Le président burundais veut voir tous les concubins mariés. De son côté, se voit-il en couple avec la République jusqu’à ce que la mort les sépare ?…
Héraut autoproclamé de la vertu, le « born again christian » Pierre Nkurunziza a placé son troisième mandat sous le signe de la réhabilitation de la morale bafouée. Les critiques en légitimité de sa dernière élection ne sauraient détourner le président burundais de sa mission christique, persuadé qu’il est, depuis 2005, d’avoir « été choisi par Dieu pour conduire le Burundi ». C’est bien connu, le Tout-puissant n’aime pas les couples qui vivent dans le pêché…
La république étant laïque, le chef de l’Etat ne peut décemment traîner les impétueux concubins devant l’autel. En mai dernier, tout de même, le ministère burundais de l’Intérieur emboîtait le pas au président en invitant les pécheurs en union libre à se plier au plus tôt au mariage civil. Pierre Nkurunziza avait déclaré qu’il souhaitait que tous les ménages du Burundi soient reconnus par la loi pour éviter les problèmes qui affecteraient « surtout les femmes et les enfants », notamment les mariages illégaux – en particulier polygames – et les divorces non consommés. Selon le porte-parole du ministère de l’Intérieur et de la Formation patriotique, l’absence de régularisation expliquerait même les grossesses précoces.
Risques d’infidélité
Depuis le début de l’année 2018, des caméras de télévision participent à une campagne de valorisation de cette politique, par la diffusion de témoignages de jeunes mariés manifestement transformés par la signature d’un parchemin qui, selon certains, ferait disparaître, comme par magie, les risques d’infidélité. Pour les organisations de défense des droits de l’Homme, la pression exercée par le régime relèverait plutôt d’une atteinte à la liberté individuelle de deux adultes…
On pourrait rétorquer aux rabat-joie que les noces sont d’abord des festivités galvanisantes. A condition que celles-ci puissent être animées. C’est une autre mesure du régime burundais qui a rendu moroses bien des cérémonies de mariages : conformément à un décret signé par le président burundais, le 20 octobre dernier, l’embauche des Tambours du Burundi – et désormais de percussionnistes exclusivement masculins – requiert une autorisation spéciale du ministère de la Culture et le règlement de frais conséquents.
Charmé par la vocation « royale » de ces fameuses percussions inscrites au patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco, le président voudrait-il les réserver à ses cérémonies officielles ? Doit-on y voir une tendance monarchique ? En filigrane, c’est le spectre de la prochaine présidentielle qui se profile. Une présidentielle qui déprime les citoyens à qui le gouvernement impose une nouvelle taxe destinée au financement de l’élection. Une présidentielle qui décourage des politiciens qui soulignent que la grâce de 2000 prisonniers, ce 1er janvier, n’a pas concerné les opposants du régime. Une présidentielle qui prend la forme d’un point d’interrogation, tant que Pierre Nkurunziza n’a pas dévoilé ses intentions personnelles.
Si des interprétations juridiques acrobatiques avaient permis d’expliquer sa candidature à un troisième mandat en principe proscrit – le premier n’ayant pas été obtenu au suffrage universel –, un quatrième nécessiterait un amendement constitutionnel. En attendant d’être « reelected again », le « born again » se gargarise d’un « prix du courage » reçu le 30 décembre, de la part de l’énigmatique Institut Mandela de Paris, « pour sa résistance héroïque aux sirènes de divisions ethniques fabriquées sur la scène internationale pour déstabiliser le Burundi et sa vision du développement endogène affranchi de l’aide extérieure ». De quoi justifier beaucoup…
Source : www.cameroonweb.com