Transport de troupes, évacuations médicales, voire appui-feu pour arracher la décision au sol: malgré le sable et la chaleur qui poussent hommes et machines à leurs limites, les hélicoptères de l’armée française dans le nord du Mali jouent un rôle primordial face à un ennemi insaisissable.
Les températures pouvant flirter avec les 50 degrés au mois de juin, le plus chaud dans le désert malien, et la poussière de sable plus fine que du talc, qui pénètre partout, imposent de terribles contraintes aux membres de l’Aviation légère de l’armée de terre (Alat) participant à l’opération « Barkhane » – du nom d’un type de dune.
« Nous sommes en limite d’emploi de nos appareils », explique le colonel David (conformément aux consignes, il ne révèle que son prénom), conseiller aéro-combat du commandant de la base de Gao, la principale de « Barkhane » dans le nord du Mali.
« C’est quelque chose que nous savons faire depuis longtemps en Afrique, mais tout particulièrement depuis deux ans au Mali. C’est le troisième été d’affilée que l’Alat est présente », ajoute-t-il.
En cas d’urgence, une machine peut prendre l’air à tout moment en 20 minutes, pour une évacuation médicale ou assurer un « appui-feu » lors d’accrochages avec ceux que la terminologie officielle qualifie de « groupes armés terroristes », parfois en soutien des Casques bleus de l’ONU ou de l’armée malienne, ou dans les pays du Sahel voisin.
Le dernier « appui-feu » remonte au mois de mars, près de Kidal, dans le nord-est du Mali: après plusieurs heures d’affrontements au sol entre militaires français et combattants armés, les hélicoptères d’attaque Tigre avaient décollé de Gao, à plus de 350 km, pour détruire la position ennemie.
– ‘Chasse au poids’ –
Pour maintenir cette efficacité, mécaniciens et pilotes luttent inlassablement contre les conditions extrêmes du désert.
« Ce grand arc de cercle avec une grille autour du moteur, c’est le filtre à air », montre le sous-lieutenant Alexis, pilote de Gazelle.
« Il est en principe anti-sable, mais au Mali il est tellement fin qu’une partie finit toujours par passer. Il entre dans le moteur et endommage les aubes qui compressent l’air », explique-t-il, « les aubes se détériorent plus vite, il faut changer les moteurs ».
« Ici les moteurs ont une durée de vie inférieure d’environ la moitié par rapport à la France », ajoute-t-il. « Nous avons les moteurs de rechange nécessaires, nous les contrôlons plus souvent. Après chaque heure de vol, ce sont des heures de nettoyage ».
Dans ce désert, les pilotes sont entraînés à décoller et atterrir à l’aveugle, dans un nuage pouvant faire perdre tout repère visuel. Pour tenter de le limiter, des aires de décollage ont été installées, avec des tapis anti-sable en matière synthétique.
Autre casse-tête la chaleur dilate les joints, favorisant les fuites, mais surtout diminue la portance des pales.
« Plus l’air est chaud, moins il est dense, donc moindre est la portance », explique le sous-lieutenant Alexis. « Quand on peut décoller en France avec un hélicoptère qui pèse 2,1 tonnes – c’est la limite maximum de la Gazelle – ici on va emporter beaucoup moins. Il faut tirer la puissance du moteur au maximum ».
« Il faut tirer, tirer, et au tout dernier moment, quand on n’a plus que 3% de puissance, l’hélico va se soulever du sol. Là, il faut lui mettre le nez un peu vers l’avant, la machine peut racler un peu le sol. Donc on est vraiment limités en poids, c’est la chasse au poids », précise-t-il.
Pour alléger l’appareil, on va emporter moins de carburant, réduisant ainsi son autonomie.
Sur la base de Gao, huit hélicoptères de l’Alat – deux Gazelle, deux Tigre, deux Puma, un Cougar et un Caïman – sont stationnés. D’autres appareils relevant des forces spéciales vont et viennent, notés sur des plannings à part, ultra-secrets.
Jeune Afrique