Message de Togbui Koffi IV aux Togolais : évitez le piège des élections

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La question des élections, il faut le dire, ne laisse aucun Togolais indifférent. Plusieurs réactions ont suivi la récente mise au point du président guinéen Alpha Condé en ce qui concerne l’interprétation que le régime togolais a faite de leurs recommandations sur une éventuelle tenue des élections. « Nous n’avons jamais appelé à des élections au Togo », dixit Alpha Condé.

Il n’en fallait pas mieux pour faire retomber la tension artérielle de Togbui Koffi IV (nom d’emprunt), chef d’une localité qu’il préfère ne pas révéler par peur de se voir retirer son arrêté de nomination. Car Togbui Koffi IV est de ceux qui ne croient pas du tout à la possibilité d’une bonne élection sous le régime RPT-UNIR. Et pour cause.

En 2005, Togbui Koffi avait été témoin des pires violences post-électorales de sa vie. Les habitants de sa localité avaient voté pour le candidat de l’opposition et nombreux d’entre eux avaient dû se réfugier dans les pays voisins pour échapper à la colère des militaires et des milices du parti-État. À la suite de cette élection-mascarade, Togbui Koffi IV qui rêvait de développer son village s’était retrouvé dans une mauvaise passe. Il était allé voir le préfet au sujet d’un vieux plan d’électrification rurale de son village. Le préfet lui répondit que le plan existait et qu’il avait même été évoqué par le très jeune, moderne et intelligent nouveau président. Mais le préfet lui avait aussi dit les yeux dans les yeux qu’aussi longtemps que les habitants de son village voteront pour l’opposition, ce village ne sera pas électrifié. Le préfet lui fixa le chiffre : reviens me voir lorsque le RPT obtiendra 50% des voix dans ton village.

Togbui Koffi se dit donc que pour obtenir l’électrification de son village, il lui fallait tout simplement convaincre les habitants de la nécessité de voter pour le régime à la prochaine élection. Ce ne fut pas tâche facile dans un village où le régime n’avait obtenu que 12% des voix.

À l’élection qui a suivi en 2010, le régime avait recueilli 40%. Togbui Koffi était déçu, mais il se félicita pour ses efforts. Car des efforts, il en avait fourni. Si bien qu’en fin de compte, la majorité des habitants se méfiaient de lui, s’ils ne le considéraient pas carrément comme un ennemi. Togbui Koffi continua donc ses efforts, inlassablement. Il avait les yeux tellement fixés sur le prix qu’il ne ménagea aucun effort pour faire la promotion du président, celui-là qu’on avait imposé aux Togolais a coup de centaines de morts.

À l’élection présidentielle de 2015, c’est finalement 65% des habitants du village qui votèrent pour le candidat du RPT-UNIR. Togbui Koffi était aux anges. Finalement, ses efforts allaient payer ; son village sera électrifié.
Une fois la fièvre électorale retombée, il retourna voir le même préfet, un indéboulonnable comme on n’en trouve qu’au Togo. À la grande surprise de Togbui Koffi IV, le préfet lui signifia que son village ne sera pas électrifié au cours du « mandat social ». Et pour cause, depuis 10 ans, le pourcentage obtenu par le RPT-UNIR n’a pas augmenté.
– Comment est-ce possible, rétorqua Togbui Koffi IV. Nous sommes passés de 12% en 2005 à 40% en 2010, puis à 65% en 2015. On a donc dépassé la barre des 50% que vous avez demandée.
– Eh bien, lui dit le préfet, en réalité, vous êtes passés de 12% en 2015 à 14% en 2010, puis 11% en 2015. Donc le nombre de ceux qui votent pour le RPT-UNIR dans ton village n’a pas changé. Vous êtes tous des opposants, et on ne peut rien réaliser pour vous.
– Mais ce n’est pas du tout vrai, répondit Togbui Koffi IV.
– Bien sûr que si, rétorqua le préfet. Les chiffres qui ont été publiés par la commission électorale en 2010 et 2015 étaient faux. Si on avait communiqué les vrais chiffres, le régime allait punir toute la préfecture. Donc on a dû les changer. Je suis le préfet et ce que je te dis là est la vérité. Les responsables du RPT aussi connaissent cela. Il te faut encore des efforts si tu veux l’électrification de ton village.

Pour Togbui Koffi IV, c’était donc 10 ans d’effort pour rien.

Pendant 10 ans, tout comme beaucoup de chefs traditionnels qui voulaient s’attirer les bonnes grâces du régime, Togbui Koffi IV, s’est fait des ennemis dans le village de ses ancêtres. Pour rien.
Pendant 10 ans, à l’instar de l’ensemble des Togolais, les habitants du village n’ont pas changé d’avis sur le président togolais : c’est un imposteur qui ne mérite pas une seule voix de plus que ce qu’il avait recueilli en 2005. Ils sont restés fidèles à leur logique en votant pour l’opposition.
Pendant 10 ans, le régime lui aussi n’a pas changé sa logique : publier les faux résultats tout en utilisant les vrais pour régler les comptes aux populations, leur refusant le moindre développement ou progrès social.

Togbui Koffi IV s’est donc rendu compte, à ses dépens, que le régime togolais n’a pas de parole, et surtout que tout résultat électoral publié par le régime est faux. Voilà pourquoi Togbui Koffi IV, du haut de ses nombreuses années de pouvoir traditionnel, fatigué par le double langage et l’expérience des élections frauduleuses qui sont les deux seuls exploits du régime togolais, voudrait dire ceci à tous les Togolais : une élection organisée par le régime togolais ne vaut pas la peine. Ne vous faites pas avoir comme je me suis fait avoir.

Togbui Koffi IV est le
Chef coutumier de Délaissé-Kopé

Rapporté par : Ben Yaya

Source : www.icilome.com