Être journaliste n’est pas un métier facile. Car il s’agit d’un domaine où on observe, on critique, on propose et on donne son point de vue; ce qui forcément ne peut pas plaire à tout le monde; chacun, chaque groupe, politique ou non, ayant ses intérêts à défendre. La profession de journaliste est encore plus difficile à exercer dans nos pays « sous-développés » sur le plan politique, où le pouvoir politique au sommet de nos états est encore, malheureusement, source de frictions et de tensions de toutes sortes. Dans ces conditions où des citoyens s’opposent à d’autres citoyens pour le contrôle du pouvoir politique, le journaliste, également un citoyen du pays, se retrouve malgré lui, au centre des évènements qui rythment la vie politique mouvementée de la nation. Et dans les pays où ces frictions politiques sont beaucoup plus prononcées, comme c’est le cas du Togo, le journaliste qui a fait le choix d’écrire et d’argumenter en faveur du changement politique, en faveur du peuple, devient une victime de prédilection des tenants de l’ordre ancien qui n’entendent en aucun cas renoncer à leurs avantages, pour la plupart indus.
Et c’est ce qui nous amène à parler de persécution. En effet, l’homme de presse ou le journaliste qui ne veut pas ou ne pas rester indifférent vis-à-vis de ce qui se passe d’intolérable dans le pays, est surveillé comme du lait sur le feu par les services du système; pire, il est victime de menaces de toutes sortes, menaces qui peuvent aller, dans beaucoup de cas, jusqu’à la privation de liberté, ou au départ en exil. Appolinaire Mèwènemesse, le journaliste, l’un des rares doyens de la presse écrite togolaise, directeur de publication de l’hebdomadaire «La Dépêche», en sait quelque chose. Originaire d’où tout le monde sait, l’instrumentalisation tribalo-ethnique ayant encore la vie dure dans notre pays, hélas, il n’aurait pas le droit de dire et d’écrire ce que les autres citoyens togolais de la presse peuvent dire et écrire. Incompréhensible, non? C’est ainsi que le «grand-frère» Appolinaire goûta pour la première fois au supplice de la prison en 1998. Il fut effectivement arrêté le 15 octobre 1998 et incarcéré, pour ne retrouver la liberté que le 03 décembre de la même année. Rebelote en 2024. Toujours pour délit de presse, le doyen Mèwènemesse connut une privation de liberté qui s’était traduite en garde à vue du 26 mars au 09 avril 2024. Son journal, «La Dépêche», fut interdit de parution pour trois mois; en d’autres termes, il écopa d’une suspension allant du mois de mars à mai 2024. Il reste jusqu’à ce jour sous contrôle judiciaire, synonyme de beaucoup de restrictions pour sa liberté. C’est pourquoi nous restons prudent, en évitant d’aller au fond des choses, pour ne pas réveiller le chat qui dort.
Aujourd’hui, nous sommes début juin 2024 et la traversée du désert pour le journaliste a pris fin en partie. Journaliste de formation, affichant un âge respectable, Appolinaire Mèwènemesse reprend sa plume, là où, contraint par plus fort que lui, il l’avait suspendue un jour de mars 2024. «La Dépêche» reprend ses droits pour le plus grand bonheur de ses lecteurs. L’hebdomadaire reprend sa place dans le paysage médiatique togolais pour informer, former, éduquer; pour continuer à jouer son rôle d’éveil des consciences; pour continuer à dénoncer, à dire la vérité, malgré les dangers, malgré les risques du métier. Car, quelles que soient les difficultés, quel que soit le fait que le journalisme reste un métier à risques, surtout dans les républiques bananières, la liberté de la presse ou la liberté tout court, doit triompher.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com