Longue malheureuse parenthèse politique au Togo : 5 jours de campagne, plusieurs morts

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Longue malheureuse parenthèse politique au Togo : 5 jours de campagne, plusieurs morts


A la suite des organisations de la société civile, des Evêques, des églises Evangéliques Presbytérienne et Méthodiste du Togo, l’Association des Cadres Musulmans au Togo (ACMT) a brisé le silence en fin de semaine dernière et demande aussi le report des élections du 20 décembre. « Notre pays le Togo traverse une crise socio politique qui dure depuis plus d’un an, dont il a du mal à s’en sortir. La médiation de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) si elle a permis un dialogue, n’a pas encore résolu le problème lui même. Pire, la perspective des élections législatives maintenues au 20 décembre, est venue envenimer une situation déjà très critique. Les Togolais et même tous les observateurs avertis craignent le pire pour ce pays. Regarder sans rien faire ou sans rien dire dans une telle situation, serait synonyme d’approbation. Notre foi islamique ne nous permet pas quand nous sommes dans un même navire, qui est ici le Togo, de rester indifférents quand certains passagers veulent le faire chavirer », peut-on lire dans la déclaration.

Le pire que les religieux craignaient n’est pas loin

A l’appel de la coalition des 14 partis politiques de l’opposition (C14), plusieurs Togolais se sont mobilisés à Lomé, Kpalimé, Anié, Sokodé, Bafilo, Mango… pour exiger le report du scrutin. Les forces de défense et de sécurité sous prétexte de l’interdiction des manifestations par le ministre de l’Administration Territoriale Payadowa Boukpessi ont réprimé mortellement et dans le sang les manifestants. Les échauffourées entre manifestants et forces de défense et de sécurité ont duré toute la journée de samedi 8 décembre.

A Bè, quartier sud de la capitale Lomé, on a constaté des voies bloquées et pneus brûlés. A Agoè-Nyivé, aux tirs de grenades lacrymogènes, les manifestants ont répondu par endroits par des jets de pierres, des barricades et pneus brûlés. A Tchamba, Sokodé, Bafilo, Mango, les mêmes scènes ont été enregistrées. Malheureusement et comme c’est souvent le cas, on déplore deux morts à Agoè Nyivé et un mort à Sokodé pour la seule journée de samedi.

Dans un communiqué rendu public dans la soirée, le gouvernement avance que « ce samedi 08 décembre 2018, alors que la campagne électorale en vue des élections législatives du 20 décembre prochain suit son cours sur l’ensemble du territoire national, il a été signalé que quelques individus ont érigé ou tenté d’ériger des barricades sur la route nationale n°1 et d’autres artères dans certains quartiers au nord de Lomé tout comme dans six (06) villes de l’intérieur du pays », écrit le gouvernement. « Selon les constatations du médecin commis à cet effet, il ressort que : le premier corps est celui d’un jeune homme âgé d’environ dix sept (17) ans. Il porte à l’œil gauche une plaie ouverte s’apparentant au point d’entrée d’une balle sans sortie. Le second corps, âgé d’environ trente (30) ans, ne présente aucune trace de blessure par balle », lit-on dans la note. Pour les autorités, les deux corps sont déposés à la morgue du CHR Lomé Commune.

Elles précisent que « les premiers éléments recueillis sur place font état de ce que des individus non identifiés et armés, circulant à bord d’un véhicule, type 4×4, de couleur noire auraient fait usage de leurs armes dans la zone ». « Les investigations sont en cours pour élucider les circonstances de ces faits graves. Aussi, le véhicule en cause ainsi que ses occupants font-ils en ce moment l’objet de recherches actives par les services de police et de gendarmerie », précise le communiqué.

Quant aux évènements de Sokodé, le gouvernement indique qu’après des tentatives infructueuses de blocage de la route nationale N°1 et des rues de la ville, les manifestants ont harcelé les forces de sécurité qui les ont dispersés. Les autorités relatent également que les maisons du guide spirituel, Monsieur MaliOuro et de Esso-Wavana Adoyi ont été saccagées par des individus qui ont occasionné d’importants dégâts matériels. Le gouvernement annonce que les incidents ont engendré 4 blessés dans les rangs des forces de sécurité et entraîné l’interpellation de 28 manifestants à Lomé et à Bafilo. Une version rejetée par le Président de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) et chef de file de l’opposition Jean-Pierre Fabre.

Il a rejeté « les explications scabreuses » données par le gouvernement togolais et affirme que la répression dont ont fait l’objet les manifestations de la coalition des 14, a été « sauvage ». « Les forces de police et de gendarmerie ainsi que les forces armées togolaises, y compris les bérets rouges, se sont déchaînées sur les populations de plusieurs villes du Togo, notamment Mango, Bafilo, Bassar, Tchamba, Lomé, Agoè, Kpalimé et Sokodé qui sont sorties en grand nombre dans les rues pour exiger le report du scrutin », a-t-il dit. Tout en dénonçant le mutisme de la CEDEAO, le chef de file de l’opposition reste convaincu que la libération du Togo est le combat des Togolais qu’ils soient sur le territoire national ou dans la diaspora.

Jean-Pierre Fabre félicite les populations pour le courage, leur engagement et leur détermination et leur demande de rester mobilisées pour continuer à prendre part aux manifestations programmées par la coalition des 14. « Nous présentons nos condoléances les plus attristées aux familles dont les membres sont tombées sous les balles assassines du régime. Et nos vœux de prompt rétablissement vont à tous les blessés. Nous faisons le serment que leurs sacrifices ne seront pas vains et que la nation togolaise libérée leur sera à jamais reconnaissante », lance le chef de file de l’opposition.

Dans un communiqué du Parti National Panafricain (PNP), son Secrétaire Général Dr Kossi Sama évoque un bilan provisoire de 4 morts et «fustige les allégations mensongères» du ministre de la Sécurité et de la Protection Civile. Un pouvoir de croque-mort Trois Togolais au moins sauvagement tués pour des élections législatives qui ne feront qu’aggraver la crise, c’est la preuve de l’absurdité dans la gouvernance au Togo.

A regarder les circonstances du décès du jeune Moufidou, apprenti mécanicien, fauché par balle alors qu’il était dans son garage, le lieu de son apprentissage, par des individus à bord d’un pick up, cela ressemble trait par trait au cas du jeune élève Zoumekey Joseph à Bè-Kpota. Le second Gado (28), a été tué aussi à Agoè dans des conditions non élucidées alors que la 3ème victime Ouro-Gao Sebou, 45 ans, est décédé dans la nuit du samedi à la suite des bastonnades militaires à Kpangalam à Sokodé.

Il a été d’ailleurs inhumé tôt hier dimanche à Nada derrière ’aérodrome de Sokodé. Pourquoi autant de tueries sauvages ? La longue dramatique parenthèse politique des Gnassingbé devient de plus en plus insupportable face aux exactions qui fauchent autant de vies innocentes au Togo. Pourtant, des voix s’élèvent de plus en plus pour demander au régime d’arrêter ce processus qui ressemble plus à du gaspillage de ressources du Togo. Que va-t-il se passer pour la suite du processus pendant que la C14 annonce qu’elle ira au bout de ses dix jours de manifestations synchronisées ? Les leaders de la coalition étaient hier aux séances de prières à Nyékonakpoè et Kovié.

Kokou AGBEMEBIO

Source : www.icilome.com