Les relations entre l’Afrique et l’État hébreu, complexes et illisibles

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Avec les tragiques événements en cours entre Israël et la bande de Gaza, ressurgit, plus illisible que jamais, toute la complexité des relations entre l’Afrique et l’État hébreu. Peut-on dire que les gouvernements africains, majoritairement, soutiennent Israël, et que les peuples, eux, s’identifient plutôt au peuple palestinien ?

Il faudrait introduire une multitude de nuances, pour ne pas risquer de simplifier à l’excès. D’autant que, parmi ceux qui se rangent du côté du peuple palestinien, les motivations sont diverses, sinon contradictoires. Aussi peu politiquement correct que cela puisse sembler, il faut, par exemple, confesser qu’en Afrique, le soutien à la cause palestinienne repose parfois sur des considérations d’ordre confessionnel. Tel musulman estimerait devoir être solidaire des Palestiniens, qu’il perçoit comme majoritairement musulmans. Il en est aussi qui soutiennent les Palestiniens, en réaction aux injustices qu’ils subissent. Il en est même qui se rangent du côté de ce peuple, simplement parce que les Israéliens, eux, ont le soutien des États-Unis et, plus largement, de l’Occident.

Le débat est tellement faussé, que l’on en vient à confondre allègrement les nations et les peuples avec leurs dirigeants. Et quels dirigeants ! Le Hamas a déclenché les hostilités, et se retrouve, de fait, leader d’un peuple dont le vrai dirigeant est absent, totalement défaillant. Ou faible, comme l’actuel Premier ministre israélien qui, pour sauver ce qu’il lui reste d’avenir, n’a plus que la guerre, qu’il fera avec l’énergie du désespoir.

Que dire des gouvernements africains qui se situent du côté des Palestiniens ou d’Israël ?

Certains soutiens aux Palestiniens vont de soi comme l’Algérie et la Tunisie. Celui, sans équivoque, de l’Afrique du Sud, aussi. Il repose sur des principes et une conscience militante ancienne, que nul dirigeant du parti Congrès national africain (ANC) ne renierait. Si le positionnement de certains gouvernements aux côtés de l’État hébreu se fonde sur des principes, contre les actions violentes, condamnables, du Hamas, certains autres semblent totalement douteux, parce que intéressés. Comme ceux de ces dirigeants africains qui, pour leur sécurité et la survie de leur régime, sollicitent l’expertise d’agents israéliens, qu’ils paient au prix fort. Le reste relève de la reconnaissance du ventre.

L’Afrique a quand même, par le passé, entretenu avec l’État hébreu, des relations saines, de grande qualité.

De 1958 à 1973, sous l’impulsion de Golda Meir, ministre des Affaires étrangères puis Premier ministre, des milliers d’experts israéliens ont aidé les États nouvellement indépendants d’Afrique. Parallèlement, Israël accueillait, pour les former dans divers domaines, une multitude de jeunes Africains.

« Nous avons partagé avec les Africains non seulement les défis qui vont avec la nécessité d’un développement rapide, mais aussi le souvenir de siècles de souffrances. Oppression, discrimination, esclavage, ce ne sont pas là de simples clichés, pour les Africains, comme pour les Juifs », écrit Golda Meir dans ses mémoires.

Et de citer Théodor Herzl, qui écrivait, en 1902, à propos de l’Afrique : « Il est encore une autre question soulevée par le désastre des nations, qui demeure sans solution jusqu’à ce jour, et dont la tragédie profonde ne peut être appréhendée que par un Juif. C’est la question africaine. La traite de ces êtres humains qui, seulement parce qu’ils étaient noirs, étaient volés comme du bétail, faits prisonniers, capturés, vendus. Leurs enfants grandissaient en terre étrangère, objets de mépris et d’hostilité, à cause de la couleur de leur peau. […] Je n’ai pas honte de dire, dussé-je m’exposer au ridicule, ce faisant, que dès lors que j’aurai assisté à la rédemption des Juifs, de mon peuple, mon vœu sera d’assister à celle des Africains. » Golda Meir aimait citer à ses amis africains ces propos de Theodor Herzl, dont un des plus grands admirateurs était Edward Wilmot Blyden, du Liberia, un des véritables pères du panafricanisme. Que reste-t-il donc, aujourd’hui, des relations saines entre Israël et l’Afrique ?

Par :
Jean-Baptiste Placca
Source : RFI

Source : icilome.com