Il y a quelques semaines, le concours pour le recrutement des enseignants a levé un peu plus le voile sur le problème de chômage au Togo. Alors qu’on attendait recruter 2000 enseignants, le nombre de candidats avoisine les 20. 000.
En mi-octobre dernier, dans un communiqué conjoint du ministre de la Fonction Publique, Gilbert Bawara et du ministre des Enseignements Primaire, Secondaire et de la Formation Professionnelle, Komi Tchakpélé, le gouvernement a annoncé le lancement du concours national de recrutement d’enseignants. D’après ce communiqué, le concours est réservé aux enseignants du primaire et du secondaire et les candidats seront retenus pour prester dans la région où ils ont postulé. Ceci, afin de « répondre dans chaque région du pays aux besoins d’enseignants». Le communiqué a précisé également qu’au total, 2000 personnes seront recrutées.
Quelques jours avant la date butoir du dépôt des dossiers, les images prises sur les lieux de dépôt de dossiers ont montré des milliers de personnes dossiers en main essayant par tous les moyens de soumettre leurs candidatures. Au palais de justice de Lomé, on a frôlé une émeute. En effet, dans les dossiers exigés pour ce concours y figurent le casier judiciaire. Face au nombre de demandes élevé, certains n’ont malheureusement pu être servis à temps. Ces images ont suscité des questionnements sur le problème du chômage au Togo. Un phénomène qui touche une bonne partie de la population active et particulièrement les jeunes.
La situation des jeunes au Togo demeure extrêmement préoccupante. Outre un chômage de masse qui touche environ les 2/3 de la jeunesse diplômée de ce pays, la précarité professionnelle est aujourd’hui le vécu quotidien de la plupart des moins de vingt-cinq ans. À cette précarité s’ajoute, comme un effet secondaire incontournable, une modestie de revenus qui entraîne un retard conséquent dans la prise d’autonomie. Ainsi n’est-il plus rare de voir aujourd’hui des jeunes de vingt-huit, trente ans (voire plus) «/ immobilisés/ » chez leurs parents, faute de ressources suffisantes pour vivre indépendamment. Beaucoup de jeunes perdent aujourd’hui patience ou confiance au point que la majorité se réfugie dans l’alcool et la drogue, avec son lot de conséquences.
Quelques chiffres sur le chômage
Dans son rapport 2012 sur les tendances mondiales de l’emploi des jeunes, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) affirme que le taux mondial de chômage des jeunes pour l’année 2012, reste bloqué à son plus haut niveau de crise et ne devrait pas redescendre avant 2016 au moins. Au Togo, le taux de chômage et de sous-emploi des jeunes était estimé à 28,6% en 2011. Mais ce chiffre ne fait pas l’unanimité.
« Le taux de chômage au Togo a diminué de 3,1 points passant de 6,5% en 2011 à 3,4% en 2015 tandis que le taux de sous-emploi a augmenté de 2,1 points en passant de 22,8% en 2011 à 24,9% en 2015 ». C’est ce que précisait en janvier 2017 un communiqué du conseil des ministres reprenant les données de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques et Démographiques (INSEED). Sauf qu’au Togo, des économistes en doutent
Pour l’économiste togolais Thomas Dodji Koumou, ce taux de chômage 3,4% est bien en deçà du taux réel du chômage au Togo et ne reflète en rien la situation économique du pays. « Le taux de chômage réel au Togo est probablement supérieur à 20%. Lorsqu’une économie est dans une situation comme celle du Togo où il y a une baisse du taux de croissance depuis 2014, on a de façon tangible une baisse de revenus générales créées par le pays. Cela veut dire que les entreprises ne créent plus assez de richesses et donc ne peuvent plus créer de l’emploi. Il est donc paradoxale qu’on annonce un taux de chômage de plein emploi dans une situation économique pareille », explique l’économiste.
Quelle politique pour endiguer le chômage ?
Aujourd’hui, le gouvernement togolais mise sur l’entrepreneuriat et l’auto-emploi pour solutionner le problème. S’il est vrai que sous d’autres cieux, ces solutions ont porté leurs fruits ailleurs, au Togo, cela ne semble pas être le cas. La preuve avec le nombre sans cesse croissant des chômeurs. Cette politique d’entrepreneuriat et de l’auto-emploi, pour avoir un impact réel exige une application rigoureuse et des mesures d’accompagnements que l’Etat togolais peine à mettre en place. Les quelques rares comme le FAIEJ ont montré leurs limites.
En fait, dans les pays où l’entrepreneuriat et l’auto-emploi ont réussi à impacter sur le chômage, les entrepreneurs ont bénéficié des mesures d’incitations pour s’engager et recruter. Aujourd’hui, à ce que l’on sache, les autorités togolaises sont laxistes sur le fait d’exiger de ces entreprises privées des politiques de recrutement bien défini. Ceci par le fait que, l’on ne propose pas des mesures compensatoires aux entreprises notamment dans le payement des taxes etc. Aussi, les jeunes entreprises ne sont-elles pas suffisamment soutenues. Pourquoi ne pas créer un statut fiscal spécifique et aussi penser à la défiscalisation pour faciliter les investissements dans les entreprises qui sont la principale force pour réduire le taux de chômage. Selon certaines sources, le nouveau code des impôts resoudrerait partiellement à cette question et donc un début de solution.
L’autre action du gouvernement consiste à la promotion du volontariat. Problème, une fois que les volontaires terminent leurs cursus et se positionnent sur le marché de l’emploi, ils se retrouvent confrontés aux mêmes difficultés que les gens qui n’ont pas passé par cette phase.
Chaque année, des milliers de diplômés sont déversés sur le marché de l’emploi sans aucune perspective. Au moins 50000 chaque selon des sources concordantes.
Formation-Emploi : l’autre équation
Aujourd’hui, il y a une déchirure nette du lien entre l’éducation ou la formation et l’emploi. Les formations reçues par la plupart des chômeurs sont loin de correspondre au besoin du marché de l’emploi.
En outre, le ministère de l’Emploi des jeunes ne semble pas avoir des orientations connues, des objectifs à court et à long terme sur la question du chômage. Pourtant, c’est à ce département qu’échoit la responsabilité de faire des propositions concrètes au gouvernement. Paradoxalement, chaque année, ce ministère est l’un de ceux qui obtiennent un budget conséquent avec, au finish, des résultats que tout le monde peut apprécier. Il est évident aujourd’hui, qu’une politique ambitieuse doit être mise en place avec des objectifs clairs pour réduire conséquemment le taux de chômage. En principe, la lutte contre le chômage doit être au centre de la politique du gouvernement. Il doit faire de cette lutte une cause nationale pour ainsi mobiliser plus largement pour renverser ce qui semble aujourd’hui être une montagne.
Source : Fraternité
27Avril.com