Me Isabelle Améganvi fustige le découpage des communes voté par la majorité

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Voici l’intervention de la présidente du groupe parlementaire ANC, Me Isabelle Améganvi, après le vote de la loi sur le découpa des communes vendredi dernier par les députés UNIR. Bonne lecture !

ASSEMBLEE NATIONALE République togolaise

Groupe Parlementaire ANC

Travail-Liberté-Patrie

N° 17-074/ANC/ VP-SG

EXPLICATION DE VOTE DU GROUPE ANC

(PROJET DE LOI PORTANT CREATION DES COMMUNES)

(Le groupe ANC refuse le règne de la division et du tribalisme que le gouvernement s’évertue à imposer au Togo)

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Chers Collègues Députés,

Mesdames, Messieurs,

Le groupe Parlementaire ANC constate et déplore avec amertume que le gouvernement continue envers et contre l’ensemble des populations togolaises, à saper les fondements de notre nation, en usant de la discrimination et des coups de force répétés., comme aujourd’hui même à l’Assemblée Nationale, où il impose, une fois encore, à la terre de nos aïeux, le règne de la division et du tribalisme, sous prétexte de mener une politique de décentralisation, dans la perspective d’élections locales, au demeurant hypothétiques.

Ces élections, objet d’un engagement spécifique du gouvernement auprès de l’Union Européenne en avril 2004, devraient se tenir dans les 12 mois, et donc au cours de l’année 2005. Mais aujourd’hui, plus de 13 ans plus tard, d’errements en errements, le gouvernement multiplie les projets de loi et de décret, les ateliers et les séminaires, les missions d’information et les feuilles de routes, en se ménageant le temps d’échafauder, un véritable plan de division tribale du pays avec une discrimination abjecte des populations et des citoyens dans leurs droits et prérogatives constitutionnels, de manière à amplifier dans le vote, les accents tribaux qu’il ne cesse de développer.

Ce fut l’objet de l’autre projet de loi portant création de quatre (4) nouvelles préfectures, voté envers et contre tous ici même en Mai 2016. C’est aujourd’hui encore précisément l’objet du présent projet de loi portant création des communes, élaboré et transmis par le gouvernement depuis le mois de mars 2016 et soumis à notre examen plus d’une année après.

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Le Groupe Parlementaire ANC a déjà suffisamment marqué au cours des travaux en commission, au travers de maintes propositions d’amendements et autres recommandations systématiquement rejetées par le gouvernement soutenu par sa majorité parlementaire, sa totale désapprobation du projet de loi, tel que soumis par le gouvernement, et indiqué son intention de voter contre, si le gouvernement persiste dans son refus d’y corriger les incongruités et aberrations flagrantes et criardes qui sont autant de facteurs de discrimination et de division, mettant en danger la paix et l’unité nationale.

En effet, la création des communes dans notre pays, qui devrait être un processus ouvert et transparent, s’est révélée une opération unilatérale, montée en toute opacité par le gouvernement, suivant des critères ne résistant à aucune analyse sérieuse.

Ce projet de loi, qui est en total déphasage avec les normes généralement admises en la matière au plan international et en totale contradiction avec la Constitution et les lois de notre pays, appelle les observations suivantes :

Le projet gouvernemental viole délibérément la loi n°2007-011 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales.

L’article 2 de cette loi, quoique cité in extenso dans l’exposé des motifs, est allègrement foulé aux pieds du fait que, au lieu de dénommer formellement et convenablement les communes créées, le gouvernement se contente de leur attribuer des numéros de préfecture, ce qui aboutit à gommer les dénominations existantes, notamment les noms de toutes les villes du Togo.

Ainsi, le nom légendaire de la capitale Lomé et les noms historiques de nos cantons et de nos villes comme Cinkassé, Dapaong, Mandouri, Namoundjoga, Bogou, Mango, Gando, Kantè, Niamtougou, Pagouda, Lama, Kara, Guérin-Kouka, Bassar, Bafilo, Sokodé, Tchamba, Tchébébé, Adjengré, Djarkpargan, Boulohou, Blitta, Anié, Atakpamé, Datcha, Gléï, Morétan, Elavagnon, Morétan, Kougnohou, Kamina-Akébou, Badou, Klabè-Efoukpa, Hihèatro, Amlamé, Amou-Oblo, Kpélé-Elé, Kpélé-Adéta, Danyi –Elavanyo, Danyi-Atigba, Kpalimé, Kpadapé, Kouma, Agou-Nyogbo, Amoussou-Kopé, Notsé, Asrama, Tohoun, Kêkplemé, Tsévié, Agbélouvé, Mission-Tové, Kévé, Noépé, Tabligbo, Kouvé, Ahépé, Vogan, Akoumapé, Togoville, Afagnagan, Attitogon, Anèho, Agbodrafo, Glidji, Agoè Nyivé, Adétikopé, Légbassito, Bè, Amoutivé, Baguida, Aflao-Gakli, Aflao-Sagbado disparaissent pour faire place à des incongruités parmi lesquelles : Cinkassé1, Tone2, Kpendjal1,Kpendjal ouest2, Tandjoare2, Oti1, Oti-Sud2, Kéran3, ,Kozah4, Binah1, Doufelgou2, Assoli3, Bassar 4, Dankpen3, Tchaoudjo 4, Sotouboua 3, Mô1, Tchamba3, Blitta2, Anié1, Ogou3, Haho2, Est-Mono3, Moyen-Mono1, Akébou2, Kpélé1, Danyi2, Kloto3, Agou2, Avé1, Zio4, Vo1, Yoto2, Lacs3, Golfe1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 etc

Ainsi dorénavant, sur la terre de nos aïeux, les enfants, qu’ils le veulent ou non, verront leur naissance déclarée dans la commune de Doulfelgou 2 ; leur certificat de nationalité togolaise leur sera délivré dans la commune de Kloto 3 ; ils obtiendront leur CEPD dans la commune de Danyi 1 ; ils passeront leur Baccalauréat dans la commune de Bassar 4, leur Doctorat dans la commune de Golfe 1 ou celle de Kozah 3. Plus tard, ils seront recrutés comme fonctionnaires pour effectuer leur cursus professionnel dans les communes de Tone 4, Sotouboua 3, Dankpen 2, Yoto 1, Agoè Nyivé 6 et finiront par être admis à la retraite dans la commune de Zio 4. Et à la fin de leur si mouvementé pèlerinage sur cette curieuse terre des hommes, leur décès sera déclaré dans la commune de Golfe 7…

Cette pratique incongrue est totalement inacceptable.

Le projet gouvernemental viole l’article 5 de la Constitution.

En refusant de prendre en compte le critère universellement déterminant dans le découpage des régions et préfectures en communes, en l’occurrence le nombre d’habitants, le projet de loi en vient à une répartition de la population togolaise en deux catégories de citoyens, discriminés en ce qui concerne leur poids électoral ou leurs représentativités nationales, suivant qu’ils résident ou non dans la partie septentrionale de notre pays ou en sont originaires. Ce qui est une violation flagrante et délibérée du principe d’égalité devant le suffrage garanti par l’article 5 de la Constitution.

Ainsi, alors que la moyenne nationale du nombre d’habitants par commune est de 53.332 habitants (6.186.580 / 116) le projet de loi crée des disparités qui vont de 36.664 habitants par commune dans la région de la Kara à 163.897 habitants par commune dans le Golfe en passant par 83.721 habitants par commune dans la région maritime.

Il apparaît donc que le gouvernement s’est contenté, à des fins purement électoralistes, de multiplier les communes dans les régions qu’il considère comme lui étant favorables au détriment des autres régions où il ne craint pas de maintenir voire d’aggraver la sous-représentativité des populations, notamment dans la perspective des élections municipales et sénatoriales, en comptant susciter davantage, encourager et tirer parti du vote ethnique.

Monsieur le Président,

Cher Collègues,

Mesdames, Messieurs,

C’est en vain que le commissaire du gouvernement tente de nous faire croire que la création des communes n’a rien à voir avec les élections. Car il s’agit bel et bien d’un découpage électoral que le gouvernement veut imposer en occultant les critères standards et constitutionnels que sont les critères démographiques.

A cet égard, il convient de rappeler que “Le principe d’une personne, un vote doit s’appliquer et, dans le cadre du système électoral de chacun des Etats, le vote d’un électeur doit être égal au vote d’un autre. La délimitation des circonscriptions électorales et la méthode d’allocation des sièges ne doivent pas aboutir à une distorsion de la distribution des électeurs…”. (Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, Commentaires généraux sur l’Article 25, 1996) (p 17)

Ce principe implique d’une part, que les élus représentent exclusivement les populations et en aucun cas des zones géographiques ou des distances, et que d’autre part, chaque élu représente une même proportion de la population.

La question de l’égalité des citoyens devant le vote, s’est sérieusement posée dans notre pays, après les législatives de 2007, lorsque l’opposition de l’époque, bien que largement majoritaire en suffrages (1 200 000 voix) s’était retrouvée minoritaire en nombre de sièges (soit 31 sièges) alors que le parti RPT au pouvoir, largement minoritaire en suffrages (900 000 voix), s’était retrouvé majoritaire en nombre de sièges (50 sièges).

Cette question importante fait partie des réformes électorales prescrites par l’APG en même temps que les autres réformes politiques. Un découpage électoral objectif et équitable ne peut qu’améliorer la transparence et la crédibilité des scrutins au Togo. C’est dans ce sens que l’ANC a proposé et transmis au gouvernement depuis février 2012, un découpage électoral objectif et équitable, toujours d’actualité.

Or, toutes les initiatives gouvernementales de découpage électoral amplifient les disparités existantes au détriment des régions du Sud comparées aux autres régions du Togo et c’est encore le cas du présent projet de loi.

A défaut pour le gouvernement et la majorité parlementaire de prendre en compte les recommandations et autres amendements pertinents proposés par l’opposition parlementaire et d’y apporter les corrections nécessaires, le Groupe Parlementaire ANC ne saurait se rendre complice de l’adoption de ce projet de loi scélérat, discriminatoire et injuste portant création des communes qui viole notre constitution et nos lois, foule aux pieds les normes et standards électoraux internationaux et nuit gravement à la cohésion nationale.

Lomé, le 23 juin 2017

Pour le Groupe Parlementaire ANC

La Présidente

Signé

Maitre AMEGANVI Manavi Isabelle

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