Lettre à un ami de l’autre côté de l’Atlantique

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Bonjour cher ami.

Alors !, j’espère que tout va pour le mieux aux States malgré monsieur Trump.

Lettre à un ami de l’autre côté de l’Atlantique

Cher ami, ces derniers temps je reçois de ton compte WhatsApp des documents vidéo dont la plupart des thèmes abordés sont très loin de mes préoccupations. Par exemple les dernières vidéos reçues portent sur des militants de la nudité. Je respecte les adeptes de tout mouvement qui défendent à leur manière ce qui leur semble primordial. Mais moi, ce genre de thèmes ne me parle pas personnellement. Si ces envois se déclenchent automatiquement sans ton action, il faudra donc revoir la programmation de ton appareil et désactiver ces transferts automatiques. J’ouvre ici une parenthèse pour lancer un appel à tous les utilisateurs de WhatsApp et autres applis d’échanges. S’il vous plaît, cessez de transférer systématiquement à vos correspondants les chaînes de lettre et autres vidéos qui pullulent sur la toile et dont les auteurs ne sont pas toujours identifiables. En plus de polluer les réseaux sociaux vous risquez d’attraper et de propager des virus et ainsi bousiller vos propres Smartphones et ceux de vos correspondants. Je ferme la parenthèse.

Au fait, c’est quand ton voyage au pays ? Je te conseille vivement d’y aller. C’est très instructif,  dans un sens comme dans l’autre. Mais je te préviens, une fois sur place le choc avec la réalité sera plus terrible que ce que tu peux  imaginer. Tu verras,  à plusieurs endroits, des haies fleuries de bougainvilliers  qui tentent sans grand succès de cacher des forêts de décrépitudes dans pratiquement tous les domaines. À titre d’exemple à Sokodé, en plein centre-ville, des rues jadis praticables sont devenues des deltas forgés dans une espèce d’effort conjugué entre, d’un côté des fossés d’écoulement des eaux usées mal entretenus et, de l’autre les eaux de pluie qui dans leur ruissellement se transformeront en mini-torrents sauvages en pleine civilisation et rongent tout ce qui se dresse contre leur force destructrice. C’est pareil dans beaucoup de quartiers à Lomé et dans d’autres villes. Dernièrement c’est la ville historique d’Aného qui a reçu une visite nocturne non désirée des eaux salées de l’Océan Atlantique. L’histoire ne dit pas si les « dowèvi » étaient du voyage mais qui est-ce que cela intéresse !

Dans ce pays qui se veut l’or de l’humanité, plus personne ne s’occupe de rien. Tout le monde semble avoir démissionné, sans doute effrayé par l’ampleur de la tâche à accomplir, un véritable Kilimandjaro de problèmes sociopolitiques empilés les uns sur les autres dans un équilibre presque artistique que chacun s’efforce de maintenir en place pour ne pas avoir à participer au déblaiement des roches si l’édifice venait à s’écrouler. Gouvernement comme partis politiques, du pouvoir comme de l’opposition, mais aussi la population, tout le monde préfère fixer l’horizon plutôt que de se pencher un peu pour regarder la terrible réalité à ses pieds. La religion est devenue partie intégrante de la vie politique. On organise tout à fait officiellement des cultes pour attirer la bénédiction divine sur le pays tout entier. C’est dire….

Et la diaspora dans tout ça, que fait-elle ? Que peut-elle donc faire ? Bien qu’elle ne soit pas épargnée par la crise économique et le chômage déguisé qui sévissent dans les pays d’accueil, la diaspora continue tant bien que mal à apporter sa contribution à la survie des parents et proches par les transferts d’argent dont l’importance est inversement proportionnelle à la dureté de la crise socio-économique qui sévit au pays. Oui mais que fait la diaspora sur le plan politique? En fait peu de chose. Elle en est encore à organiser des micros-rencontres qui, toutes, se soldent par des communiqués tantôt pour blâmer le peuple coupable de ne pas se révolter et de se laisser faire, tantôt contre le régime à qui on enjoint de quitter le pouvoir ou à défaut de faire les réformes supposées aboutir à son départ, mais aussi contre les leaders de l’opposition incapables de s’unir et mettre en place une stratégie permettant de réaliser l’alternance tant voulue par tous. Par tous !!!! Oui, oui par tous, bien sûr…, enfin sauf ceux que cela n’arrange pas. Et qui sont-ils donc ceux-là, voudrais-tu me demander ? Eh bien, avant je croyais savoir,  mais maintenant je ne sais plus. C’est peut-être mieux si tu allais voir les choses de tes propres yeux, entendre de tes propres oreilles et goûter de ta propre langue. Et peut-être, comme moi, reviendras-tu dans tes States d’adoption avec le sentiment que dans notre pays tout le monde est coupable mais que personne n’est responsable. À commencer par moi-même. Si je suis inquiet ?, à ton avis ?

Amitiés sincères.

Moudassirou Katakpaou-Touré
Francfort
18 juin 2017

27Avril.com