Au Togo, la situation sociopolitique n’est point rassurante. Au fil des jours, l’on assiste à une radicalisation de position et d’humeurs des togolais, débouchant malheureusement sur la recrudescence des propos haineux et des violences qui font indubitablement craindre un lendemain incertain pour le pays. Le dernier épisode en date sont les manifestations spontanées aux conséquences lourdes survenues dans la nuit du lundi à mardi dans plusieurs villes du pays, partant de Sokode à Lomé en passant par Bafilo et Kpalimé.
Aujourd’hui, les signaux semblent au rouge et confirment l’abîme du tissu social, en voie de rupture pour des raisons politiques. Que réservent les jours à venir au Togo ? C’est vraisemblablement à cette question qu’en viennent nombre de togolais au lendemain d’une soirée mouvementée, heurtée et violente qui a prévalu dans plusieurs villes du Togo.
L’origine des émeutes !
Tout est parti de l’arrestation, en fin de soirée de lundi à Sokode, de l’Imam Djobo Mohamed Alassani, par des hommes armés. Ceci, alors même que la ville sombrait dans un délestage généralisé. Mécontents et révoltés par cette arrestation qu’ils jugent «arbitraire», les jeunes ont posé des barricades, incendié des pneus et obstrué la circulation à différents niveaux de la ville. En réplique, les forces de l’ordre, dans leurs tentatives de rétablir la situation ont procédé à des tirs de gaz lacrymogènes qui ont fait un (01) mort et de nombreux blessés, aux rangs des manifestants. Ces derniers, dans leurs retranchements, ont incendié plusieurs locaux, aussi bien des bâtiments abritant des services publics que des domiciles de certains cadres du milieu. Au rang des dégâts en ter mes de biens privés, on cite les maisons du ministre Col Ouro Koura Agadazi, du deuxième vice-président de l’Unir, Folly Bazi Katari et du Commissaire des Impôts de l’Otr, Adoyi Esso Wazina. Quant aux bâtis abritant des services publics réduits à cendres, figurent les sièges de Togo Telecom, de Togocel, de la Poste, de la Gendarmerie. Toujours à Sokodé, d’après le bilan officiel, deux militaires en faction au domicile d’une personnalité ont été lynchés et exécutés et leurs armes et munitions emportées. Un jeune a également trouvé la mort et une vingtaine de blessés enregistrée parmi les civils et les forces de sécurité.
Très vite, comme une traînée de poudre, les violences ont atteint Bafilo, Kpalime et Lomé, notamment dans la périphérie d’Agoe, des localités somme toute à forte population musulmane. A Bafilo, les domiciles du Préfet et du Secrétaire général de la préfecture sont saccagés. A Kpalime, la Préfecture et la Marie de la ville ont essuyé des jets de pierres et connu d’autres for mes de vandalisme. Particulièrement à Lomé, la maison abritant le siège du Parti National Panafricain (Pnp) de l’opposant Tchikpi Atchadam a été incendié avec en toile de fond, des violences exercées par voie de fait sur les occupants. De même que les locaux du Terminal du Sahel, l’un des lieux incontournables de l’économie du pays.
Que reproche-t-on à l’Imam Djobo Mohamed Alassani ?
Selon le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Col Yark Damehame, le Parquet de Sokode reproche à ce prédicateur, une prêche tendancieuse et surtout, appelant à la haine et à la violence. En effet, à en croire le ministre qui s’exprimait mardi sur Radio Victoire Fm, l’Imam aurait tenu, dans sa prêche de vendredi à la mosquée, des propos répréhensibles qui ont conduit à son interpellation. En clair, le gouvernement togolais reproche à l’Imam Djobo Mohamed Alassani de dresser des jeunes contre les gendarmes, policiers et militaires, à la veille des deux jours de manifestations de l’opposition prévue pour ce mercredi et demain jeudi. «Cette interpellation est intervenue suite aux incitations et aux appels répétitifs à la violence, au meurtre et à la sédition de la part de cet imam », a notamment expliqué le gouvernement togolais. Et d’expliquer que face à la multiplication des déclarations répréhensibles consécutives aux manifestations violentes du 19 août 2017 et des jours suivants, les autorités judiciaires avaient procédé à un rappel à la loi et exhorté les responsables politiques à s’abstenir de tout comportement susceptible d’exposer leurs auteurs aux poursuites pénales. Par ailleurs, renchérit le communiqué du gouvernement, au regard des agissements de l’imam Djobo Mohamed Alassani, de multiples démarches ont été entreprises par des responsables religieux de confession musulmane pour l’amener à s’abstenir des prêches appelant à la violence. Mais en dépit de ces exhortations, le vendredi 13 octobre 2017, l’imam Djobo Mohamed Alassani s’est livré dans son prêche à des appels au meurtre des militaires et de citoyens togolais. C’est dans ce contexte qu’est intervenue son interpellation pour appel au crime et à la sédition, infractions prévues et punies par les articles 552 et 553 du Code pénal.
Gros plan sur l’homme en question
Il nous paraît salutaire de présenter, pour nos lecteurs, sur la base des confidences recueillies de diverses sources, celui qui est aujourd’hui au cœur des intrigues. Né le 28 Octobre 1966, Djobo Mohamed Alassani, imam de son état, est un homme de Dieu résidant au quartier Tchawanda à Sokodé. Par ses prêches et ses prises de position, chaque vendredi avant la prière, l’Iman Alassani passe pour un homme engagé pour le changement de régime au Togo. Proche de Tikpi Atchadam et du PNP, l’Inam Alassani n´a pas sa langue dans sa poche et n´hésite pas à dénoncer les dérives policières, voire des militaires au cours et en dehors des manifestations de l’opposition depuis au moins deux mois sur toute l’étendue du territoire national. Par ailleurs, l’homme de Dieu mobilise et encourage certes les jeunes à Sokodé et dans les environs pour les manifestations, mais en même temps il sensibilise les manifestants sur le caractère non violent de cette expression populaire. En clair, l’Imam Alassane joue un rôle d’éducateur, de formateur et surtout de pacificateur vis-à-vis de ses fidèles et de toute la population dans la localité. Grâce à lui, des jeunes, prêts à en découdre avec les forces de l’ordre ou avec des adversaires politiques pour se venger des répressions sauvages, ont pu être ramenés à la raison. Grâce à sa fermeté mêlée de sagesse et de beaucoup d’intelligence, l’Imam aurait gagné l’estime et surtout la confiance de la quasi totalité des chefs de canton qui savent qu’ils peuvent dormir tranquille.
Des jours inquiets à l’horizon
A la l’analyse de la situation, tout porte à croire que le Togo court un risque d’’enlisement, si des mesures ne sont pas prises pour calmer les ardeurs. Les Togolais revendiquent le retour de la Constitution de 1992 et le droit de vote à la diaspora. Des revendications que s’est ensuite faite siennes, toute l’opposition togolaise qui, depuis deux mois déjà, lutte mène la lutte de façon concertée. En témoigne la marche de la résistance prévue pour ce mercredi et demain jeud i. Malgré les intimidations du gouvernement, l’opposition maintien la marche, démontrant ainsi tout son engament à braver vents et marrées pour enfin décrocher sa liberté. Et c’est véritablement un signal fort qui exprime à juste titre, l’état d’âme actuel des togolais décidés à lutter sans défaillance en faveur de l’alternance vivement recherchée au Togo.
Aujourd’hui, Faure Gnassingbé doit agir. Au lieu de faire précipiter les choses au travers de la nomination récente des nouveaux membres de la CENI, le Chef de l’Etat doit sortir de sa léthargie pour rassurer les togolais qui manifestent, non pas contre sa personne mais contre un système politique qu’il a hérité à un moment de l’histoire. C’est en cela l’esprit de préserver la paix, si tant est qu’elle est vraiment menacée au Togo. Le reste n’est que du dilatoire qui fera, à coût sûr, foncer le pays dans le regrettable.
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