« La ville de Blitta (région Centrale, 262 Km de Lomé) aura bientôt un nouveau marché. Le premier coup de pioche symbolique a été donné samedi par les ministres du Développement à la base et de la Planification, respectivement Victoire Dogbé-Tomegah et Kossi Assimaïdou. Les travaux devraient durer 8 mois pour un investissement de 450 millions de Fcfa. L’ouvrage comprendra 8 hangars, 1 bloc de 10 boutiques, 4 abris pour volaille et bétail et 4 magasins d’une capacité de 10 tonnes. Ce marché fait partie d’un plan global de modernisation des équipements communautaires telle que prévue par la feuille de route du PUDC (Programme d’urgence de développement communautaire) dont la mise en œuvre est assurée par le PNUD. L’objectif est de faire de Blitta un carrefour commercial entre les régions du nord et du sud. L’ambition du PUDC est de doter les communes d’infrastructures de base essentielles pour favoriser le développement et améliorer la qualité de vie des populations ». Ce sont les derniers faits d’armes du ministère du Développement à la base, de l’Artisanat et de l’Emploi des jeunes, le département de propagande du régime de Faure Gnassingbé piloté par la plus grande cumularde de la République, Noëlie Victoire Dzidudu Tomégah-Dogbé.
Le marché de la ville de Bitta 8 hangars et quelques boutiques et abris pour volaille pour presqu’un demi-milliard vient s’ajouter à la longue liste des marchés fantômes que ne cesse d’ériger sur l’ensemble du territoire dame Victoire Tomegah-Dogbé, avec son ministère de propagande. Mango, Tandjouaré, Niamtougou, Notsè, Kpalimé, Baguida, Ketao, c’est le chapelet non exhaustif de localités où les marchés sont érigés sans ni étude préalable, aucune implication des populations. La conséquence est que tous ces marchés sont vides, des éléphants blancs qui ravivent parfois des tensions ethniques dans certaines localités comme Gando. L’histoire de la construction des marchés qui n’en finit pas, c’est comme les distributions de houes, coupe-coupe, râteaux, brouettes dont dame Victoire Tomegah-Dogbé est une championne. Le ministère du Développement à la base, c’est le département qui a vu exploser de façon exponentielle son budget au cours des cinq dernières années. Visiblement, ce ministère si bien garni est devenu un tiroir à sous qui permet à certains de s’enrichir à la vitesse de la lumière à travers des projets bidons, des éléphants blancs.
Il est évident que lorsqu’on est une puissante Directrice de cabinet à la Présidence, poste qu’on cumule avec un ministère aussi ronflant que celui du Développement à la base ainsi que d’autres responsabilités, on peut se permettre tous les excès au sein de la République, sous la bienveillance du Prince. En poussant l’analyse plus loin, on comprend pourquoi certains réseaux au sein du pouvoir travaillent à retarder le processus de la décentralisation et surtout l’organisation des élections locales.
Si le Togo avait des maires élus, Victoire Tomegah-Dogbé peut-elle débarquer dans n’importe quelle ville pour construire un marché comme elle veut et où elle veut ? Pas si sûr. Parlant de la construction des marchés, ce n’est pas une prérogative du ministère du Développement à la base, de l’Artisanat et de l’Emploi des jeunes, mais des ministères de l’Administration territoriale chargé des collectivités locales ou du Commerce. Le département de celle qui a réussi en quelques années à mettre tout le pays sous sa coupe, est devenu un fourre-tout, un ministère transversal qui s’invite dans les autres départements, notamment l’agriculture, le Commerce, la Santé, non sans provoquer quelques grincements de dents. Même sur le terrain, passé les poses de premières pierres et les inaugurations pompeuses, les populations, particulièrement les commerçants, ne se précipitent pas dans ces nouveaux marchés.
Des marchés boudés par les populations
Une enquête sur le terrain permet d’entendre des populations la même histoire, sinon presque. De Baguida à Tandjouaré, de Notsé à Mango en passant par Kpalimé, les marchés construits à coup de centaines de millions (demi-milliard par marché) n’attirent pas les commerçants. A Gando dans la préfecture de l’Oti, l’emplacement du nouveau marché a ravivé même les conflits entre deux ethnies de la localité.
Preuve, si besoin encore, ce sont des infrastructures parachutées sans l’implication des populations, à Mango, plusieurs commerçants rencontrés estiment que le nouveau marché est loin de la ville et les voies d’accès sont impraticables, surtout en saison de pluie. Conséquence, les commerçants préfèrent l’ancien site et n’utilisent le nouveau marché qu’une fois dans la semaine. Une préoccupation qui rejoint celle des commerçants de la ville de Kpalimé qui évoquent les mêmes difficultés.
A Notsè, le site qui abrite le marché se trouve dans une zone presqu’inondable. A Assahoun, en temps de pluie, la position des hangars expose les commerçants aux averses. Partout, les problèmes sont presque les même. « En Afrique, on ne construit pas un marché, le marché se construit de lui-même », dit-on. Cette réalité qui implique des considérations parfois ésotériques voire mystiques, la ministre du Développement à la base, de l’Artisanat et de l’Emploi des jeunes semble l’ignorer. Ses projets sont conçus dans son cocon, sans aucune implication des populations bénéficiaires. Le choix mêmes des localités pour la construction des marchés est sujet à polémique.
Comment peut-on par exemple faire de la ville de Blitta un carrefour commercial avec presqu’un demi-milliard pour huit hangars, alors qu’à 100 km au Nord et 80 km au Sud, on a les villes de Sokodé et d’Anié qui sont de grands carrefours commerciaux reconnus mais dépourvus de marchés modernes ? Il en est de même de la ville de Cinkassé dont le poids économique n’est plus à démontrer, mais qui ne dispose pas de marché moderne alors que celui construit un peu plus bas à Tandjouaré est inutilisé. On peut généraliser les exemples et évoquer même le cas des grands marchés incendiés de Lomé et Kara qui attendent toujours leur reconstruction. L’incendie spectaculaire de ces deux marchés, surtout celui de Lomé dont les vrais auteurs sont inconnus à ce jour, constitue un sérieux handicap pour l’économie nationale, selon des fonctionnaires des douanes, des régies et des hommes d’affaires.
Dans un monde en pleine mutation où les voisins privilégient des centres commerciaux à défaut des marchés modernes, le ministère du Développement à la base au Togo n’érige que des hangars, même dans la capitale. Le drame, c’est que les concepteurs de ces projets parachutés dans les localités ne tirent aucune leçon des échecs. Au contraire, ils continuent dans la même logique.
Des centaines de millions englouties dans des infrastructures inutilisables
Le constat crève les yeux, il suffit de faire un tour sur le terrain dans les principales localités pour se rendre compte que les fameux marchés de Victoire Tomegah-Dogbé que Faure Gnassingbé se déplace souvent pour inaugurer, ne sont qu’un gâchis. Si on suppose que dans les grandes localités, on débloque 450 millions, presqu’un demi- milliard pour la construction de 8 hangars et un bloc de 10 boutiques, on a une idée des centaines de millions voire des milliards qui sont engloutis dans ces éléphants blancs.
La gouvernance, c’est l’utilisation rationnelle, parcimonieuse et efficiente des ressources disponibles pour le bien-être des populations. Or il se fait que les localités où les marchés sont construits à des centaines de millions pour être ensuite boudés par les populations, ne disposent pas souvent de système d’eau potable, d’école digne de ce nom, de dispensaire équipé. Le centre hospitalier préfectoral de Notsè ne dispose pas d’une ambulance fonctionnelle, même pas d’oxygène pour les premiers secours. Et pourtant dans cette ville, on a construit un marché de plus de 400 millions dans un bas fond que les populations boudent! Même chose pour la grande ville de Kpalimé. Au CHP (centre hospitalier préfectoral) de cette ville, lorsqu’il y a une urgence à évacuer vers Lomé, le patient doit faire venir de Lomé l’ambulance à ses propres frais.
A Kougnohou, Tandjouaré, Gamé, Assahoun, etc. la situation est la même voire désastreuse à certains endroits. Une ambulance coûte-t-elle 100 millions de FCFA ? A-t-on besoin de 20 millions pour doter un hôpital préfectoral en oxygène ou équiper les maternités pour permettre aux femmes d’accoucher sans risque ou les pédiatries pour sauver la vie des nouveau-nés ? Lorsqu’on parcourt l’ensemble du territoire national, on se fait une idée de ce à quoi ressemblent les infrastructures scolaires ; de véritables chaumières qui exposent les élèves et enseignants à toutes les intempéries.
Le Togo ne dispose-t-il pas d’un ministère de la Planification où une vision du développement du pays s’élabore ? La gestion de Faure Gnassingbé à la tête du pays depuis 12 ans est une catastrophe qui ne profite qu’à une minorité. Le ministère du Développement à la base, de l’Artisanat et de l’Emploi des jeunes piloté par dame Victoire Tomegah-Dogbé, Directrice de cabinet à la Présidence de la République, qui a déployé son réseau dans tous les secteurs du pays, en est une parfaite illustration. Les nombreux projets de propagande pilotés par ce département qui engloutit des milliards ne sont que des échecs. Mais la responsable de ces échecs patents ne semble guère inquiétée; au contraire elle continue d’étendre son réseau, d’user de trafic d’influence pour renforcer tous les jours son emprise sur les affaires de l’Etat.
Et, visiblement, rien ne semble la dissuader, du moins pour le moment.
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