour dénoncer ce « traitement illégal et déshonorant ».
« Chers confrères et consœurs, pour manifester notre mécontentement face à ce traitement illégal et déshonorant, l’ANIIT invite tous les IDE/IAE/AAE du Togo à observer un sit-in le 5 juillet 2021 de 7h à 9 heures sur toute l’étendue du territoire. Ce sit-in est en outre un appel à l’action à l’endroit des autorités compétentes afin qu’elles : situent clairement les responsabilités et prennent les mesures adéquates ; prennent toutes les dispositions afin d’arrêter les violences que subissent les IDE/IAE/AAE de la part des responsables hiérarchiques ; définissent clairement et vulgarisent le cahier de charges des IDE/IAE/AAE», regrette le Président de l’ANIIT.
L’ANIIT rappelle que le 25 janvier dernier, soit six mois seulement en arrière, un infirmier a subi une humiliation ayant entraîné une effervescence au sein de toute la corporation. « Alors que nous nous relevons timidement de cet affront avec beaucoup de regrets, voici qu’une autre situation survient et porte une fois encore atteinte à la corporation infirmière du Togo ».


Faut-il le rappeler, c’est l’infirmier Thomas Kpanzou qui a été victime d’agression physique et verbale d’un médecin militaire Dr Kpekemsi à la Clinique médico-chirurgicale Pavillon Militaire du CHU Sylvanus Olympio le dimanche 24 janvier 2021.
« En effet selon le témoignage, le collègue exerçant au pavillon militaire du CHU-SO est arrivé au service le dimanche 24 janvier 2021 pour un service de 24 heures et à stationner sa moto dans un garage non immatriculé où un médecin militaire a l’habitude de stationner sa voiture. Le médecin ayant constaté le lundi matin que la moto y était garée est devenu fou furieux et envoyé un gardien cherché le collègue qui, pris par le travail à tarder à se présenter. Dès son apparition le médecin s’est mis à proférer des menaces et à l’agresser verbalement. Suite à ces menaces il a réussi à le mettre à genoux à l’entrée du pavillon militaire pendant plus de quinze minutes ; s’est mis à crever les pneus de la moto avant de l’enchaîner (la moto). Le collègue n’ayant pas supporté cette maltraitance d’un autre siècle, se retrouve actuellement à la clinique médicale sous surveillance du psychiatre », avait dénoncé l’ANIIT.


Sur les deux événements, ce sont bien les avatars de réflexes militaires. Les militaires sont formés pour des missions précises. Il ne sert à rien de les sortir des casernes pour la vie civile avec les dérives qu’on enregistre au quotidien.
Au 21ème siècle, la promotion des régimes autocratiques ne doit plus avoir droit de cité.

Source: Le Correcteur

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Source : Togoweb.net