L’essentiel à retenir de la sortie de Faure Gnassingbé sur la crise togolaise

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Dans la longue interview qu’il a accordée à Jeune Afrique au sujet de la crise politique que traverse le Togo, le Chef de l’Etat togolais, Faure Gnassingbé est revenu sur les réformes constitutionnelles revendiquées par l’opposition, le surgissement du Parti national panafricain (PNP) sur la scène politique, la sortie des évêques, celle de Gilchrist Olympio. M. Gnassingbé s’est aussi prononcé sur le phénomène des milices. Il s’est justifié sur son discours tenu à Temedja et accuse l’opposition de vouloir mettre fin à son mandat en cours. N’excluant pas de se représenter en 2020, Faure Gnassingbé pense que les élections sont les seuls moyens de conquête de pouvoir. Le Chef de l’Etat togolais croit par ailleurs que le dialogue politique permettra de trouver un accord pour une sortie de crise immédiate même s’il exclut tout arrangement politique de circonstance. M. Gnassingbé n’a pas non plus raté les médias occidentaux et les activistes de l’opposition qui le font passer pour un dictateur sanguinaire.

Faure Gnassingbé n’a pas vu venir la crise politique que traverse actuellement le Togo, corolaire du fait que les réformes constitutionnelles et institutionnelles sensées être mises en œuvre aux lendemains de la signature de l’Accord politique global (APG) en 2006 ait été constamment repoussée aux calendes grecques. Dans son entretien à Jeune Afrique, le Chef de l’Etat togolais qui aurait pu se mettre à l’abri si ces réformes avaient été faites plus tôt, a estimé qu’il est encore « un peu tôt pour avoir une pleine compréhension de ce mouvement assez complexe ».

« Je m’en tiendrai donc à deux constats. Le premier est l’élément politique qui a porté la revendication, notamment dans les médias internationaux : les réformes constitutionnelles. Nous les avons engagées, le texte proposé est devant l’Assemblée nationale et le processus va suivre son cours. Le second constat est plus préoccupant. Nous sommes en Afrique de l’Ouest, où sévit un arc de crise terroriste qui va du Mali au lac Tchad. Quand on voit au Togo, lors des manifestations, des gens brandir des kalachnikovs, quand on entend des imams appeler à l’émeute dans certaines mosquées, quand on exige des forces de l’ordre de réciter des versets du Coran pour avoir la vie sauve, cela interpelle », dit-il tout en se questionnant sur les circuits de financement du PNP qui seraient opaques.

Toujours sur le parti de Tikpi Atchadam, Faure Gnassingbé note qu’il a avait organisé plusieurs manifestations encadrées avant celle violente du 19 août. Le président togolais accuse ce parti d’avoir radicalisé par la suite les revendications et le mode opératoire pour rééditer une sorte de scénario insurrectionnel.

« Ce à quoi nous avons assisté ensuite n’était rien d’autre qu’une tentative de prise du pouvoir par la rue. Elle a échoué », affirme-t-il.

Abordant la question du retour à la Constitution de 1992 et son départ immédiat du pouvoir, le président togolais estime que ces slogans « ont été brandis pour justifier la poursuite des manifestations ».

« Leur apparition est curieusement concomitante avec le dépôt du projet de réforme de la Constitution devant l’Assemblée. Ce texte répondant aux revendications de l’opposition, cette dernière a choisi un autre terrain : la rue. En ce sens, oui, sa volonté de déstabiliser le pouvoir était très claire. Elle ne s’en est d’ailleurs jamais cachée », déclare Faure Gnassingbé à Jeune Afrique.

M. Gnassingbé avance que la Constitution de 1992 était une Constitution partisane adoptée par une Assemblée monocolore et qui a été rectifiée en 2002 par une autre Assemblée monocolore. Pour lui, il fallait donc sortir de cette dichotomie des extrêmes et convenir d’un texte consensuel.

Revenant sur la sortie de la conférence épiscopale du Togo qui avait soutenu la demande du retour à la Constitution de 1992, le président togolais dit croire que la position des évêques « était une erreur d’appréciation de la complexité de la situation ».

Faisons les réformes, évitons de les personnaliser

De la sortie de Gilchrist Olympio qui lui a demandé d’accepter renoncer au pouvoir en 2020, Faure Gnassingbé pense que « Ce sont ses proches qui ont exercé des pressions sur lui afin qu’il adopte cette position, tout en annonçant sa retraite politique ».

A la question de la rétroactive de la réforme constitutionnelle si elle est adopté, le Chef de l’Etat togolais, invite ses adversaires à ne pas personnaliser les réformes.

« Faisons les réformes, évitons de les personnaliser. Ne mélangeons pas les sphères politique et juridique. Les constitutions disposent pour l’avenir, non pour le passé ».

Par ailleurs, Faure Gnassingbé dit qu’il n’a jamais été contre le vote des Togolais de l’étranger. Il espère s’entendre avec l’opposition lors du dialogue si les aspects techniques sont examinés.

Dans l’entretien, M. Gnassingbé a déploré 8 morts dont 6 par balles du côté des manifestants et deux membres des forces de l’ordre lynchés et décapités à Sokodé. Il a déploré également la réalité des milices. Tout en condamnant les agissements de ces milices, il précise que ce sont les premières manifestations violentes du PNP et des multiples provocations auxquelles se sont livrés les militants de ce parti qui ont été à l’origine de la sortie des milices.

Faure Gnassingbé a également saisi l’occasion de cet entretien avec Jeune Afrique pour se justifier sur son discours tenu devant les bérets rouge à Témédja.

« La moindre des choses responsable de ma part était de compatir et de promettre aux militaires qu’on rechercherait les coupables sans relâche et par tous les moyens pour les livrer à la justice. Je n’ai pas dit autre chose. Tout chef d’État aurait tenu les mêmes propos », a-t-il justifié.

Le Chef de l’Etat accuse le PNP de Tikpi Atchadam d’être influencé par des réseaux islamistes radicaux. Pour preuve, il avance qu’une poignée d’imams radicaux tente d’enflammer les esprits en lançant des appels au jihad contre l’armée et les familles des militaires.

En revanche, il ne stigmatise pas la ville de Sokodé dont la « population aspire à la paix et rejette la radicalisation qui mène à la violence ».

Cette crise est politique, le dialogue sera donc une séquence purement politique

Abordant la question du dialogue, Faure Gnassingbé déclare qu’avant de décliner son ordre du jour, il va falloir convenir de sa composition.

«Nous avons, au sein de l’opposition, des partis représentés à l’Assemblée et des partis extraparlementaires : ils devront décider s’ils y viennent séparément ou en coalition. Nous avons aussi des partis qui n’ont ni manifesté ni revendiqué et qui agissent dans le cadre des institutions. Ceux-là aussi ont le droit de participer », dit-il précisant que la crise est politique et que le dialogue sera donc une séquence purement politique.

Toutefois, le président togolais n’accepte pas l’idée d’une conférence nationale bis. Mais ajoute que le référendum que ne veut pas l’opposition, est une disposition constitutionnelle qui aura lieu après le dialogue.

Faure Gnassingbé annonce que la phase préparatoire va se dérouler rapidement avant les fêtes de fin d’année.

Tout en comprenant l’impatience de l’opposition qui veut le voir quitter le pouvoir très rapidement, le Chef de l’Etat invite ses adversaires à tirer les leçons des expériences du passé et à respecter l’État de droit.

« Il n’y a pas d’autre moyen d’accès à la magistrature suprême que les élections. Il faut faire confiance au peuple togolais et, pour cela, l’interroger plutôt que de parler à sa place », dit-il.

Et même s’il se préoccupe de comment sortir du moment difficile que traverse le pays et qui a coûté cher à l’économie togolaise, Faure Gnassingbé ne fait pas de mystère quant à sa candidature en 2020.

Tout en saluant les apports des présidents guinéen, ghanéen, ivoirien, béninois, nigérian, d’autres pour la résolution de la crise, le Chef de l’Etat togolais rappelle que « c’est aux Togolais que revient in fine la responsabilité de trouver une solution ».

Dans la longue interview, Faure Gnassingbé n’a pas raté les médias internationaux qu’il accuse de s’être donnés à la désinformation et au mensonge notamment sur le nombre des manifestants et celui des victimes qui auraient été outrageusement gonflés, sur la base de ce que véhiculaient les réseaux sociaux.

Qualifié de dictateur sanguinaire sur les réseaux sociaux par des partisans de l’opposition, Faure Gnassingbé ne s’en remet toujours pas et tient à le dire à ces opposants.

« Je veux bien admettre que ceux qui profèrent ce genre d’insanités n’en mesurent pas la portée et je n’ai pas de leçons de démocratie et de respect des droits de l’homme à donner à l’opposition. Mais cette opposition n’a pas plus de leçons à me donner en la matière », dit-il.

Impossible de laisser de côté la Constitution pour se livrer à des arrangements politiques

M. Gnassingbé accuse l’opposition de vouloir capter son pouvoir avant le terme de mon actuel mandat, ce qui n’est pas possible à ses yeux.

« C’est là le problème de notre opposition : poser des exigences irréalistes, être par la suite incapable d’expliquer à sa base pourquoi elles ne sont pas suivies d’effet et en être réduit à blâmer le gouvernement », a-t-il souligné.

Se réjouissant d’avoir réalisé une alternance dans la gestion du Togo par rapport à la présidence de son père, Faure indique ne pas avoir toutefois pas honte de son père, le président Eyadéma. Pour lui, le délit de patronyme qu’on lui colle n’a aucun sens par rapport aux transformations politiques, économiques et sociales que connaît le Togo depuis 2005.

« Lorsque viendra l’heure des campagnes électorales, alors nous débattrons devant le peuple avec de vrais arguments. Pour le reste, qu’on ne pense pas que je cherche à m’accrocher à tout prix au pouvoir », a-t-il avancé.

Enfin Faure Gnassingbé dit croire en une sortie de crise à court terme. Mais la condition serait que ses adversaires comprennent qu’il est impossible de laisser de côté les institutions et la Constitution pour se livrer à des arrangements politiques de circonstance.

« Avec le dialogue, qui permet de dépasser les slogans, le seul chemin praticable en démocratie, ce sont les élections. Les appels au soulèvement, à l’insurrection et autres stratégies extralégales n’aboutiront qu’à nous faire perdre du temps, beaucoup de temps », a conclu le Chef de l’Etat togolais.

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