Me Tikpi Atchadam sur Radio Zinaria en Allemagne : « C’est parce que les Togolais dorment que le régime continue. Quand on se lève, il n’est rien. »

0
2628

La tournée du PNP en Allemagne se poursuit. De France 24 à Africa 24, en passant par le meeting de Cologne, l’agenda médiatique du président du PNP s’est poursuivi avec les confrères de Radio Zinaria. Réalisée en patois, des nouvelles stratégies de l’opposition togolaise aux problèmes communautaires au pays, avec un accent sur les défis de la diaspora, Me Tikpi Atchadam n’a rien laissé au hasard. Votre Rédaction se fait le devoir de transcrire ce message pour vous. Bon week-end.

Me Tikpi Atchadam sur Radio Zinaria en Allemagne : « C’est parce que les Togolais dorment que le régime continue. Quand on se lève, il n’est rien. »

I – Interview accordé à Radio Zinaria

Radio Zinaria : Bienvenu président. Nous voyons que vous êtes venus pour implanter le PNP ici en Allemagne, quelle est au juste votre message ?

Tikpi Atchadjam  : Si tu fais le tour des réalités dans les différents pays d’Afrique, tu te rendras compte que le Togo est un des rares pays où les citoyens vivant à l’extérieur sont plus nombreux que les citoyens vivant au pays. La mauvaise gestion du pays a tourné les fils et filles vers l’extérieur. Mais quand vous habitez ensemble dans votre pays et que certains sont sortis, malgré eux, alors que le combat qui les a poussés à sortir n’est pas terminé, vous devez les approcher pour continuer à organiser la lutte. Ceux qui sont sortis ont une forte envie de revenir, mais le pays est toujours malade. Parmi ceux qui sont ici, beaucoup ont fait de hautes études, beaucoup ont trouvé de l’argent, d’autres, un alléchant carnet d’adresse dans l’environnement des affaires, ils ont envie d’aller faire profiter ça au pays. Il faut donc que nous luttions pour que ça change, on ne peut pas lutter si les énergies sont dispersées. Il faut que vous jouiez votre rôle afin que ça change de manière à ce que le pays soit vivable pour tout le monde pour un retour au bercail avec un autre espoir. Vous nous suiviez depuis que nous sommes au pays, mais il faut qu’on vous approche pour que vous touchiez la réalité du doigt. Aujourd’hui ce pouvoir a fait 50 ans. Dans aucun pays d’Afrique un régime n’a fait 50 ans. Eyadema nous a gouvernés, il est fatigué et en est mort en remettant le pouvoir à son fils qui veut faire aussi 50 ans. C’est une insulte au Togolais.

Vous voulez donc parler du changement?

Oui, il faut que ça change. C’est parce que ça change qu’il y a eu un changement au Ghana, au Burkina, au Benin et autres, pourquoi chez vous il n y a pas d’anciens chef d’Etat? Comment un seul système peut diriger pendant 50 ans et plus. Aujourd’hui nous parlons Tem sur votre Radio ici, en milieu Tem, c’est à tour de rôle qu’on gère les affaires publiques donc le pouvoir. C’est de même dans tous les autres milieux africains, même si ce régime fait du bien, il faut qu’il laisse d’autres essayer. Une sauce, elle a beau être délicieuse, tu ne peux pas la manger tous les jours, tu as beau être élégant dans une tenue, tu ne peux pas la porter tous les jours, il faut que ça change, c’est devenu un impératif.

Quand un aveugle te dit qu’il va te lapider, c’est qu’il a le pied posé sur une pierre, quelle est votre pierre ?

Non, je ne suis pas d’accord avec cette question, je vais la répondre quand même. A travers cet adage, le peuple tem veut mettre en exergue le caractère faible du non-voyant. Mais ici, on parle du peuple, le peuple n’est pas en position de faiblesse, mais les dirigeants. Le peuple n’est pas non-voyant, c’est le pouvoir qui est non-voyant. C’est parce que les Togolais dorment que le régime continue, quand on se lève, eux ils ne sont plus rien, en deux jours ils quittent.

Le PNP n’est pas la première formation politique, les gens sont alors tentés de se dire qu’est-ce qu’on n’a pas encore vu. Alors, qu’est-ce que cette formation politique apporte de neuf ?

C’est quand l’opposition avait cinq têtes qu’on a eu la conférence nationale, la constitution de 1992, la charte des parties politiques. A l’époque, il y avait, Gilchrist Olympio, Edem Kodjo, Zarifou Ayeva, Me Agboyibor, Prof. Léopold Gnininvi . Malgré cette multiplicité on a eu des avancées. Mais à un moment donné toute l’opposition s’est réunie derrière Gilchrist et à partir de ce moment, on a rien gagné comme acquis. Aujourd’hui où se trouve Gil ? Quand tu vas dans la cour de la maison où il habite tu ne verras pas une mouche roder. Or, la même personne, à un moment de son parcours, quand il s’annonce à la frontière, c’est tout le pays qui bouge. Gil est allé s’entendre avec le RPT. Quand, l’UFC était UFC, s’il y avait une autre formation qui fait le poids en face pour le contredire et faire le contrepoids, il ne serait pas allé liguer avec le régime. Voilà pourquoi nous estimons qu’une opposition unique derrière une personne qui devient un petit Dieu, ne marche pas. C’est cette opposition que le régime veut. Il faut alors diversifier les forces mobilisatrices en deux ou trois grands pôles de mobilisation sérieuse. Ainsi, on peut prendre l’UNIR en sandwich. On sait que telle formation pèse dans telle zone, telle autre formation a maillé telle zone, par rapport aux capacités de mobilisation on sait de quoi on est capables, par où commencer et comment. Pour qu’ils nous gouvernent sur 50 ans, c’est qu’ils sont d’abord parvenus à nous diviser. Si vous voulez qu’on se mette ensembles avant de commencer le combat, on attendra longtemps.

A un moment donné, nous avons dit à Fabre qu’il peut mobiliser Lomé à partir de la Mer, moi je peux mobiliser Lomé à parti de son entrée Nord, Zongo, Agoè et autres. Qui est fort ici, qui est fort là-bas ? Les deux forces viennent se joindre au niveau de la présidence. Mais si on attend de s’entendre pour commencer, on ne commencera pas. Quand on se décide de lui laisser mobiliser tout Lomé, moi je peux mobiliser Sokodé, Bafilo, Mango, Tchamba et autres localités, et on verra le résultat. Je ne dis pas que ce sont les seules forces politiques, mais je vois ce que l’ANC fait, je sais ce que je peux faire, s’il y a une autre force qui se sent capable qu’elle face ses preuves et on fait une synergie de force mobilisatrice et non une synergie de nombre de formations politiques. Mais quand on fait d’une personne un incontournable derrière qui tout le monde doit s’aligner comme des moutons de Panurge, on aura mis les œufs dans un seul panier. Il y a risque que quand le panier tombe, tout espoir s’effondre avec. Ne nous faisons par mordre deux fois. Telle autre est pour telle autre formation. On ne prêche pas pour une lutte individuelle, nous prêchons pour que deux à trois garçons capables se préparent, se sentent capables et encerclent le régime.

Certains disent que tu viens du milieu tem, il y avait le PDR et le MCD de Tchassona, est-ce qu’il n’y aura pas de problèmes ?

Qui se pose cette question, tous les Togolais ou les tem ?  Quand tu vas en milieu Watchi, c’est de là que viennent, Me Agboyibo, Me Apévon, Prof Gnininvi, M. Agboyomé, je ne sais pas qui encore. Tous ont chacun sa formation politique. Pour un parti, ce n’est pas la provenance du leader qui est le problème, c’est l’intention, les principes défendus qui constituent les problèmes. Je ne demande pas à quelqu’un de me suivre parce que je suis tem, mais que chacun analyse plutôt bien avant de choisir une famille politique. Le PDR, c’est nous qui l’avions animé, on a fait de lui ce qu’il fut. Mais si présentement quelqu’un te parle du PDR, il veut créer un débat inutile. Le PDR est mort, et celui qui te parle du PDR sait que le parti a vécu. Il est devenu RPT et c’est quand il est devenu RPT que moi je me suis retiré. Je ne dis pas au tem de suivre le PNP parce que moi je suis tem. Au PNP nous ne raisons pas en terme de tem, nous ne sommes pas un parti communautaire, nous sommes un parti pour tous les Togolais et quand on résoudra le problème togolais, nous avons une sérieuse ambition panafricaine, car quand on ne redéfinit pas les cartes sur un plan africain, l’homme blanc va toujours nous tirer par le nez. Nous ne faisons pas de petits raisonnements.

Le RPT-UNIR est devenu une source d’approvisionnement pour une bonne partie des formations politiques qui s’y abreuvent. Est-ce qu’on peut craindre la tentation de ta part ?

Ce n’est pas tout le monde qu’on achète avec de l’argent. Moi je suis venu à Lomé pour un bien-être et l’argent fait partie du bien-être. Mais je ne suis pas venu au monde pour l’argent. Beaucoup de cadres qui gèrent le PNP avec moi ne sont pas venus au monde pour l’argent, l’argent n’est pas la finalité de notre existence. Je combats ce régime, il y a 30 ans. Ce n’est pas parce que la parole est libre maintenant que moi je tiens ce discours. Je ne suis pas un opposant à Faure Gnassingbé. Au moment où son papa partageait en carton, je ne suis pas allé, maintenant ce sont des enveloppes qu’on distribue, de grâce.

Pour l’élection 2015, il y a eu un accompagnement important aux forces compétitives, le PNP pouvait être candidat pour bénéficier aussi officiellement de cette manne, ce n’était pas une corruption. Mais nous ne sommes pas allés car on avait un principe qui nous tenait. Je vais te dire que si on te montre un échantillon de 10 citoyens et on te fait savoir que ce sont des intègres qu’on ne peut pas acheter avec de l’argent, tu verras que la plupart de ces incorruptibles sont des indigents, des pauvres, qui ont normalement besoins d’argent plus que tout autre, donc l’argent a ses limites. Qu’on trouve donc autre alternative.

Aujourd’hui, il y a problème de chefferie à Kpariyo. Les hommes politiques veulent y imposer leur chef, les Tem, maitres des lieux disent non. Que penses-tu de ce sujet ?

Tu as bien dis les Tem et le gouvernement. Tu as effectivement pointé le vrai problème. Ce sont les hommes politiques qui veulent jeter les bases d’un conflit entre les Tem et les Kabyè. Ils ne s’arrêtent pas là. Ils ont eu envie d’opposer le Nord et le sud. En fin de règne, ils ont envie de se chercher des béquilles, puisque c’est eux qui nous ont divisés pour qu’ils puissent tenir jusqu’ici. Ils n’ont pas encore fini d’opposer l’armée aux civiles, opposer les jeunes aux vieux, ils ont envie aussi d’opposer les enseignants aux parents d’élèves. C’est quand nous sommes divisés que eux ils prospèrent. Les lois existent pour désigner les chefs traditionnels. Chaque communauté a une base sur laquelle se fait le choix de ses chefs.

Il y a deux grands groupes ethniques au Togo en termes de choix des chefs traditionnels. Les ethnies qui ont une vieille tradition royale avec des règles traditionnelles connues : les communautés du Sud, les Tem, les Tchamba, les Bassar, les Tchokossi, là, on choisit le chef sur la base des traditions connues. Le second groupe, ce sont les ethnies qui n’ont pas vite connu le système de chefferie traditionnelle et donc il n’existe pas de principe établi. Du coup, pour choisir un chef dans ces milieux, les populations s’alignent, c’est ainsi dans la loi au Togo. Ce ne sont pas les Kabyè qui veulent être chef à Kpariyo. Au-delà de Boukpessi, c’est le système en place qui veut faire ce forcing. On appelle une localité Kpariyo. Kpari est l’un des jours de marchés cyclique en milieu tem. Kpariyo, c’est en patois tem, donc c’est un tem qui doit être chef canton dans une telle localité. Aujourd’hui, on ne peut pas être à Kpalimé et rencontrer un chef tem ; partout où cette anomalie veut se produire, on la combattra.

Si demain un Mina veut être chef en milieu Kabyè, le PNP le combattra ; si un Akposso veut être chef à Mango, on le combattra ; si un fils de Dapaong veut se faire chef à Aneho, on le combattra ; si un Tem veut se faire chef à Vogan ou Tabligbo, il nous verra également sur sa route car, c’est gauche. Je vous dis souvent que nous avons cohabité depuis l’enfance avec les frère kabyè, nos parents nous ont parlé de leurs parents. Ceci nous fait retenir trois choses d’eux : le kabyè n’est pas menteur, il n’est pas voleur, il n’est non plus arrogant. Quand tu vois un Kabyè tenir quelque chose avec force alors que ce n’est pas à lui, c’est quelqu’un qui est derrière. C’est en cela que j’ai eu l’habitude de dire que c’est Eyadema qui nous a opposés avec les Kabyè. Eyadema est mort, renouons nos contacts communautaires. Rien n’oppose le Kabyè et le Tem. Le Kabyè arrive et dit, je suis un nouveau venu, j’ai besoin de m’installer. Le Tem dit, ici tu construis pour habiter, là-bas tu exploite la terre pour vivre. Tu vois que les communautés kabye de Kpariyo n’ont fait aucun problème depuis lors, ils connaissent la vérité.

On ne peut pas craindre les démons de Sotouboua ?

Même à Sotouboua ce n’est pas une affaire de kabyè, c’est Eyadema, c’est le système. Je vous ai dit que nos frères kabyè ne sont pas l’image qu’on leur donne, ils ne provoquent pas quand on ne les provoque pas, ils ne sont pas de cette nature, quand il change, on l’a changé. C’est très simple, quand tu dépasses Mango en venant les Moba n’ont pas de terres. Quand tu dépasses Atakpamé, les Agnaga n’ont pas de terre. Quand tu dépasses Tsévié, les Notsé n’ont pas de terres. Quand tu arrives à Lomé, les communautés de Tsévié n’ont pas de terres. Pourquoi les gouvernants veulent que les Kabyè soient propriétaires de terres partout ? Eux ils savent qu’ils ne sont pas propriétaires de terre partout, et cela n’est pas un problème pour eux. Chacun connait ses limites, moi-même qui vous parle, je suis de Kparatao et mes ancêtres y ont vécu, mais je ne suis pas Mola de Kparatao. Je n’ai pas le droit d’être chef traditionnel à Kparatao. Je n’ai pas le droit de vendre les terres à Kparatao, mais la femme qui m’a mis au monde est Mola de Kparatao, ses frères ont droit à la chefferie, ils sont propriétaires terriens. Il faut que les gens sachent que même entre les Tem, ce n’est pas tout le monde qui est vendeur de terrain. Quand tu vis à Kolina et tu n’es pas du clan Dikèni, tu ne vends pas la terre. Quand tu es à Kpangalam et que tu n’es pas Mola tu ne vends pas la terre. Mieux, un Mola de Kparatao ne vient pas vendre la terre à Kpangalam. Les Kabyè sont venus chez nous et nous leur avons donné une partie de nos terres, le jour où on sera en milieux kabyè, ils vont nous en donner pour habiter, mais on sait où commence nos droits et les droits des pariétaires.

Quel est ton message demain pour Hambourg ? Si demain, il nous revient que Atchadam soit devenu président au Togo, quel est le bénéfice de la diaspora ?

Mais le seul fait que le pays a changé demain et donc qu’il s’est stabilisé est déjà suffisant pour vous. N’est-ce pas quand du pays nous vous lançons des coups de fils ici, vous avez peur à décrocher ? Il ne faut pas que ce coup de fil vienne me demander de l’argent, me soumettre un problème, tu hésites de prendre l’appel. Si le pays est stable, personne ne vous dérangera ; quand nous appellerons, vous décrocherez sans arrière-pensée, juste pour un échange d’égal à égal de frère de famille. Quand on vous appelle, c’est pour envoyer l’argent pour un baptême, un mariage, un enterrement, les funérailles, une femme qui est en travail, on ne vous appellera plus que pour des problèmes, il aura des opportunités d’investissement. Même si Hambourg est plus jolie que le village de Bola, que le village d’Ifolo, chez ma grand maman, ici c’est une brousse dans le raisonnement au pays, vous devez retourner au bercail, c’est la stabilité qui prépare le retour au pays natal.

Je vous remercie.
II – Discours de Tikpi devant la Diaspora à Hambourg le 15 Avril 2017

Chers compatriotes !

C’est un honneur pour moi d’être ici et d’avoir l’opportunité d’échanger avec vous sur la situation socio-politique de notre pays à nous tous, le Togo.

Avant tout propos, il me plaît de vous adresser un salut fraternel et chaleureux rapporté du pays que nous aimons tous, le Togo. Recevez la considération et le respect qui vous est dû.

Je vous apporte la reconnaissance de la famille qui, sans votre concours, aurait vécu une misère indescriptible, le pire. Pour avoir assuré la survie au pays, merci. Merci pour avoir soutenu au pays, contre les pilleurs de la République, la réalisation des droits les plus fondamentaux de l’Homme que sont : l’alimentation, la santé et l’éducation.

Comment ne pas vous remercier ? Où trouver les mots pour vous qui avez servi de rempart à la honte et à l’indignité pour des millions de personnes au pays. Oui ! Vous avez contribué à protéger la dignité humaine.

Je ne vous apprends rien si j’avance que le pays le plus beau pour tout homme est celui dans lequel l’on a poussé le premier cri. C’est le pays où pour la première fois l’homme fait sa connaissance avec le soleil qui, loin d’être une boule de feu, est source d’énergie.

Le pays le plus beau marqueur pour tout homme reste le pays de sa plus tendre enfance. Et, en tant que négro-africains, le pays le plus beau est encore le pays où sont couchés les ancêtres.

Si on est heureux à Hambourg, c’est qu’on peut être plus heureux à Lomé, à Atakpamé, à Tchamba, etc. En fait à conditions de vie égales, l’on est plus heureux dans son pays natal, chez soi.

C’est pourquoi chacun de nous reste viscéralement et instinctivement attaché à sa terre de naissance. Sinon comment expliquer que le sable chaud du désert soit encore habité ?

Comment comprendre que les pays les plus froids habritent encore des femmes et des hommes fiers de leur milieu ? Les villages lacustres sont et resteront adorés par les enfants qui y sont nés et qui y ont grandi.

Ce n’est donc pas de gaieté de cœur ou par simple fantaisie ou coup de tête que vous avez décidé de quitter votre terre natale, la terre de votre enfance.

Vous y avez été contraints par une situation, la dictature et la mal gouvernance. La rupture brutale avec la terre de ses ancêtres laisse toujours de séquelles. Sûrement, vous en serez marqués à jamais.

Non ! Je ne suis pas là pour enfoncer le doigt dans la plaie qui peine à cicatriser.

Cependant, je vous apporte les nouvelles du pays. En effet, le pays que vous avez quitté n’a pas encore réussi à sortir de l’éclipse totale dans laquelle il est plongé depuis le coup d’Etat militaire du 13 janvier 1963.

Le pays que vous avez quitté est une mine à ciel ouvert livré à un pillage organisé et systématique entre les mains de la minorité présidentielle. C’est le pays où, selon le rapport 2013 de Global Financial Integrity (GFI), sont sortis clandestinement mille (1000) milliards de francs CFA par an entre 2002 et 2011.

Le pays que vous avez quitté est ‘’gouverné’’ par des hommes d’affaires qui, chaque jour, plonge davantage le pays dans la dette. Nos enfants, avant même de naître, sont déjà des débiteurs entre les griffes des créanciers sans pitié.

Pour l’exercice 2017 le Togo va consacrer 35% de son budget au paiement de la dette. D’après le FMI, cette dette culmine à 75,4% du Produit intérieur brut (PIB).

Le pays que vous avez quitté est un pays où la corruption est banalisée. Un Directeur de société qui pille une société d’Etat n’est ni interpellé, ni inquiété; on lui change de poste ; on le déplace tout simplement. Et le cumul de postes n’est pas chose rare.

Le pays que vous avez quitté est un pays exportateur clandestin d’or et de diamant. C’est aussi le pays où une société d’Etat (Société Nouvelle des Phosphates du Togo ) a fonctionné pendant trois ans sans verser un seul centime au Trésor public.

Comment perdre (tomber en faillite) en vendant du sable. Et bien c’est possible dans le pays que vous avez quitté.

Dans le pays que vous avez quitté, le Président de la République peut décider de faire d’un visiteur un milliardaire. C’est ainsi que, récemment, Manuel Vals, en visite chez notre Président Faure, a été gratifié de cinq milliards de francs CFA.

Pourtant dans le pays que vous avez quitté, la gouvernance sociale est une catastrophe. La société togolaise est constituée de deux classes sociales : la classe de ceux qui possèdent tout et la classe de ceux qui n’ont de propriété que leur souffle de vie. C’est pourquoi, la grogne sociale est généralisée.

Le social que vous appréciez ici n’existe pas dans le pays que vous avez quitté. Chez nous, plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Le chômage des jeunes est endémique. Le Togo est classé avant dernier pays sur l’indice de bonheur, juste avant le Burundi.

Dans un contexte où l’accès aux services publics de base est des plus problématiques, il est difficile de parler de droit à l’éducation ou du droit à la santé.

Je ne vous apprends rien si je vous informe que les femmes en travail au CHU de Tokoin se couchent à même le sol. Quant au CHR de Sokodé, celui-ci ne dispose pas de tensiomètre.

La source de cette situation se trouve dans la gouvernance politique. En effet, votre pays reste le seul dans la sous-région à n’avoir pas connu d’alternance. C’est le pays où un Président décédé s’est vu remplacé par son propre fils.

Et puis, la liberté d’expression, de manifestation et de réunion n’est pas encore une réalité au Togo. Je pense à la situation vécue par le PNP le 12 mars 2017 à Mango et le 25 mars 2017 à Kara.

Non ! Ce ne sont pas les populations de Mango et de Kara qui ne veulent pas du PNP. C’est le pouvoir cinquantenaire qui a peur de la Vérité. Vous savez que le pays a été géré sur la base du mensonge.

Je pense aussi à l’assassinat du compatriote Nadjoumoudine lors de la manifestation contre la hausse des produits pétroliers. Je pense à la fermeture de LCF et City Fm.

Comme si tout ce qui précède ne suffisait pas pour imposer le silence et maintenir les Togolais dans la pauvreté et l’asservissement, le régime minoritaire de Faure Gnassingbé en mal de crédibilité cherche sa légitimité forcée hors de nos frontières.

Une manière pour le régime RPT/UNIR de faire comprendre au peuple qu’il est conscient de n’avoir jamais bénéficié du suffrage du peuple. Ce n’est un secret pour personne ; le régime RPT/UNIR n’a jamais été investi par le peuple togolais.

Il suffirait pour s’en convaincre de voir que malgré l’attente de tout un peuple doublée de la pression de la communauté internationale dont l’Allemagne, la France, l’Union Européenne, etc. les dernières élections locales remontent à 1981. A quand la démocratie locale et le développement local ?

Curieusement, toutes les chancelleries quid sur le bord de la Scène, quid sur le bord du Rhin sont informées par les autorités compétentes de notre pays de la tenue desdites élections et du projet de référendum sur la nouvelle constitution.

Ils exposent d’une part que les élections locales sont prévues en cette année 2017. D’autre part, au lieu de la mise en œuvre de l’Accord politique global (APG), le pouvoir fait accepter l’idée selon laquelle une nouvelle constitution va être adoptée pour, disent-ils, « remettre le compteur à zéro » pour Faure.

En fait, il s’agit d’une constitution taillée sur mesure pour Faure, lui permettant de mettre en œuvre son projet de monarchisation du pouvoir dans notre pays.

La constitution en perspective n’a rien de générale et d’impersonnelle. Après le coup d’Etat de 1963, le pouvoir togolais veut offrir un autre scandale en plein XXIème siècle dans une sous-région où l’alternance est une réalité.

Il est désormais su et connu au niveau de toutes les chancelleries du monde que le Togo va basculer dans la cinquième République.

La nouvelle constitution prendra effet à partir de 2020, une manière de « remettre les pendules à zéro », jusqu’à ce que Faure, à l’instar de son papa, meure sur le trône. D’ici là, émergera un autre fils ou une fille d’Eyadema, et ainsi de suite.

La préoccupation du régime c’est convaincre l’extérieur de leur projet. Pour eux, le peuple togolais ne réagira pas. Le plus difficile, c’est convaincre l’extérieur.

Alors, les chancelleries se disent : nous ne pouvons pas faire le travail des Togolais à leur place. Et elles ont parfaitement raison. La lutte pour l’alternance et la démocratie dans notre pays est avant tout de la responsabilité des Togolais.

Mais, le régime RPT/UNIR doit savoir que s’opposer à l’alternance revient à s’opposer à la nature. En effet, l’alternance est inscrite dans la nature. Nous avons la nuit et le jour ; nous avons les saisons ; le climat n’est pas le même d’un point à un autre de la terre ; la végétation change d’un milieu à un autre ; la faune et la flore de même.

Toutefois, il revient aux Togolais de refuser la monarchie en exigeant le retour à la constitution de 1992 et le vote de la diaspora, ou le départ du système Faure. Et nous en sommes capables.

Les partenaires peuvent aider, mais ils ne peuvent et ne doivent pas remplacer les Togolais. C’est avant tout leur pays. Mais, pour y parvenir, nous devons sortir du cercle de la division de la famille Gnassingbé.

Aujourd’hui aux abois, le régime tente de nous opposer. Nous devons rester vigilants. Gardons notre esprit sans cesse en éveil. Nous devons avoir une bonne écoute du temps. Celui-ci est suffisamment sonore sur la fin du régime en place.

Mobilisons-nous, mobilisons-nous, mobilisons-nous.

Vainquons ou mourrons, mais dans la dignité.

Je vous remercie.

Tikpi Salifou Atchadam
Président national, PNP

Source : Le Rendez-vous N°304 du jeudi 20 avril 2017.

27Avril.com