Il me sied en tant que citoyen Togolais de vous interpeller sur la situation socio-politique du Togo depuis les évènements d’août 2017 à ce jour, afin de susciter en vous, de toute la splendeur de ma naïveté sur les arcanes diplomatiques, un regain d’humanisme. Le grand profane que je suis, le grand ignorant que je suis de la diplomatie publique sait une chose : la défense du respect des droits humains n’oblitère aucunement l’action diplomatique et de coopération. Bien au contraire.
Vous voyez peut-être mieux que moi, les dérives du pouvoir en place par sa panoplie de brimades, de tueries et d’emprisonnement de citoyens dont le seul crime est de manifester pour réclamer un jeu politique juste.
Vous êtes témoins de la violence. Obsidionale qui a cours depuis deux ans sur des villes de Mango, Bafilo, Sokodé et certains quartiers ciblés de Lomé.
Vous savez mieux que moi la provenance de l’arme qui a tué le jeune apprenti mécanicien de 11 ans, le 12 Décembre 2018.
Vous avez certainement dû intervenir devant l’arrestation récente des responsables, militants et partisans du PNP ces 13 et 14 avril 2019.
Je passe sous boisseau la litanie des crimes commis par ce régime sous vos œillères diplomatiques, pour vous faire part de mon étonnement sur votre silence face au drame en cours. Une partie de la population est ciblée, menacée, battue, emprisonnée et tuée sous vos yeux diplomatiques. Au nom de quel intérêt économique suprême, le compendium diplomatique à vous remis par le régime en place, vous oblige à un discours abstrus sur la crise Togolaise.
A l’analyse de toutes vos mises au point et sorties sur la crise Togolaise depuis son enclenchement en août 2017, durant la période de la médiation de la CEDEAO, jusqu’à nos jours, moi le citoyen profane, je n’en ai lu qu’un blanc-seing de votre autorité au régime de continuer sur la voie des violations systématiques des droits humains. Votre discours officiel mettant en exergue la violence des manifestants est tendancieux à dessein.
Votre part d’imputabilité dans la crise Togolaise qui n’a pour nom que le refus des règles démocratiques et de l’alternance, est avérée et se confine à un évergétisme de la diplomatie tropicalisée. Que les règles de la diplomatie publique vous astreignent à une neutralité sur le jeu politique du pays ne vous dispense pas d’élever la voix sur le non-respect des droits humains par le régime en place.
Moi citoyen profane, pense profondément que vous contribuez à la dystrophie sur l’Afrique, véhiculée dans l’opinion publique de vos pays respectifs. Sinon comment comprendre que vos projets de coopération spécifique sur la promotion et la défense des droits humains soient aussi vite et en permanence annihilés par l’habitus d’un régime dont vous avez la peine à faire adhérer aux principes universels des droits humains. L’UE doit se sentir cramoisie devant le néant de ses projets sur la modernisation de la justice togolaise. L’histoire bégaie toujours par la seule volonté des hommes. A vouloir mal nommer le Mal Togolais, à faire sienne la palinodie diplomatique sur le Togo depuis la chute du mur de Berlin, contribuant à faire du Togo, un îlot de dictature, un sanctuaire de l’anomie, la communauté internationale que vous représentez ici, doit se préparer à assumer bientôt les conséquences régionales de cette indifférence.
Moi, citoyen togolais profane vous considère comme des agents vecteurs de l’indifférence de la communauté internationale sur le cas Togo. Vous êtes outillés pour lire le point de bascule d’une société, le seuil de tolérance d’une société meurtrie par plus d’un demi-siècle de dictature, pour continuer à ne privilégier que des intérêts économiques. Un dessein lugubre dans une société déchue de toute probité. Ne pas lire « l’ampleur de la lame de fond » qui anime la majorité de ce peuple pour l’avènement d’un véritable Etat de Droit rimerait à une complicité avec les hégémons locaux du néocolonialisme. Quelle lisibilité aurons-nous, citoyens togolais, de votre coopération multiforme dans un pays dans lequel, emprisonner, bastonner, tuer constituent le trépied de légitimité du régime.
Moi citoyen profane, je vous supplie de faire sublimer votre humanisme sur vos oripeaux de diplomates, pour faire sortir ces innocents des geôles de la dictature cinquantenaire. C’en sera le minimum syndical requis pour effacer l’hème encore frais qui macule une certaine communauté internationale depuis l’assassinat du premier Président Sylvanus E.K. OLYMPIO. Je vous le suggère avec dévotion pour que vive le multilatéralisme de nos jours en souffrance.
ASMAH Dévi
Source : Rendez-vous N° 338 du 02 mai 2019
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