Avec l’élection des conseillers municipaux le 30 juin dernier, le Togo a franchi une étape importante de son processus de décentralisation. La proclamation définitive des résultats du scrutin par la Cour suprême deux semaines plus tard, sonne le glas de la gestion des municipalités par des délégations spéciales. Après 32 ans d’attente donc, de nouveaux conseillers municipaux prendront fonction dans les prochains jours. De nombreux défis les attendent.
Lors d’une audience solennelle tenue le 18 juillet dernier, la chambre administrative de la Cour suprême a rendu publics les résultats définitifs des élections locales du 30 juin. Le scrutin a vu la participation de 40 partis politiques et 100 listes indépendantes, qui se sont affrontés dans 115 communes sur les 118 prévues. 39 recours ont été présentés à la Cour. Elle a annulé le vote dans les circonscriptions de Zio 4 et Wawa 1 pour « irrégularités ». Globalement, les résultats définitifs confirment la mainmise d’UNIR sur la majorité des communes du pays.
Le parti présidentiel obtient ainsi 878 sièges contre 895 précédemment annoncés par les résultats provisoires publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), devant l’ANC créditée de 132 sièges contre 134, la C14 131 sièges contre 133. L’UFC et le NET sont classés quatrième et cinquième respectivement avec 42 et 31 élus locaux. Selon les modifications intervenues le 26 juin dernier sur la loi N°2018-003 du 31 janvier 2018 relative à la décentralisation et aux libertés locales, le mandat des conseillers municipaux est porté à six ans renouvelable deux fois, a rappelé la présidente de la Chambre administrative de la Cour suprême, Mme Akpenè Djidonou, précisant que leur mandat qui prend effet à compter du 18 juillet 2019, prendra fin le 17 juillet 2025.
Convocation du préfet
Aux termes des dispositions de la loi précitée, les conseillers municipaux nouvellement élus sont convoqués par le préfet 60 jours au plus tard après la proclamation des résultats définitifs des élections. En application de cette disposition, le ministre de l’Administration territoriale a adressé une note aux préfets, leur demandant « de prendre des dispositions nécessaires pour saisir au préalable le ministre de l’administration territoriale et des collectivités locales des propositions de date de la tenue de la première réunion des conseillers municipaux dans les communes relevant du ressort de leurs préfectures respectives ».
Au cours de cette première réunion des conseillers élus, un bureau d’âge composé du doyen et du plus jeune dirigera les travaux, au titre de président et de secrétaire de séance. Les conseillers précéderont à l’élection du maire et de son ou ses adjoints suivant un vote secret uninominal à la majorité absolue. Il se déroule poste par poste. Pour l’expert en décentralisation Pascal AGBOVE, la convocation de la première réunion des élus locaux par le préfet, n’emporte pas que celui-ci ait autorité sur le conseil municipal.
Selon lui, les maires sont des représentants des populations de leurs communes tout en y étant des agents de l’Etat : « ils ont donc une double casquette. Un maire est libre d’agir sans recevoir des instructions du préfet quand il agit en tant qu’élu, c’est à dire quand il pose des actes issus des compétences dévolues aux collectivités territoriales. Ces actes sont soumis au contrôle de légalité par le préfet. En revanche, le maire est soumis au pouvoir hiérarchique du préfet lors qu’il agit en tant qu’agent de l’État », explique-t-il.
Pionniers
Durant 32 ans, les délégations spéciales installées à la tête des communes ont été gérées dans l’opacité et sans reddition de comptes. De fait, l’arrivée d’élus va inéluctablement induire des changements dans la gestion de la chose municipale. Les progrès attendus vont de l’enracinement de la démocratie à la base, de la participation et l’implication effectives des citoyennes dans la gestion de la chose publique, à la prise en compte des besoins essentiels et prioritaires des citoyens dans les politiques et programmes de développement local, en passant par la bonne gouvernance locale grâce au poids de l’électorat qui pèse sur les élus, l’accélération du développement local.
Autant dire que les défis qui attendent les nouveaux conseillers sont énormes. Ils sont les pionniers d’une décentralisation inclusive et pluraliste au Togo et auront l’impérieuse mission d’avoir des résultats. La tâche ne sera pas aisée. Monsieur AGBOVE indique les grands axes de la réussite des chantiers auxquels ils s’attèleront : l’appropriation du cadre juridique et institutionnel de la décentralisation, la maitrise des outils de management des collectivités territoriales, de la démarche ainsi que des outils du développement local, celle des principes de la gouvernance locale, la stratégie de mobilisation des ressources;. Il cite également la maitrise de la finance publique et de la gestion publique moderne, celle de la stratégie de mobilisation de l’ensemble des acteurs de la commune pour une gestion participative ou encore celle du marketing territorial.
L’Allemagne en soutien
L’autre défi auquel seront confrontées les nouvelles municipalités reste celui de leur financement. Pour notre expert, il proviendrait de plusieurs sources : dotations de l’État, recettes endogènes des communes et ressources provenant de la coopération décentralisée (grâce au jumelage avec d’autres collectivités territoriales étrangères et au financement des projets par des partenaires au développement). Bonne nouvelle pour les mairies : pour soutenir le processus de décentralisation, le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne a signé en 2016 avec le Togo, un accord portant sur le financement de la construction des mairies dans les nouvelles communes.
Cette convention entre dans le cadre des négociations intergouvernementales de juin 2012 entre les deux parties et concerne prioritairement trois domaines d’intervention à savoir : (i) formation technique, professionnelle et emploi des jeunes ; (ii) développement rural y compris l’agriculture, (iii) bonne gouvernance et décentralisation. Dans ce dernier domaine, les deux pays ont signé, le 10 décembre 2013, un contrat de financement pour la mise en œuvre d’un Programme d’Appui à la Décentralisation (PAD) dans trois villes du TOGO à savoir Tsévié, Kpalimé et Sokodé dans une première phase. Le 25 septembre 2017, un contrat de financement pour la mise en œuvre de la deuxième phase du Programme d’Appui à la Décentralisation (PADII) a été signé entre le Ministère de l’Economie et des Finances et la KfW (une banque allemande de développement).
Les cinq villes bénéficiaires de ce nouveau programme sont les communes d’Aného, Atakpamé, Sotouboua, Kara et Dapaong. C’est dans la poursuite de cette coopération que la troisième phase du Programme d’Appui à la Décentralisation (PAD III) est née suite aux négociations intergouvernementales en 2016, et qui prévoit le financement de la construction des mairies dans les nouvelles communes du Togo. Au cours des négociations intergouvernementales, la partie allemande a mis à disposition du Togo huit millions d’Euros (8 000 000 € soit 5.241.117.000 FCFA) et le programme s’étale jusqu’en décembre 2023. Á ce montant s’ajoute la contrepartie du gouvernement togolais qui s’élève à 1,2 millions d’Euro (786 000 000 F CFA). « En raison des délais que peuvent prendre les différentes procédures de passation de marché, nous ne saurons donner exactement le délai de réalisation de ces ouvrages. Ce qui est certain, les travaux prendront fin avant la clôture du projet », a tenu à préciser M. Christian FRIEDEMANN, Chargé de la coopération à l’Ambassade d’Allemagne au Togo.
Source: Focus Infos N°229
Source : Togoweb.net