L’URGENCE AU CŒUR DES URGENCES

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Le G7 s’est réuni cette semaine en France : parmi les nombreux sujets que les dirigeants Occidentaux ont traités, l’Afrique. Selon ce que les journalistes ont rapporté, l’urgence pour ce continent, selon le G7, c’est la lutte contre le terrorisme.

Même si on admet que ce n’est que le point de vue des Occidentaux, on est étonné de cette mention du terrorisme comme l’urgence de l’Afrique. En effet, aucun des plus importants attentats qui ont eu lieu en Occident ces dernières années, n’a été le fait de terroristes ni venus ni même originaires d’Afrique subsaharienne, au contraire ce sont des personnes pour la plupart nées en Europe, qui ont grandi dans les banlieues des grandes cités européennes, et qui se sont « radicalisées », selon la formule consacrée, sur le même continent. Et les plus durs combattants de DAESH ne venaient guère d’Afrique alors que ce sont les Européens qui sont venus grossir les rangs de ce même DAESH. Les dirigeants occidentaux seraient-ils si altruistes qu’ils seraient inquiets seulement pour nous les Africains sans être eux-mêmes concernés ?

Cependant quelques questions s’imposent : pour l’heure, nous Africains, aurions-nous des problèmes avec le terrorisme si, d’abord, une certaine gouvernance n’avait pas marginalisé certaines couches de la population dont les jeunes, si, ensuite le problème des conflits interethniques avait été traité autrement, si, en dernier ressort une certaine gouvernance n’avait pas failli, dans sa mission de redistribution des richesses nationales, dans le but de la réduction de la pauvreté ? Et ceux qui mettent en œuvre cette gouvernance ne sont-ils pas les amis des présidents du G7 ?

Pourtant les Occidentaux s’inquiètent beaucoup, à coups de grandes déclarations, de la montée des groupes terroristes en Afrique. Cette dernière serait-elle donc un bout d’Europe pour qu’on soit aussi préoccupé à propos du terrorisme ? Finalement oui, faut-il répondre, si on considère que les richesses telles que le pétrole, l’uranium, l’or, le coltan, le cuivre, les diamants, etc. qui font partie des ressources sensibles pour les riches pays

d’Occident, sont situées en Afrique, à portée d’une attaque terroriste !

L’humain est-il vraiment au cœur des politiques étrangères des Occidentaux ou bien le profit économique serait-il devenu la valeur des valeurs des mêmes personnes qui tout en continuant de professer l’humanisme comme valeur, font exactement le contraire ?

Leur parole publique est-elle encore crédible dans la mondialisation néolibérale qui conduitinexorablement à « La grande désillusion » si l’on reprend le titre de l’ouvrage du Prix Nobel d’économie Joseph STIEGLITZ ?

De fait, nous n’avons abordé ce sujet qu’à cause de l’actualité et pour montrer qu’il faut

creuser toute situation présentée par tel ou tel comme un impératif de l’heure, pour trouver la véritable urgence posée au cœur de l’urgence !

Revenons donc au Togo :

Apparemment, tout le monde s’affaire à propos des élections présidentielles de 2020.

Autant c’est normal pour ceux qui veulent garder le pouvoir et tout le pouvoir en gagnant ces présidentielles après les législatives et les locales, autant on peut se demander en quoi cela est urgent pour les Togolais.

- Prenons d’abord les partis politiques : l’échéance de 2020, est une urgence s’ils pensent avoir trouvé le moyen de les gagner. Rien n’est moins sûr, surtout avec les successives défections de la communauté internationale ! Alors l’urgence se situe bien avant ces élections : il faut trouver le moyen que ce Gouvernement organise des élections transparentes et équitables…

- Passons aux citoyens : les élections locales ont montré non seulement que le Gouvernement est prêt à tout pour gagner toutes les élections mais qu’il est prêt à ne pas laisser les citoyens gérer les collectivités locales. Quelle chance reste-t-il alors à ces citoyens pour se faire entendre ? Certainement pas en passant par la voix des élus ! L’urgence serait dans leur détermination de faire savoir que les citoyens sont la source de la souveraineté et que celle-ci ne saurait être, en aucun cas, être monopolisée par ceux qui, ne sont en réalité, que nos représentants.

Le Gouvernement, après avoir découragé l’observation citoyenne du processus électoral, s’empresse de serrer la vis quant aux libertés, particulièrement la liberté de manifester : c’est donc pour lui une urgence de faire taire les citoyens. Il faut donc que les citoyens considèrent que se faire entendre devient leur urgence ! Et se faire entendre, à propos de quoi : des élections passées, des élections à venir ? Certainement pas. Car sur ce sujet le Gouvernement est prêt à répondre.

Mais ce sur quoi il aura du mal à se justifier, c’est sur le quotidien des Togolais car le résultat le plus patent du pouvoir actuel c’est d’avoir échoué à donner le bonheur aux Togolais, depuis une quinzaine d’années ! (et on est généreux en parlant de quinze ans !)

Ainsi l’urgence ce n’est nullement 2020, c’est tout de suite !

Pourtant l’atmosphère générale semble dire le contraire : les gens sont comme cassés intérieurement peut-être se disant qu’ils n’ont plus rien devant eux, que la partie est perdue.

Pourquoi ? Les Togolais pensaient-ils que le Gouvernement allait organiser des élections pour les perdre ? Allons, tout le monde connait les pratiques et les habitudes de la maison.

Personne ne pouvait donc se faire d’illusions !

Alors que se passe-t-il ? Pourquoi ce manque d’espérance ? Certainement parce que personne ne redonne l’espérance, personne ne prend la parole pour faire détourner les yeux du passé plutôt sombre vers des horizons ensoleillés. Où sont donc ces personnes dont le regard est capable de traverser le brouillard du présent pour saisir et faire saisir aux autres la lueur d’un avenir encore ouvert et prometteur ?

Encore une fois, nous sommes obligés de pointer du doigt les intellectuels, ceux-là qui ayant lu l’histoire des nations, l’histoire de ces peuples qui ont su lutter pendant de longues décennies, sûrs que la justice et la vérité finissent par triompher et à qui finalement l’histoire a donné raison, peuvent redonner à leurs contemporains en citant ces exemples ; les intellectuels qui peuvent rendre compte des ruses de l’histoire, surprises heureuses au moment où plus personne ne s’y attendait …

Mais pour une fois, un autre groupe de Togolais doit être interpellé : il s’agit de tous ceux qui rêvent de gagner les élections de 2020. Leur rêve à chacun a-t-il seulement les couleurs d’une victoire électorale et donc des habits d’un Président de la République ? Ou bien, comme Martin Luther King, ont-ils un rêve pour les citoyens, rêve vers lequel ils veulent les amener dès 2020 ? Si oui alors qu’ils parlent. Car l’utopie portée par de vraies figures de rupture d’un mode de gouvernement permet de se remettre en marche.

Pourquoi attendre les quelques semaines d’une campagne électorale strictement encadrée par le pouvoir pour le faire ?

Il faut dire, que quelque part, ils ont raison : pour qu’émerge un projet et donc celui qui le porte, il faut qu’un débat s’instaure entre tous ceux qui ont des prétentions dans ce sens. Les citoyens assistent à ces échanges et jouent les arbitres ! Alors que ce débat s’ouvre dès maintenant, c’est la véritable urgence de l’heure dans notre pays ! Cela permettra aux citoyens de voir que l’heure n’est pas à la désespérance surtout si les projets ne sont pas que des chimères agitées sous le nez d’électeurs potentiels. La société civile exercera son devoir de veille dans ce sens ! Et lorsque s’ouvrira la campagne pour les élections de 2020, les citoyens auront alors l’opportunité et la force pour dire derrière qui ils se battront bec et ongles pour qu’il leur offre enfin un avenir. Et cet avenir nous appartient.

Par Maryse QUASHIE et Roger E. FOLIKOUE

Source : telegramme228.com