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[Opinion]: au-delà de la calamiteuse gestion du Fonds de riposte et de solidarité Covid-19

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L’actualité de ces derniers jours est marquée par la divulgation du Rapport de la Cour des Comptes, sur la gestion du FONDS DE RIPOSTE ET DE SOLIDARITE COVID-19 (FRSC), GESTION 2020Chacun y va de son commentaire. A la hauteur de sa surprise ou de sa déception. Ou encore, selon sa résignation.

Le rapport est accablant. Il est vexant. Il est révoltant.  A plusieurs égards. Toute émotion mise de côté, nous allons essayer d’explorer quelques angles morts de l’affaire. Pas tous les angles. Seulement certains.

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Qui est le destinataire de ce rapport ? 

Nous aurions pu poser la question autrement, et se demander : le Chef de l’État a-t-il lu ce rapport ? Est-il ou était-il au courant ? 

Ces interrogations sont certainement naïves. Mais elles méritent d’être posées. 

N’est-ce pas faire insulte au Président de la République, que de penser qu’il n’était au courant de rien ? Peut-on vraiment penser ou même croire, que le Président de la République, Pilotant lui-même la Riposte au Covid, n’était au courant de rien ? D’absolument rien ? Lui à qui rend régulièrement des comptes, le Coordonnateur de la Riposte, selon son propre décret, à l’annonce de l’état d’urgence sanitaire ? Est-on sûr qu’il n’en savait vraiment rien ? 

Quel est l’objectif de ce rapport ? 

La question est mal formulée. Quel est plutôt l’objectif poursuivi par la publication de ce rapport ? 

La réponse découlera des réponses aux questions précédentes, à savoir, quid du destinataire du rapport. Le Président de la République voudrait-il prendre le peuple à témoin ? Était-il tellement dépassé par les énormités auxquelles se sont livrés certains togolais durant cette crise, au point d’en appeler à témoin la population ? 

Ensuite… Pourquoi maintenant ? Pourquoi en ce moment où, à mi-chemin de son mandat, où ses équipes redoublent d’efforts sur le terrain pour tenter d’insuffler une nouvelle dynamique à sa politique dite sociale ? 

Y a-t-il un plan ? Un agenda ostensible ou recèle ? 

Au-delà de ces interrogations basiques, il faudra probablement pousser la réflexion plus loin, sortir des sentiers battus.

Lire aussi:Scandale des irrégularités du rapport de la Cour des comptes sur le gestion du Fonds covid : des primes allant jusqu’à 1.100.000

Le premier point sur lequel nous allons attirer votre attention est d’ordre fonctionnel. Il convient alors de retourner à la genèse de la crise.

Par décret, la CNGR a été créée, et placée sous l’autorité du Président de la République.

Nous sommes tentés de penser que le Chef de l’État ne fait pas suffisamment confiance en ses Ministres. Ce manque de confiance n’est pas tant sur leurs compétences, mais surtout sur le fait qu’il y ait des « super » Ministres au sein de ses gouvernements, rendant difficile la collaboration. 

En plaçant la CNGR sous son autorité, le Président de la République fait d’une institution interministérielle, un organe qui ne devra rendre compte qu’à lui. Et donc à personne d’autres. C’est certainement par soucis d’efficacité, mais cela dénote un vrai malaise au sein de l’équipe gouvernementale, où chacun est roitelet de son secteur. 

Conséquences ? Comme le souligne le rapport de la Cour des Comptes, la CNGR s’est attribué les compétences propres des Ministères, qui de leur côté, ont initié des actions isolées, engendrant plusieurs dépenses pour le même objectif.

La désorganisation des unions ? 

Il est affligeant qu’au moment où le Président de la République appelle à « l’union sacrée » de tous les togolais, que les premiers responsables du pays se livrent, chacun dans son coin, à un pillage systématique des ressources mobilisées pour la riposte au Covid. 

Des dépenses comme l’achat de masques ou de gels hydroalcooliques, impressions de flyers, spots radio/télés…se retrouvent dans plusieurs ministères. Chacun y allant de son goût, de son message, de son prestataire. Et on s’étonne que malgré tout cela, la population soit réticente à la multiplicité des messages à son endroit ? 

Comment expliquer que plusieurs ministères aient une ligne « communication covid », par exemple ? 

La dichotomie des messages ? 

Nous assistons là, à un véritable double langage de ceux qui nous dirigent.

D’une part, des commerces sont fermés, des marchés mis sous scellés, au nom de la lutte contre la COVID. D’autre part, de nouvelles sociétés se créent, pour exécuter des commandes qui n’attendent qu’elles.

D’une part, on se félicite de transférer 5.000 FCFA aux démunis ; on se targue d’être au chevet des plus vulnérables. D’autre part, on cache perfidement des centaines de millions.

D’une part on interdit la circulation des personnes et même des biens ; on boucle des localités. D’autre part, on réussit à acheter des tonnes de haricots pour des centaines de millions.

D’une part, on demande aux jeunes de se formaliser, de s’inscrire sur le registre jeunes entrepreneurs pour bénéficier des 25% des parts de marchés publics. D’autre part, on ne lance aucun marché public, et on accorde des commandes publiques de gré à gré.

D’une part, les jeunes sont encouragés à être en règle avec les administrations fiscales et sociales du pays, avant même de s’inscrire sur un quelconque registre d’entrepreneurs ; d’autre part on attribue des centaines de millions à une personne physique, n’ayant aucune entité commerciale. Pour rappel, 225 millions, c’est presque le double du plancher du Chiffre d’Affaires annuel, pour être considéré comme une « Moyenne Entreprise », selon la nouvelle charte des TPME.

D’une part on nous explique que l’équipement des Centres de Santé coûte très cher, et qu’on ne peut même pas équiper les CHU de scanner digne de ce nom ; d’autre part on installe un laboratoire « mobile », pour plusieurs milliards.

D’une part une femme en couche peut décéder, faute de lit approprié ou disponible, en pleine capitale ; d’autre part il est mis en place des cliniques mobiles, dont le rôle est d’aller faire des prélèvements à certains togolais un peu trop occupés pour se déplacer. 

D’une part, les administrations ont une procédure lourde, qui fait qu’on ne règle des factures qu’après 30 jours au minimum après la prestation effectuée, livrée acceptée ; d’autre parts on verse des acomptes de 50%, en attendant même la clarification d’une quelconque situation. 

D’une part on organise des évènements et des semaines pour célébrer l’innovation des jeunes, et leur gratifier d’enveloppe de 5 millions maximum pour soutenir leur projet ; d’autre part on attribut des marchés de centaines de millions à des entreprises qui n’ont fait aucun pitch. 

On a beau essayer de relativiser ; de se dire que ce sont des dons effectués par les organismes internationaux, et des partenaires au développement. Mais non seulement ce sont des « dons » fait pour l’entièreté de la population, mais il faut aussi noter l’élan de solidarité nationale qu’il y a eu. 

Des entreprises locales ont donné de leurs produits, et de leur service. Des sociétés ont bénéficié d’exemptions fiscales (que l’ensemble des entreprises va rembourser au travers d’une pression fiscale qui ne dit pas son nom).

Ce rapport ne fait pas que lever le voile sur ce qui est fait de l’argent du togolais. Il rappelle surtout la différence entre les discours et les agissements. Il met à nu la confiance dans laquelle baigne ceux qui nous saignent. Il révèle le laisser aller qui entoure la gestion de la chose publique. Et plus dangereux encore, il montre un sentier alternatif, pour la richesse et l’enrichissement rapide. En tout cas pour ceux qui n’ont plus confiance en la voie de l’éthique et de la justice, dans ce pays. 

Houngbono Adjeoda

Source : Togoweb.net