A quelques jours de Nöel, entre déception de l’imposition d’un couvre-feu et préparatifs, les Loméens se sont passionnés pour un fait divers, révélé par la presse et abondamment relayé et commenté sur les réseaux sociaux. Il s’agit de l’expulsion d’«occupants illégaux » dans le quartier de Bè-Kpota Atchantimé. Si ce déguerpissement a suscité autant d’intérêt, alors qu’il est somme toute banale et qu’il se passe régulièrement, c’est parce que selon la rumeur, l’initiatrice de la procédure serait une Allemande qui réclamerait son droit de propriété sur tout un quartier, hérité de son grand-père. Quel est l’objet du litige ? Qui sont les protagonistes et où en est la procédure ? Dossier exclusif.
Nous sommes à Bè-Kpota Atchantimé, quartier situé dans la commune de Golfe1, au Sud-Est de Lomé. Ce 10 décembre, certains de ses habitants, sont visés par l’exécution d’une ordonnance judiciaire d’expulsion pour «occupation illégale ».
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En effet, depuis plusieurs années, un litige foncier portant sur une superficie de 03 ha 53 a 71 ca située derrière l’église catholique Maria Goretti, oppose les héritiers de Benno Kentzler, un ancien agent commercial aujourd’hui décédé, à plusieurs familles et des personnes dépendant de leur chef qui s’y sont installés depuis plusieurs décennies. Parmi ces derniers, les héritiers Awouté Komlan et Fiagbé Koffi n’auraient pas fait appel de la décision de confirmation de droit de propriété des Kentzler.
De fait, ils ont été expulsés de leurs habitations. La mandataire des héritiers de Frieda Guérard, fille de Benno Kentzler, Amanda Tatiana Guérard, fait occuper les terrains et y installent des agents de sécurité afin d’éviter qu’ils soient de nouveau squattés.
Dans le quartier, des groupes de jeunes se constituent pour s’y opposer. Ils délogent manu militari les agents de sécurité. L’héritière s’y transporte le lendemain, accompagnée de forces de l’ordre. Ils font face à de fortes résistances de groupes constitués de jeunes, provoquant des scènes de violences et obligeant les éléments dépêchés à se retirer.
« Un des agents de sécurité communément appelé gros bras a été pris à partie et molesté par des jeunes du quartier, armés de machettes, de bâtons etc. Il n’a eu la vie sauve qu’à l’intervention des gendarmes » se souvient Komi Afanvi, un des notables du chef du quartier.
Pour Ayi Ajavon un des meneurs de la contestation des expulsions, qui déclare avoir joué un rôle important pour apaiser la situation, des actes de violences ont été aussi perpétrés sur les occupants expulsés.
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Il soutient par ailleurs avoir contribué pour une large part à éviter un lynchage à Mme Amanda Guérard. Celle-ci lui dénie ce rôle et l’accuse au contraire d’être l’instigateur des agressions dont elle et ses accompagnateurs ont été victimes le 10 décembre dernier ; leur interdisant même de revenir dans le quartier au risque sinon de se faire à nouveau agresser.
Quelques jours plus tard, une manifestation est organisée par des habitants, qui « refusent à une Allemande le droit de s’approprier les terres togolaises», appelant à l’intervention du Président de la République.
Difficile dialogue
D’après un audio réalisé par le porte-parole du groupe de riposte, Kouami Gnamezan et circulant sur les réseaux sociaux, les contradicteurs d’Amanda Guérard auraient le soutien du Colonel Kassawa Kolémaga, à la tête de l’Armée de Terre depuis octobre dernier, et dont la mère ferait partie des « occupants illégaux».
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« Souvent, certains pour échapper aux conséquences de leurs actes, évoquent leur proximité ou la protection d’importantes personnalités, sans le consentement de celles-ci ou carrément sans qu’elles soient au fait la situation. Il est constant que le droit de propriété des Kentzler ne souffre d’aucune discussion possible et nous faisons de toutes façons confiance en notre justice qui nous a d’ailleurs toujours donné raison dans ce dossier » commente un proche de d’Amanda Guérard.
Dans ce contexte, les autorités locales ont entamé des démarches en vue de la mise en place d’un cadre de discussion pour sortir de cette situation inextricable et tendue. Ainsi, le chef quartier Togbui Koudéka Kodjo a fait appel aux deux parties.
« Au cours des deux semaines qui ont suivi les incidents, j’ai convoqué plusieurs fois la dame en question, les huissiers et les responsables des familles menacées d’expulsion pour les écouter tous.
Mais peine perdue, aucun d’entre eux n’a daigné répondre à mon appel », regrette-t-il. Pour lui, il n’est pas normal que de telles situations se produisent sur son territoire et qu’il ne soit ni informé ni consulté. «Il revient à ceux qui sont sous la menace d’expulsion de venir vers moi afin que je sache comment gérer la situation.
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Mais ils ont foulé au pied mon autorité. Non seulement ils n’ont pas adopté cette démarche, mais en plus ils n’ont pas jugé nécessaire de répondre à ma convocation », déplore l’autorité traditionnelle qui a décidé de se mettre à l’écart, tout en restant convaincu que le cadre de négociation reste la meilleure voie à adopter.
« Mais j’ai l’impression que chacun compte sur quelqu’un ou quelque chose », conclut Togbui Koudéka. A l’instar du chef, le maire de la commune du Golfe 1, Joseph Gomadoh a aussi entrepris la même démarche, sans plus de succès. « Deux fois de suite, ils ne sont pas venus » indique-t-il.
Focus Infos No 264
Source : Togoweb.net