«…tant que ce système prévaudra, nul n’en sera épargné au Togo; il broyera jusqu’au dernier de ses enfants-sujets, partisan ou indifférent. Peu importe, la vérité des faits est et elle restera sacrificielle en permanence, dans ce Togo-là…» (Pierre Adjété, 6 octobre 2022, Canada)
Parler de l’opposition togolaise aujourd’hui pourrait constituer pour certains un abus de langage; car dans la pratique nous n’avons plus que des partis politiques épars, ou plutôt des sigles qui se font désigner par formations politiques dont il est difficile de percevoir d’une façon ou d’une autre le moindre signe d’activités. Après la dislocation de la Coalition des 14 partis politiques de l’opposition, dite C14, formée suite au soulèvement du 19 août 2017 initié par le Parti National Panafricain (PNP), et après surtout les fameuses élections présidentielles de janvier 2020, c’est la débandade au sein de ce qu’il reste de l’opposition.
Nous n’oublions pas la persécution tous azimuts du régime de dictature, contre tout ce qui est contraire à sa volonté de s’éterniser au pouvoir, qui fit le reste. Ceux qui devaient être jetés en prison, le furent. Ceux qui devaient mourir sous la torture ou les balles, sont morts. Ceux qui pouvaient s’échapper, prirent le chemin de l’exil. Et depuis lors, le régime Gnassingbé semble avoir repris du poil de la bête et règne en maître absolu avec tout ce que ça comporte comme violations des droits de l’homme et détournements massifs de l’argent public en toute impunité. Au Togo la terreur contre tous ceux qui pensent autrement semble être devenue la loi; la justice, corrompue, caporalisée et tribalisée à outrance, ayant démissionné. En partant du fait que tout régime de dictature, par nature, comme celui que nous avons au Togo, est une menace permanente pour les citoyens, pour leur bonheur et surtout pour leur intégrité physique et leur vie, on ne peut le combattre efficacement qu’à force de courage, de sacrifice de soi, et surtout d’union des forces de l’opposition. Ne dit-on pas que «l’union fait la force»? Certes, les partis politiques qui sont de l’opposition pèsent différemment en termes de nombre de partisans ou militants et en termes de force de mobilisation. «Mais on a souvent besoin d’un plus petit que soi», nous renseigne une fable de La Fontaine.
Le 19 septembre 2022 l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), à travers sa 2e vice-présidente Isabelle Améganvi, adresse une lettre au premier ministre pour dénoncer la situation de deux poids, deux mesures du gouvernement quant à l’instrumentalisation des états d’urgence sanitaire et sécuritaire visant à entraver le libre fonctionnement des partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile. Une telle démarche de la part des responsables de l’ANC nous paraît surprenante dans la mesure où nous avons affaire à un régime de dictature qui n’est pas du tout disposé à offrir à l’opposition et au peuple sur un plateau d’argent son départ du pouvoir et la démocratie. Et nous ne croyons pas que Madame le premier ministre ait pris la peine de répondre en justifiant les mesures que prend son gouvernement pour empêcher les partis de l’opposition et les associations de la société civile de mener leurs activités. Ni elle, ni un autre dans les sphères du pouvoir liberticide autour de Faure Gnassingbé ne sont intéressés par les gesticulations de l’opposition. Le régime de dictature est malheureusement dans son rôle qui consiste à essayer de rester éternellement au pouvoir et à faire voir de toutes les couleurs aux Togolais. Il revient aux partis de l’opposition qui se sont engagés du côté du peuple, de s’organiser en créant un rapport de force qui obligerait le pouvoir d’en face à mettre de l’eau dans son vin, et qui ferait également en sorte que la peur puisse changer de camp.
Cette image de léthargie totale, d’abandon de la lutte, de division et surtout d’inimitié entre beaucoup de partis politiques que nous renvoie aujourd’hui l’opposition togolaise, n’est pas de nature à assurer les populations martyrisées qui n’attendent qu’une union sincère de ceux qui ont pris sur eux de parler en leur nom, pour en finir avec le règne de l’opprobre. Que les choses soient claires: nous ne disons pas que le parti orange est le seul responsable de l’état actuel de l’opposition togolaise; mais en sa qualité de grand parti, et en tant qu’ancien chef de file de l’opposition, l’ANC porte une part de responsabilité dans la situation de désolation et de la politique du chacun-pour-soi qui semble prévaloir au sein des partis politiques qui naguère parlaient d’une seule voix au sein la C14. La responsabilité est partagée entre toutes les formations politiques qui avaient animé le regroupement de l’opposition au lendemain de la révolution d’août 2017 et dont beaucoup se retrouvent aujourd’hui au sein de la DMK (Dynamique Monseigneur Kpodzro). Nous sommes conscients de la persécution, ou plutôt de la chasse à l’homme, aux allures tribales, engagée contre le leader du PNP et ses militants, dont plusieurs dizaines croupissent en prison pour avoir fait le choix d’appartenir à un parti politique.
Toutefois la lutte pour la libération du Togo ne devrait pas se limiter aux leaders des partis politiques quels qu’ils soient; elle devrait continuer avec ou sans eux. Avoir pris la décision de rejoindre une formation politique et d’y militer voudrait dire qu’on a des ambitions pour son pays; des ambitions qui ne seraient pas forcément celles du chef du parti. C’est pourquoi ce blocage au sein des partis de l’opposition nous est incompréhensible. Pour contourner la stratégie de la terreur mise en place par le régime Gnassingbé, nous l’avons déjà souligné plus haut, les têtes pensantes, que ce soit au PNP, à l’ANC, au CAR, chez les FDR, les DSA, à la CDPA, ou dans toute autre formation politique qui se croit sincèrement proche du peuple, pourraient prendre contact les unes avec les autres, de façon discrète d’abord, pour voir dans quelle mesure une nouvelle stratégie unitaire de la vraie opposition est possible.
Le conflit larvé entre l’ANC et Messan Agbéyomé Kodjo, Monseigneur Fanoko Kpodzro et les partis membres de la DMK peut trouver une solution à force de volonté et d’amour du peuple, comme savent le faire les grands hommes. Les problèmes de personne ne doivent pas justifier le fait qu’on dépose les armes au moment où l’adversaire d’en face se montre de plus en plus impitoyable. Encore une fois, ne nous faisons pas d’illusions: en dictature comme celle que nous vivons au Togo, personne ne peut libérer le peuple en héros solitaire. Ou nous nous mettons ensemble, ou nous périssons ensemble.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com