Lorsque les gouvernants n’assurent pas la justice aux citoyens, ils n’auront pas la paix. Bientôt 5 ans que l’Ordre des avocats s’est prononcé sur la situation d’un des leurs dans une affaire qui a défrayé la chronique. D’abord radié, la peine a été commuée en suspension, mais pour des raisons autres que celles relatives au droit et à la logique, la Cour suprême a décidé de défendre la cause d’un homme en toge qui, après avoir encaissé le reliquat du fruit de la vente d’un bateau d’une valeur de 598 millions FCFA, a gardé par devers lui le reste, 351,346 millions FCFA pour des besoins personnels. Depuis 2014, les ayants-droit ne comprennent pas l’inefficacité du Bâtonnier. Parce que le président de la Cour suprême s’est interposé entre lui et son collègue, lequel continue à exercer tranquillement sa profession.
2014. C’était un bateau qui risquait de couler aux larges des côtes togolaises et dont on avait trouvé acquéreur. Prix de la vente, 598 millions FCFA. L’huissier chargé de la liquidation du bateau, Me Amegbo Ablamvi, a unilatéralement prélevé 109 millions FCFA au titre d’« honoraires », avant de reverser, non pas sur le compte CARPA (Caisse des règlements pécuniaires des avocats), mais entre les mains d’un avocat, Gilbert Kodjovi Dossou le reste des fonds, soit 498 millions FCFA. Mais ce dernier refuse depuis de remettre les fonds sur ce compte. Et ce qui devait arriver, arriva.
Le 24 septembre 2014, le conseil de l’Ordre des avocats, statuant en conseil de discipline sous la présidence du Bâtonnier de l’Ordre, Me Christine Dopé Kayi Ekoue-Kouvahey, a pris l’Arrêt N°001/2014 dont la teneur suit : «…En réalité, Maître DOSSOU Kodjovi a disposé des fonds du sous compte CARPA comme ses fonds propres, en violation de la loi ; la preuve est qu’à la date du 07 novembre 2014, il a fait viser par le Greffier en Chef du Tribunal de Première instance de Lomé et taxer par le Président dudit Tribunal à concurrence de 118.102.980 FCFA des honoraires réglementaires auxquels il estimait pouvoir prétendre; pire, Maître DOSSOU a tenté de surprendre la religion du Conseil de discipline en confectionnant pour les besoins de la cause et en produisant le document intitulé ETAT DES FRAIS DUS PAR LA SOCIETE ASTA ET SICURO en date du 20 février 2014 arrêté à la somme de 351.346.550 F CFA, ni signé par Greffier en Chef ni visé par le juge taxateur ; ce comportement est un manquement à la probité et à l’honneur ; les comportements avérés du prévenu sont autant de manquements graves aux articles sus- indiqués ; il est donc constant que Maître DOSSOU Kodjovi ne s’est nullement conformé à la loi ». Et comme décision, il a été arrêté ce qui suit : « Maître Kodjovi G. Dossou est coupable des manquements aux dispositions des articles 6, 1 et 5 de la Loi n°88-8 du 27 mai 1988 instituant la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) et de manquement à la probité et à l’honneur. En conséquence, vu les articles 72 et 73 du décret n°80-37 du 7 mars 1980 pris en application de l’ordonnance n°80-11 du 9 janvier 1980 relative à la profession d’avocat, prononce la radiation de Maître Dossou Kodjovi du Tableau des avocats pour compter de ce jour. Ainsi fait, délibéré et vidé à l’issue de l’audience publique du 24 septembre 2014».
Comme on peut le constater, l’homme de droit a produit de faux documents pour justifier sa mainmise sur le reliquat de la vente, ce que l’Ordre des avocats a réussi à déceler. Mais après que Gilbert Kodjovi Dossou a fait amende honorable et promis de restituer les fonds indûment gardés, sa peine a été requalifiée en une suspension de profession pendant trois ans. Quelle autre faveur peut-on encore concéder à cet avocat pour le contenter ? Un président de cour peut-il, au vu des faits sus relatés, se permettre de donner sursis à l’exécution de la décision de suspension prise par l’Ordre des avocats ? C’est à ce jeu que le président de la cour suprême s’est adonné. Au grand étonnement des avocats du Togo. Oui, du haut de sa présidence, il a autorisé l’avocat indélicat à continuer à exercer sa profession, malgré les fautes.
Aujourd’hui, le vent semble tourner ; la « probité biblique » du défenseur de l’avocat semble plus que compromise dans une autre affaire. L’Inspection générale des services juridictionnels et pénitentiaires, la Cour constitutionnelle, la Présidence de la République et deux ministères sont informés. Que se passera-t-il avec Gilbert Kodjovi Dossou lorsque son protecteur sera épinglé ? Le sursis à lui délivré serait-il valable pour combien de temps ?
Il nous revient que cette affaire est loin d’avoir connu son épilogue. Normal, puisque les ayants-droit, les sieurs Rodolfo Gamay, Chito Tagalog, Ante Zoro, Joseph Tampos, Arnold MilIar, Virgilio Sanchez, Gorgonio Geronio, Jamito Bechayda, Walter Salatandre, Danilo Ople, Bernard Dalit, Ronelius Gamay, Marc Joseph Jacobo, Jumar Catarig, Teodulo Herias, Roberto Galos, Vasile Vrinceanu, Dennis Nemenzo, Warfeild Tapsil et autres sont toujours en attente du règlement du litige afin qu’ils puissent entrer en possession de leur dû.
Hier dimanche, nous avons cherché à contacter l’avocat pour savoir si entre temps, il aurait remboursé la dette. Après avoir décliné notre identité, nous lui avons demandé si, comme nous l’avons appris, il n’aurait toujours pas honoré ses engagements auprès de l’Ordre des avocats. Il a tout de suite raccroché. Nous avons pensé à un problème de réseau et avons réessayé. Le téléphone a sonné dans le vide ; il n’a plus décroché ni rappelé.
Abbé Faria
Source : Liberté No.2866 du Lundi 25 Février 2019
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