Notre pays, notre chemin de croix

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C’est réel, le Togo est devenu “l’enfant malade” de la Sous-région ouest-africaine. Un véritable calvaire pour nous, ses enfants du bas peuple. Le pays, non seulement est à la peine et a la traîne, il a totalement périclité. Son peuple, le punching ball de chair, de sang et beaucoup d’autres douleurs, livré en espèce faible à un clan, aux envies de sang d’une famille, telle une peuplade d’Iphigénie de troisième zone uniquement bonne au sacrifice. Mais il faut aussi le dire, nous ne sommes pas, nous Togolais, innocents de notre situation de nation en quasi-deshérence qui cherche en vain une figure de proue pour le relever et lui insuffler une âme de vie.

Pourtant, les occasions de nous affranchir des fers de la dictature n’ont pas manqué. Nous avions laissé faire, à cause de l’angélisme niais de beaucoup d’entre nous, le plus souvent détournes de l’essentiel pour chérir des broutilles : face à la constitution serpillière, l’État de droit sapé jusque dans ses murs porteurs, les libertés publiques violées avec d’immenses éclats de rire, les doigts d’honneur des FAT au reste de la nation, l’action législative réduite à son minimum syndical, l’exécutif ivre de ses syndromes de crimes, de gabegie et d’incompétence, LA MAJORITÉ de notre peuple est restée contemplatrice, se réfugiant derrière des excuses bidonnes : « moi je ne me mêle pas de politique » ou encore « seul Dieu peut régler la crise et mettre fin à nos souffrances » .

Mais ces gens oublient deux choses principales. Que pour changer leurs propres conditions, il leur faut, chacun à sa place et dans son domaine, influer sur les orientations politiques du pays en rejoignant les différents mouvements de contestations populaires. Car il faut un nombre critique d’opinions critiques, de citoyens dans la rue pour déclencher une révolution, laquelle est une science, ou tend à la devenir. Pas un hobby, moins encore un mélange de pieuses lamentations et de piteux profile bas. On n’y arrive pas en s’asseyant dans son coin, les yeux tournés vers le ciel d’où on attend le salut. Il est vrai, ce régime RPT est exécrable, singulièrement violent ; il peut lâcher ses militaires sur les populations aux mains nues pour un oui pour un non. Si ces crimes se répètent, cela veut dire que le nombre d’individus dans les rues au même moment est en dessous de la masse capable de changer la donne, de faire basculer les tendances en faveur du peuple.

Pourquoi nos quartiers et les marchés de Hedzranawoe, Adawlato, Adidogome, Agoè, Bè etc…. devaient-ils rester animés comme d’ordinaire les jours ou l’opposition et ses militants se décarcassent dans la rue, suant comme des bêtes prises en chasse, essuyant les gaz lacrymogènes en protestant contre un régime liberticide qui affame tout le peuple, y compris ceux qui ouvrent leurs étalages par indifférence ? Quant aux fonctionnaires, ils ont l’air, toute une vie, de travailler pour le roi de Prusse ; moralement amaigris, ils rasent les murs, sourire flapi, la peur à fleur de peau, planqués avec des salaires de misères les poussant à la corruption et, pour le déjeuner pendant les heures de service, à émarger sur le cahier de crédit de la vendeuse d’igname et d’arachide grillées. Ce qui est surtout troublant, c’est le silence on ne peut plus cynique des intellectuels togolais. Ils se disent neutres, se passent pour des ni-ni mais, dans l’ombre, font les avocats du système contre pitances bourratives et biens périssables. La plupart sont absents de la lutte dont le but principal est justement de remettre sur pattes un état togolais fainéant, endetté jusqu’au trognon et qui ne sait que tendre la main.

C’est à l’ensemble de cette catégorie de population inactive, la plupart politiquement inculte, indifférente, ignorante, naïve bref, foisonnant d’abrutis de tous genres, que le prof. Kuakuvi Magloire s’adresse quand il disait récemment que « le jour où tous les Togolais sortiront dans les rues, nous verront combien de personnes l’armée (tribale) pourra tuer » . En effet, il faut un nombre impressionnant de mécontents dans la rue pour réussir une révolution politique et, conséquemment, espérer révolutionner sa propre condition de misérable citoyen. C’est ainsi que cela se passe, partout où les révolutions ont abouti à la chute des régimes de dictature.

Il est vrai que les porte-paroles de notre peuple, depuis le début jusqu’à ce jour, se sont laissés gangrener par des attitudes véreuses et veules. Le mal principal : le « Moi ou Rien » et son corollaire l’argent. Il est aussi vrai que les Togolais sont résignés ; ayant ce sentiment bilieux d’avoir été royalement floués, persuadés d’être des citoyens phagocytés, pris en étau entre leurs propres représentants et une république qu’ils savent serpillière, vampire, homicide et liberticide. Ils sont stupéfaits de constater que dans notre république, toutes les solutions annoncées par l’État sont contrefaites, tripatouillées, antidatées bref, des solutions plus graves que les problèmes, pour ne pas dire qu’elles sont trisomiques. Mais cela n’explique pas tous nos malheurs. Il ne faut pas, pour mieux les comprendre et mieux nous organiser, perdre de vue l’adage qui dit qu’en toute chose, il faut d’abord chercher le mal en soi. C’est ce que soulève en d’autres termes Maître Apévon lorsqu’il affirme que si la démocratie marque le pas chez nous, c’est parce que « le dégré de maturité des Togolais est assez faible » .

Le constat global est alarmant. Le Togo est en faillite. Faillite surtout morale. Il y a quelque chose de troublant, de très joliment troublant, lorsque malgré la banqueroute, on voit et entend certains compatriotes, soûlés par on ne sait quels intérêts, hurler publiquement que « les tendances sont bonnes, que le Togo est sur la bonne voie avec les figures actuelles parce qu’il est difficile de leur trouver des remplaçants sans casser le pays » . Quelle drôle de réflexion ! Quelle délire amnésique ! La somme de tout cela, malheureusement, ne dénie pas de fondements à l’idée courante selon laquelle les Togolais méritent leurs dirigeants. Chez nous, on adore trop les postes. Même vide d’honneur et de gloire, c’est à prendre, pas pour le service qu’on veut rendre aux plus démunis mais pour les avantages pécuniaires qu’on peut en tirer. « Non merci » n’est pas togolais. Mais on ignore que ceux qui bradent leur liberté contre la sécurité matérielle n’ont, à la fin, ni l’une ni l’autre.

Parce que le Togolais est de cette nature d’éternel mendiant, Faure Gnassingbe, à pas de loup sur les pas de son père, joue beaucoup sur la troublante facilité de certains compatriotes à trébucher devant l’appât du gain facile, éphémère. Il le fait avec autant de perfidie qu’il n’a jamais senti ni le besoin ni la pression de s’adresser au peuple lorsque ses militaires se livrent à d’innommables bévues, perpétrant à coup de fusil ou de matraque les meurtres les plus odieux sur des populations sans défenses.

Dans cette atmosphère surchargée de tendances lourdes, le pouvoir, sans résoudre aucun des litiges pendants, entonne l’hymne des locales et de la présidentielle de 2020. On sort du chapeau le PND, en réalité un projet qu’on croirait initié par des gens atteints de trisomie pour une population de leur catégorie. Élections, pour quoi faire ? Pour régler lequel des nombreux problèmes de la société togolaise ? Et certains opposants iront se prêter à cet attrape-nigauds en reprenant les refrains redondants de cette nouvelle cacophonie électorale. Les indices que le Togo s’achemine une fois encore vers de nouveaux chaos sont palpables. Le président togolais ne fait pas mystère de sa logique congenitale du statut quo. Dans ses méninges, « une élection frauduleuse est toujours mieux que pas d’élection du tout », peu importe si quelques âmes malheureuses doivent, de leurs vies, en pâtir. Cela se voit à l’autre bout du monde, Faure Gnassingbé, au nom de son fauteuil, est prêt à une ré-écriture des périodes ténébreuses de 2005. Face à un adversaire de cette catégorie, il faut que se lève, comme un seul homme, un peuple entier, déterminé à arracher sa liberté, sous la conduite d’une opposition soudée, possédant des plans d’appoint B, C, D ….

A la fin, pour tout illustrer, une remarque s’impose : si des chefs traditionnels de Kloto et d’Ave, manipulés ou de leur propre chef, peuvent empêcher sur leur sol des activités de partis politiques légalement constitués et, le soir, retourner dormir bonnement dans leurs palais en banco, c’est que les Togolais n’ont pas encore atteint la colère et la hargne pouvant conduire un peuple à la révolution de sa libération. Alors, la question suivante se pose : n’avons-nous pas par hasard, nous Togolais, le régime que nous méritons ?

Si tel est le cas, alors, voici notre prière en cette période de Pâques : « Seigneur Jésus Christ, donne nous la force de nous relever de nos chutes, pour transmettre aux générations qui viendront ta bonne nouvelle (mais aussi la vraie histoire de notre nation) ; à toi Seigneur (à toi seul et jamais aux pécheurs endurcis) la louange et la gloire pour les siècles » ….. Plus jamais, que cette Terre ne soit point pour certains un Golgotha, le Lieu-du-Crâne ou de calvaire c’est-à-dire un chemin de croix des mille et une stations. Et, à tous les Togolais de toutes les confessions de reprendre en chœur : AMEN.

Kodjo Epou

L’AUTEUR

Kodjo Epou

Washington DC

USA

Source : telegramme228.com