Depuis les massacres de 2005 à Atakpamé, il ne se passe un seul jour où le fameux major Kouloum ne fasse parler de lui. Son implication active dans les massacres des populations de cette préfecture lors de la présidentielle de 2005 est formellement établie par plusieurs rapports dont celui des Nations Unies. Mais il en faudra plus pour dissuader celui qui se comporte comme un gouverneur de la région en soumettant à ses bottes préfets, maires, médecins, enseignants, commandants de Gendarmerie, commissaires, magistrats, etc. Sa décoration par Faure Gnassingbé le 27 avril dernier qui a suscité une vague d’indignation des fils de la région et au-delà semble lui avoir donné des ailes. L’homme a repris ses réflexes lugubres et se signale dans plusieurs dossiers. Son dernier fait d’arme est une histoire rocambolesque sur fond de mysticisme.
Dekpo Tsagan et Atchadé Ogoubi sont deux féticheurs vivant à Morétan. Le premier est même le président des féticheurs de la localité. Dans la nuit du 27 juillet 2017 vers 23h, ils ont été cueillis dans leur sommeil par une horde de gendarmes fortement armés sous les ordres du commandant Hodin. Ramenés nuitamment manu militari à la brigade territoriale pour l’un et à la brigade anti-gang pour l’autre, à Atakpamé, ils ont été immédiatement incarcérés sans autre forme de procédure. Le lendemain, ils apprennent à leur grande stupéfaction qu’ils font l’objet d’une plainte du tristement célèbre major N’Bilizim Kouloum qui les accuse de tenez, vous bien, « tentative d’assassinat par voie mystique ». Une première au Togo. Selon des sources proches du dossier, le fameux major Kouloum cite le nom de Monsieur Bayédjè Allagbé, ancien cadre du parti du CAR reconverti en militant du RPT qui fut un zélé préfet à plusieurs reprises, notamment dans le Zio, d’être le vrai conspirateur. C’est ce dernier qui aurait requis les services des féticheurs, contre une forte somme d’argent, pour liquider mystiquement le major Kouloum avec qui il serait en froid depuis. Convoqué à la Gendarmerie, l’ancien préfet, lors de son audition, a rejeté ces accusations fantaisistes qu’il décrit comme un montage grotesque dont l’objectif est de semer la discorde dans le grand Ogou.
Un démenti qui n’a pas suffi à libérer les deux malheureux gardés à la Gendarmerie où l’un affirme à sa libération avoir subi des tortures. Interpellés par cette nouvelle dérive de celui qui trouble le sommeil des fils du milieu où il a été accueilli, les ressortissants de la localité saisissent le ministère de la Justice afin que la lumière soit faite. Le 1er août, les deux féticheurs sont déférés devant le Procureur de la République près le Tribunal d’Atakpamé. Ce dernier, après audition, a prononcé un non-lieu qui a permis leur libération. L’avocat commis pour assister les deux féticheurs, Me Abi Tchessa,s’est dit scandalisé de cette procédure rocambolesque, surtout que la Justice togolaise ne connaît pas des affaires relevant du mysticisme ou de la métaphysique. Les deux malheureux féticheurs déclarent avoir subi des sévices et été interdit de visite durant leur séjour carcéral.
Ce nouveau coup d’éclat du major Kouloum dans cette préfecture où les cœurs sont encore meurtris par les massacres de 2005, dont il est l’un des présumés auteurs, relance la lancinante question de l’impunité. Mais au-delà, cette affaire révèle à l’opinion la capacité de caporalisation de la force publique et des institutions déconcentrées par le major Kouloum. Comment un simple major, de surcroît à la retraite, peut-il faire courir un commandant de Gendarmerie qui va kidnapper des citoyens à 23h, c’est-à-dire à une heure illégale, pour des motifs farfelus?
Dans la ville d’Atakpamé, le Préfet ne cesse de dire à qui veut l’entendre que c’est grâce au major Kouloum qu’il a été nommés raison pour laquelle il obéit à ses ordres.
Voilà en somme les dégâts produits par la gouvernance hasardeuse et calamiteuse de Faure Gnassingbé sur fond d’impunité. Cette prime à l’impunité voire à la récidive a fait pousser des ailes à des potentats préfectoraux ou régionaux qui continuent de terroriser les populations.
Le feuilleton major Kouloum qui défraie la chronique depuis plus de 10 ans est l’illustration parfaite d’un échec de gouvernance de Faure Gnassingbé. Et de toute évidence, le film a encore de beaux jours devant lui, pour le plus grand malheur des fils de l’Ogou où le fameux parti UNIR a été porté sur les fonts baptismaux.
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