L’impossible refoulement permanent d’un peuple sur ses droits

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L’impossible refoulement permanent  d’un peuple sur ses droits


« L’autorité ne voit point les personnes, elle ne voit que les choses, leur poids, leurs conséquences ». Dans le Mémorial de Sainte- Hélène, Las Casas cite NAPOLEON 1er pour montrer l’entièreté de la projection des gouvernants, la largesse de leur esprit à défendre l’intérêt général et non partisan, la responsabilité totale dans le choix de leurs actes sans aucune considération particulière de protection d’un tiers ou d’un groupe d’individus. Le sens du service public, c’est le bonheur du plus grand nombre.

Toute vision sectaire de la gouvernance qui se permet de reléguer les aspirations légitimes et populaires, sous des prétextes fallacieux, à la périphérie des urgences est un investissement creux qui produit des frustrés, des déclassés, massivement, qui menacent inexorablement la paix civile, le vivre-ensemble et la concorde nationale.

Le comble des errements de la gouvernance, c’est de compter sur la puissance des appareils de répression pour contenir les flots de mécontentement et de l’adversité qu’alimente une éthique politique tondue de provocation. Vouloir empêcher les citoyens de réclamer leurs droits, de se mêler de ce qui les regarde est une perversité conceptuelle qui, en politique, ne fait jamais long feu. Les peuples ne sont pas faits pour abdiquer à leur liberté, renoncer à leurs droits et se complaire dans le misérabilisme à eux imposé. Ils ont la capacité du jugement pour apprécier le malheur dans lequel on les confine pour abuser d’eux. Leurs soupirs et leurs larmes longtemps contenus derrière le masque du visage empoisonnent leurs cœurs et se transforment en des chagrins d’inspirations imparables pour leur libération. Le fanatisme patriotique ne se contient nulle part avec la puissance dérisoire de la répression. Les peuples condamnés à l’exploit s’assument proprement dans le combat jusqu’à la victoire. Le régime togolais se perd dans ses puérilités conceptuelles à vouloir jouer au plus malin en repoussant les Togolais sur leurs droits. Les réclamations populaires d’une alternance démocratique participent du projet existentiel de notre peuple qui ne peut être ajourné par caprice ou par diversion sans flamber le feu de l’adversité.

La temporalité de notre évolution et l’historicité de notre itinéraire ne peuvent plus supporter le déni, les ruses et les parjures. L’environnement régional et les textes communautaires réalisent un emboîtement visible avec les aspirations qui sont les nôtres. La psychologie sociale ne se passe plus de l’idée d’alternance. Elle entretient un engagement citoyen, moral et éthique dans l’âme de chaque individu que les faux monnayeurs de la démocratie ne peuvent détourner. Il faut être sourd et aveugle pour ne pas voir les ronronnements des pavés de nos villes jusqu’aux confins de la diaspora sur la soif d’une alternance politique.

Comment une minorité peut-elle s’investir encore dans le déni et le faux pour une rapine électorale avec de pauvres candidats de son propre choix pour espérer réussir une telle manœuvre sordide d’apparence démocratique ?

Les signes avant-coureurs d’une organisation unilatérale des élections pour une caution de fait à un clan, à un champion des coups de force ne sont-ils pas trop parlants pour une nouvelle implosion du vivre ensemble ?

1) Psychanalyse d’une consciente collective

Pour comprendre l’intransigeance cathédrale des Togolais, le rebond patriotique pour une justice électorale, une démocratie apaisée et une alternance pacifique qui ouvre ce pays au champ de la modernisation comme tous les pays de l’espace CEDEAO, il faut une petite dose psychanalytique et psychosociologique.

Les réclamations populaires pour l’alternance politique datent de vingt-huit ans avec des heurts, des crimes sans nom, des espoirs engloutis dans des crimes de masse jusqu’au consensus national sanctionné par un texte apparemment de portée historique jamais mis en œuvre : les réformes de l’Accord Politique Global (APG).

D’un autre côté, tous les pays qui ont commencé bien plus tard le combat démocratique pour des élections transparentes, incontestables ne sont plus sur le quai de la contestation d’un pouvoir autocratique.
Le droit à la jouissance démocratique avec des élections propres devient une exigence publique, un devoir civique, un engagement moral auxquels les populations ne sont nullement prêts à renoncer quelles que soient les barrières élevées pour les éloigner de ce but.

Un peuple frustré, réprimé longtemps n’a humainement plus la force d’inhibition de ses désirs, de ses volontés. Il en est de même chez l’individu qui, face à la censure, aux contraintes sociales, refoulent ses envies, ses pulsions, ses instincts, ses désirs. Le lapsus, les actes manqués et les rêves sont l’expression des désirs non-assouvis. Ce qui signifie que la censure ne peut éternellement priver l’individu de ses jouissances. Le malaise social aujourd’hui sur la question de l’alternance au Togo trouve son fondement dans Malaise dans la Civilisation de Sigmund FREUD.

Les Togolais sont gravement malades d’une alternance politique dans leur pays que l’autorité ne peut se mettre à contourner cet impératif social, politique sans déclencher la rage populaire ou allumer le cratère de l’adversité. La provocation du régime togolais est de passer à n’importe quel prix de toute la dimension du besoin populaire et de refuser l’alternance. « L’odieux de la mauvaise foi, c’est qu’elle finit par donner mauvaise conscience », nous apprend Jean ROSTAND sur le Carnet d’un biologiste. Comment peut-on savoir qu’on joue la provocation pour abattre de sang-froid des citoyens qui tiennent à leurs droits, à leur liberté, au sens de la République ?

Dans tous les cas, ils ne reculeront pas sur leurs droits, leurs désirs, leurs réclamations. Le régime togolais ne peut pas imposer aux citoyens ce qui est au-delà des capacités humaines. Il peut tout au plus continuer à jouer à l’autruche, à élire sa résidence du déni, s’éclater dans la répression barbare, il ne changera surtout pas l’âme d’un peuple assoiffé de justice, de liberté, d’un nouvel horizon politique aux normes de respect de la personne humaine et des valeurs.

La Conférence des Evêques du Togo, l’Eglise protestante évangélique presbytérienne, les cadres musulmans du Togo, le Conseil des musulmans, l’Espérance pour le Togo, Togo-Debout et nombre de parlementaires de la CEDEAO ont parfaitement compris le point de non-retour d’un bouillonnement démocratique et populaire qu’un clan tente d’ignorer. Si ce peuple ne trouve pas les moyens d’un exutoire politique de sa puissance d’expression, de son inspiration, il en créera certainement un dont personne ne connaît le prix.

Aucun peuple ne passe deux générations à pleurnicher sur le sort qui lui est fait en s’accommodant aux barrières, aux interdits, aux brimades. Cinquante ans de règne sanglant, de père en fils est une aberration politique que peu de Togolais souhaitent vivre. La responsabilité éclate déjà dans l’âme de notre peuple pour sortir du confinement dynastique d’une rare tyrannie. N’ayons pas la faiblesse de croire que les tyrans sont forts. Ils vivent de graves amertumes secrètes dès que notre solidarité est irréductible face à leurs menaces, à leurs interdits insensés. Dans Lettres à un ami allemand à l’époque hitlérienne, Albert CAMUS a tout à fait raison de dire : « Qu’est-ce que l’homme ? Il est cette force qui finit toujours par balancer les tyrans et les dieux ».

2) Le gain de la résistance

Les peuples qui avancent sont ceux qui ne renoncent point à leur liberté, à leurs droits, à leur existence, à leur avenir. Quand ils construisent fermement leurs rêves dans la solidarité étanche, leur marche glorieuse les mène au bonheur horizontal. Le socle de leur évolution, c’est la justice. Le combat est l’arme de la réalisation des hommes et des peuples. Toutes les identités se bâtissent et s’écrivent à l’encre de la lutte pour intégrer des valeurs. L’âme d’un peuple a un itinéraire, un référentiel, une historicité. L’œuvre du temps rassemble les Togolais massivement autour de la justice, de l’équité et la liberté pour construire une société égalitaire en droit et en devoir. Cet idéal ne peut supporter les falsifications de la vérité. Il n’y a pas de simagrées politiques qui puissent cacher l’option populaire, la détourner ou la mépriser. Ceux qui se piquent d’agitation à vouloir tromper les Togolais sur les impératifs qu’ll faut défendre se trompent sur la clarté de l’esprit qui habite ce peuple et l’âme de grandeur qui sous-tend sa vision, son engagement.

Les farceurs ont quelques petitesses à croire qu’il suffit des coups de feu pour faire reculer les Togolais sur leurs droits et que les crimes de sang inhibent leur volonté, leurs objectifs. Tous les hommes sont nés pour la liberté. Aucun gouvernant ne peut occulter cette réalité existentielle et avoir une main libre dans la conduite des affaires publiques. L’évidence ne se dément que chez les plaisantins et les farceurs qui se font toujours surprendre par ceux qu’ils méprisent. C’est pourquoi dans les Considérations sur la France, Joseph de MAISTRE souligne : « C’est l’imagination qui perd les batailles ».

Même la France sous l’occupation n’a jamais perdu l’espoir d’un rebond patriotique et du fanatisme civique. Le Togo, notre pays, ne peut jamais se complaire dans ce confinement dynastique, abdiquer à la lutte et se résigner sous le feu des coups de force électoraux. Faure et sa bande se trompent lourdement sur les inspirations infaillibles de ceux qui n’ont plus rien à perdre par dignité et par devoir moral. L’histoire nous parle abondamment et avec insistance. Elle a un langage universel. Ce qui dépend des peuples pour tracer les sillons de l’avenir s’assume entièrement et parfois dans un fanatisme si contagieux et si inespéré.
Nous n’avons pas la faiblesse d’esprit de penser que la délinquance électorale triomphera de nouveau au Togo, quand toutes les négociations, tous les accords, les recommandations, les supplications et les appels sont bottés en touche par les grands illusionnistes de la Volonté de puissance à une époque autre en ses vérités, en ses mutations.

Porter à pleine gueule des absurdités électorales pour refuser l’alternance politique, agir dans un frétillement meurtrier pour abuser des peuples ne marchent plus. La peur retombe sur les assassins, quand la République à l’unisson transcende les affres de la peur. Les tyrans sont fous de leurs chimères et perdent de vue que la nécessité d’une défense de la liberté peut leur échapper si les citoyens refusent de se résigner à la tragédie orchestrée contre eux.

La liberté est la chose la plus belle que souffle indéniablement au peuple la folie, mais qui s’écrit par la raison et la fermeté de l’engagement populaire. Le Togo est face à son destin, à l’histoire que porte la couronne de la liberté. On ne demande pas à un peuple de s’aliéner dans l’esclavage, de renoncer à ses droits, de fermer les yeux sur la marche du monde, de rester coi devant le mépris et les brimades, de surseoir aux valeurs auxquelles il croit, de se laisser mener par une minorité.

Les Sud-Africains ne l’ont jamais accepté et les Togolais sous la répression féroce ont le front haut parce qu’ils sont condamnés à assumer l’effort du changement inéluctable, l’alternance démocratique dont ils sont sauvagement privés depuis cinquante ans.

Source : www.icilome.com