Madagascar: crise politique, menace d’un putsch

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Les hommes en treillis sont plus que jamais poussés à prendre leurs responsabilités en tant que dernier rempart.

L’autorité civile prime sur l’autorité militaire. Jusqu’ici, les forces de l’ordre (Armée, Gendarmerie nationale et Police nationale) se soumettent à ce principe. Mais, dans leur déclaration d ‘hier, en se référant à l’article 61 de la Constitution, ils n’ont pas exclu l’option d’une situation d’exception si les politiciens ne parviennent pas dans les plus brefs délais à s’entendre sur la mise en œuvre de la décision n°18 de la HCC, notamment son article 14 qui préconise un accord politique. L’article 61 de la Loi fondamentale dispose :

« Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, son unité et l’intégrité de son territoire sont menacées et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics se trouve compromis, le président de la République peut proclamer, sur tout ou partie du territoire national, la situation d’exception, à savoir l’état d’urgence, l’état de nécessité ou la loi martiale. La décision est prise par le président de la République en Conseil des Ministres, après avis des présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la Haute Cour Constitutionnelle. La proclamation de la situation d’exception confère au président de la République des pouvoirs spéciaux dont l’étendue et la durée sont fixées par une loi organique. Dès la proclamation de l’une des situations d’exception précitées, le président de la République peut légiférer par voie d’ordonnance pour des matières qui relèvent du domaine de la loi. »

Prérogatives exorbitantes. Si les 73 députés pour le changement réclament le départ du président Hery Rajaonarimampianina et si la HCC vient, par sa décision n°18-HCC/D3 du 25 mai 2018, de réduire les pouvoirs de celui-ci, les chefs militaires ont brandi hier une solution qui confère au président de la République en exercice des prérogatives exorbitantes. L’article 4 de la Loi n° 91-011 du 18 juillet 1991 relative aux situations d’exception prévoit que la proclamation d’une des trois situations énoncées dans l’article 61 de la Constitution met à la disposition du chef de l’Etat tous les moyens civils et militaires susceptibles d’être mis en œuvre. L’article 6 de la même loi stipule que « le droit de réquisition est ouvert, sans autres restrictions que celles prévues par la loi, sur toute zone territoriale soumise à une situation d‘exception ». Ce droit de réquisition permettrait de débloquer la machine administrative au niveau de certains services publics stratégiques dont entre autres les établissements bancaires, le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Défense et le ministère des Finances et du Budget.

Avec ses pouvoirs spéciaux, le président de la République peut ordonner la remise des armes de première, de deuxième et de troisième catégories ainsi que des munitions appartenant aux particuliers ; des perquisitions à domicile de jour et de nuit au domicile des personnes dont les activités s’avèrent dangereuses pour l’ordre public ou la sécurité de l’Etat ; ainsi que la prise de toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse des publications et des émissions de toute nature et l’interdiction de celles qui sont de nature à perturber l’ordre public ou à mettre en danger l’unité nationale.

Dernier rempart. Quel que soit donc le type de la situation d’exception qui pourrait être proclamée, l’actuel président de la République restera à sa place. Il sera à la tête d’un régime militaro-civil. Ce qui ne résoudrait pas les problèmes politiques actuels. Jusqu’ici, la mise en place d’un directoire militaire qui constitue une solution extrême à la crise actuelle, est écartée. D’ailleurs, cette solution dont la mise en œuvre sera certainement confrontée au rejet des partenaires techniques et financiers de Madagascar plongera le pays dans une situation chaotique.

En tout cas, l’énième déclaration faite hier par les chefs militaires du régime suscite des polémiques. Certains n’y voient qu’une menace d’un putsch. D’autres la saluent en estimant qu’il est temps que les forces de l’ordre prennent leurs responsabilités en tant que dernier rempart.

Source : www.cameroonweb.com