Par Serge Lemask, togo-online.co.uk
Le 19 juin 2017, les 843 agents recrutés pour le compte du ministère de la Santé et de la Protection sociale ont officiellement pris fonction sur toute l’étendue du territoire national. Une bonne pour eux, nouvelle après avoir attendu pendant plus d’un an les résultats du concours. Mais aujourd’hui, le bonheur d’avoir trouvé de l’emploi se mue en désespoir. Plus de sept mois après leur prise de service, ces agents n’ont jamais été payés et pire, il n’y a même pas un début de traitement de leurs dossiers.
Au premier trimestre de l’année 2016, le ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Réforme administrative et celui de la Santé et de la Protection sociale avaient lancé un concours de recrutement du personnel médical, paramédical, administratif et d’appui pour le compte du ministère de la Santé. Comme d’habitude, beaucoup de jeunes en quête d’emploi s’étaient manifestés en renflouant les caisses de l’Etat avec les documents officiels à légaliser et le paiement des frais d’inscription (5000 FCFA par candidat). Au total, 4.775 personnes avaient concouru pour 843 postes à pourvoir.
« Pour le moment, tout se passe bien. Pour le reste, cela dépend davantage de chaque candidat et de chaque candidate de donner le meilleur de lui-même et de répondre efficacement et convenablement aux questions. Nous espérons que le concours va se terminer dans de bonnes conditions et que cela va permettre à nos concitoyens, y compris les médecins, d’éviter d’être tentés d’aller à l’extérieur alors qu’ils ont été formés pour être à la disposition des populations pour apporter leur contribution », s’était félicité le ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara, lors des épreuves écrites le 19 avril 2016. Quant à son collègue de la Santé, le Prof. Moustapha Mijiyawa, il était revenu sur les raisons de l’organisation de ce concours : « Depuis un certain temps, nous avons des départs à la retraite, nous avons enregistré aussi des postes vacants et il y avait un certain nombre de centres dont le besoin en personnel n’était pas satisfait. C’est pour cette raison que le gouvernement, sous l’impulsion du Chef de l’Etat, a décidé d’organiser un concours de recrutement des agents de la santé ».
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Mais il a fallu plus d’un an avant que les résultats de ce concours ne soient rendus publics. C’est à croire qu’entre-temps, « l’impulsion du chef de l’Etat » s’était émoussée. En tout cas, le 30 mai 2017, les candidats étaient priés de consulter les résultats. Et le 2 juin 2017, les deux ministères ont informé « les candidates et les candidats déclarés admis au concours national de recrutement direct régional du personnel médical, paramédical, administratif et d’appui session du 19 avril 2016 pour le compte du ministère de la Santé et de la Protection sociale que la date de prise de service à leurs postes d’affectation respectifs est fixée au 19 juin 2017 à 7 heures 00 ». Il a été en outre demandé aux chefs de service auprès desquels sont affectés les agents de « leur délivrer une attestation de prise de service conformément à l’effectivité de cette présence au poste à compter de la date ci-dessous indiquée ». En guise d’avertissement, « les candidats déclarés admis et qui ne prendront pas service dans les trente (30) jours qui suivent la date officielle de prise de service, seront considérés comme ayant abandonné leur poste et purement et simplement remplacés ».
En revanche, plus de sept mois après leur prise de service, les « heureux élus » broient du noir. Ils n’ont perçu à ce jour aucun centime de la part de l’Etat, leur employeur. Pire, ils n’ont reçu aucun document les titularisant dans la hiérarchie administrative de leur catégorie. « Les attentes sont trop longues et nous crevons de faim. La situation est insupportable. Certains parmi nous ont été même expulsés de leur lieu d’habitation parce qu’ayant accumulé plusieurs mois de loyer impayé.
D’autres sont obligés d’encaisser les humiliations des propriétaires de maisons. Mais nous ne savons pas encore quand tout cela s’arrangera. Il n’y a même pas un début de solution puisque nous n’avons pas toujours été confirmés dans nos fonctions. Personne ne nous a demandé nos dossiers. Personne ne nous dit rien », explique un infirmier.
Parmi les nouveaux employés de l’Etat, il y avait des contractuels qui étaient directement payés sur le budget autonome des différentes structures sanitaires. Une fois qu’ils ont pris service, leur contrat a été résilié. « Après ma formation, j’avais travaillé comme contractuelle à l’hôpital de Bê. J’ai alors participé au concours dans le but d’être un véritable agent de l’Etat et bénéficier des avantages. Et dès notre prise de service, la direction a mis fin au contrat et depuis sept mois, je tire le diable par la queue. La rupture est douloureuse. Je n’ai plus rien, moi qui percevais chaque fin de mois mon salaire », se plaint une accoucheuse.
Aux ministères de la Fonction publique et de la Santé, on se contente de dire que c’est un « léger retard » et que la situation sera débloquée avec le rappel de tous les mois de travail sans salaire. Quand plus précisément ? « Ça va être fait », nous répond-on. Cependant des problèmes de liquidité et d’ordre administratif sont avancés pour justifier ce retard.
C’est curieux que l’Etat qui est censé promouvoir le travail décent et défendre les citoyens contre des employeurs privés indélicats, se livre à ces comportements. Une exploitation de l’homme par l’homme à l’ère moderne.
Source : Liberté N°2602 du 29 janvier 2018
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