Il est politologue, membre de la Fondation Open Society OSIWA, Mathias Hounkpè, puisque c’est de lui qu’il s’agit, était l’invité Afrique de Carine Frenk ce matin sur RFI. Il intervenait sur la crise politique togolaise et pense que la réaction du président français Emmanuel Macron à propos de la situation dans le pays de Faure Gnassingbé est « un signal en direction des protagonistes de la crise et des médiateurs ».
Bientôt un an que le Togo connaît une crise politique qui cristallise toutes les attentions. Le dialogue ouvert depuis février dernier peine à faire avancer les choses. Même avec l’implication de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a officiellement désignés deux facilitateurs, les présidents Alpha Conde et Nana Akufo-Addo, respectivement de la Guinée et du Ghana, le statu quo ne semble pas pour autant disparaître. Tout porte à croire qu’on fait du surplace.
Pour ce politologue qui épouse la position d’Emmanuel Macron, ce statu quo demeure parce que les facilitateurs évitent la question centrale qui divise les protagonistes de la crise. « Les médiateurs tournent autour du pot, parce qu’ils évitent d’aborder la question centrale qui est la véritable pomme de discorde qui divise les protagonistes au Togo. Il s’agit de la candidature du président Faure pour la présidentielle de 2020 », a indiqué Mathias Hounkpè.
C’est la question, a-t-il poursuivi, que doivent aborder les facilitateurs avec les protagonistes de la crise, au lieu de parler à chaque rencontre de la limitation du mandat, du scrutin à deux tours, de la libération des prisonniers politiques. Ces sujets qui devraient venir après, mais qui sont mis au devant des discussions, font que les choses n’avancent pas. Et il trouve le sujet difficile.
« Parce que c’est la question la plus difficile. Non seulement difficile pour les Togolais, parce que les camps sont tranchés sur cette question, mais aussi pour les chefs d’Etat de la sous-région. Parce que c’est une question sur laquelle ils ne sont pas à l’aise, c’est-à-dire demander à un de leurs homologues de quitter le pouvoir alors qu’il est constitutionnellement autorisé à se présenter aux élections », a-t-il souligné.
Pour Mathias Hounkpè, il y a une solution facile des chefs d’Etats pour se sortir d’affaires. « Une possibilité que je considère comme la plus facile, c’est qu’ils (Ndlr, les chefs d’Etat de la CEDEAO) demandent aux protagonistes, donc l’opposition et le pouvoir, de se soumettre à l’arbitrage du peuple. Donc d’aller aux élections en 2020 et permettre à Monsieur Faure Gnassingbé de se présenter, et que le peuple tranche. Mais cette solution qui serait facile pour les chefs d’Etat de la sous-région, ne peut être crédible que si on peut garantir la crédibilité des élections. Et comme vous le savez au Togo, ces dernières années, on a toujours douté de la crédibilité des élections », a-t-expliqué.
Et d’ajouter une autre possibilité au cas où la première n’est pas envisageable : « La deuxième possibilité, c’est que les chefs d’Etat demandent à Faure qu’après trois mandats, de considérer personnellement, dans le souci de préserver la paix et la stabilité dans son pays, de renoncer par lui-même de façon délibéré et volontaire au pouvoir ».
Le politologue n’exclut pas le fait que Faure Gnassingbé soit opposé à cette deuxième possibilité. Dans ce cas, il indique que le bras de fer peut continuer. « Vous savez très bien que la force de l’opposition se repose en partie sur la mobilisation du peuple. Même si le mouvement s’essouffle un peu, vous ne pouvez pas imaginer ce que peut devenir un mouvement de ce genre, parce que c’est comme une force dont vous ne connaissez pas le moment de déclenchement et le moment de mobilisation incontrôlable, vous ne pouvez pas anticiper. Et donc quelle que soit la voie de sortie de crise, je crois qu’il ne faut pas oublier ce qu’exprime le peuple togolais », a fait remarquer Mathias Hounkpè.
Réagissant sur l’intervention de Faure Gnassingbé qui disait que tout est sous contrôle au Togo, lors de son déplacement au Nigeria, le politologue indique qu’il est dangereux de minimiser la crise. « C’est imprudent de minimiser la crise au Togo et penser que comme d’habitude, il suffit de régler le problème entre les acteurs politiques et que le Togo se porterait mieux », a-t-il averti.
Source : www.icilome.com