L’Assemblée nationale a procédé lundi 16 mars 2020 à la levée de l’immunité parlementaire du député Gabriel Messan Agbéyomé KODJO suite à une demande faite par le Procureur général.
Dans une interview accordée à la presse à l’issue de cette procédure, le ministre des Droits de l’Homme, chargé des relations avec les institutions de la République, Christian Trimua, est revenu sur l’utilité et l’opportunité de cette décision du parlement et les raisons qui pourraient expliquer des poursuites contre le candidat malheureux à l’élection présidentielle du 22 février 2020.
Dans cette affaire de levée d’immunité parlementaire, comment réagissez-vous en tant que ministre des Droits de l’Homme ?
Le pouvoir judiciaire a apprécié les événements qui se sont déroulés depuis la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 22 février 2020 et a estimé qu’un certain nombre d’actes matériels qui ont été posés jusqu’à maintenant, constituent des infractions à la loi togolaise.
De diverses natures, certaines étant délictuelles, d’autres étant criminelles et le Procureur de la République a pris des initiatives pour solliciter à la fois, la levée de l’immunité parlementaire du député Agbéyomé Kodjo et le Procureur général près de la Cour suprême, prenant en compte son statut d’ancien président de l’Assemblée nationale, a également demandé l’autorisation d’engager des poursuites.
L’Assemblée nationale a apprécié les éléments qui ont été versés et a estimé que pour les besoins de la défense du député, pour qu’il puisse assurer sa défense et faire valoir ses arguments auprès de la justice, il était nécessaire d’accorder cette autorisation de poursuites et lever l’immunité.
D’un second point de vue, l’Assemblée a estimé qu’il ne lui appartenait pas de faire obstruction à la justice et que dans le sens même d’une bonne administration de la justice, il était nécessaire que le Procureur de la République d’une part, mais que le député aussi, d’autre part, puissent apporter des éléments de preuve et la contradiction sur les faits qui sont reprochés de sorte que le peuple soit éclairé sur la responsabilité des uns et des autres.
À quoi doit-on s’attendre dans les jours à venir ?
À l’étape actuelle de la procédure, naturellement, l’Assemblée nationale va notifier au Procureur de la République la décision qui a été prise aujourd’hui (16 mars 2020) sur la levée de l’immunité parlementaire du député, et l’autorisation qui a été accordée pour les poursuites.
Ensuite, le Procureur prendra les actes nécessaires pour engager formellement les poursuites. Au vote d’aujourd’hui, il n’y a pas encore de poursuites engagées. Ces poursuites seront postérieures à la notification au Procureur de la République de la décision qui a été prise par l’Assemblée nationale. C’est seulement à partir de ce moment que nous pouvons apprécier la suite de la procédure.
Monsieur Agbéyomé Kodjo sera-t-il placé en détention ?
Il n’est pas dans notre intention, et il me semble qu’il n’est pas non plus dans l’intention du Procureur de placer en détention Monsieur Agbéyomé Kodjo ou de le faire arrêter. Mais l’arrestation et le placement en détention sont des éléments de procédure.
A partir du moment où tout justiciable collabore avec la justice, la question de placement en détention est une question qui n’intervient pas. C’est seulement lorsque l’on résiste à la procédure que la justice met en place les initiatives nécessaires de gré ou de force pour faire collaborer à la procédure, le mis en cause. Il me semble qu’il est de l’intérêt du député aujourd’hui de collaborer avec les magistrats et de faire en sorte qu’il puisse faire valoir son droit à la défense et qu’il ne les pousse pas à être obligés à utiliser des moyens de contrainte pour pouvoir le faire participer à la procédure.
Donc la question de l’arrestation n’est pas un objectif, mais c’est un élément qui est à la disposition de la justice pour faire collaborer tout justiciable aux procédures qui sont engagées.
En quoi est-il nécessaire, voire impératif d’engager ces poursuites dans le contexte actuel contre Agbéyomé Kodjo ?
Il y a des actes qui ont été posés. Et ce sont des actes qui sont de façon flagrante, contraires au droit togolais. Des actes qui sont une violation aux lois pénales. À partir de ce moment, il appartient au Procureur qui a l’opportunité des poursuites, de décider du moment de la poursuite. Et donc, que ça soit maintenant, demain ou ça aurait pu être hier.
C’est le Procureur qui juge qu’un certain nombre d’actes qui ont été posés concomitamment ou individuellement, sont d’une gravité tel qu’on ne peut pas les laisser perdurer. Donc il a pris cette initiative. Au fond, le contexte et le moment du déclenchement de l’action appartiennent au Procureur de la République. Il me semble, qu’il est difficile de juger pourquoi il estime maintenant qu’il faut entamer une action, et pourquoi pas hier ou demain. La gravité même des évènements eux-mêmes appelle à ce que des poursuites soient engagées.
Entre le respect strict du droit et le respect du contexte politique, électoral et social, dans quel contexte se situe cette affaire d’Agbéyomé Kodjo ?
Je pense principalement pour le maintien de l’ordre public et la stabilité de notre pays. Nous sommes dans un contexte un peu difficile. On peut noter le contexte sécuritaire, l’instabilité et les préoccupations sanitaires que nous avons aujourd’hui qui concernent toute la sous-région et le monde entier.
On ne peut pas dans ces contextes, laisser perdurer des désordres. Qu’ils soient liés à une élection, à des vies familiales, ou liées à d’autres contextes, ces désordres ne peuvent pas être tolérés. Elles aggravent la situation de sécurité de nos compatriotes notamment la sécurité physique, sanitaire, sociale et économique.
Il me semble que le Procureur en faisant poursuivre dès maintenant ces actes, permet de maintenir l’ordre public, de rétablir la stabilité dans notre pays et de permettre à nos compatriotes de vaquer librement à leurs occupations.
Afreepress
Source : Togoweb.net