Les législatives, le gouvernement d’union, les prochaines manifestations,la C14, le clergé, la Cedeao, la loi Bodjona, Nubueké…, le ministre togolais de la fonction publique parle…

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Une interview exclusive. Résultat de sept séances d’échanges du 16 au 26 décembre, généralement en fin de journée, entre l’équipe de Afrika Stratégies France et le ministre Gilbert Bawara qui, chaque jour, est plus détendu que la veille. « Les élections se sont bien passées ! », se frotte-t-il les mains. Le porte-parole du gouvernement brandit le communiqué des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) en date du 22 décembre. Il fustige le comportement de l’opposition, lance des pics à Jean Pierre Fabre, chef de file de l’opposition, et Brigitte Adjamagbo qui préside la C14 regroupant les principaux partis de l’opposition. Pourtant, l’essentiel de l’opposition n’était pas aux législatives. « Une absence sans importance » selon le ministre de la fonction publique qui espère que ce scrutin permette de renouveler la classe politique et sonne la fin de la C14 qu’il qualifie de n’être qu’une partie de l’opposition. « Il existe d’autres partis politiques aussi sérieux que ceux regroupés dans la C14 et dont certains partis membres n’ont de militants que leur président ou quelques proches » insiste Gilbert Bawara qui attend la poursuite des gestes de clémence de la part du chef de l’Etat à l’endroit des détenus et l’accélération des procédures judiciaires concernant les militants de Nubueké (mouvement politique très actif lors des manifestations de l’opposition). Mais celui dont on dit qu’il est la principale oreille de Faure Gnassingbé et qui minimise sa propre influence auprès du président togolais met en garde contre « des manifestations qui viseraient à mettre à mal la sécurité » et veut compter sur les institutions et les forces de l’ordre pour garantir à chaque Togolais sa tranquillité. Un entretien qui annonce que le ton va se durcir dans les prochaines semaines mais prouve que l’après législatives n’est pas aussi rassurant que veut le faire croire la majorité au pouvoir. L’abondance des sujets justifie la prolixité des propos. Grande interview. Lecture !

Afrika Stratégies France: Après deux années de contestations de rues et de pourparlers politiques puis des élections législatives le 20 décembre 2018 sans la participation de la principale coalition politique. Quelle analyse faites vous de toute cette période et quel bilan devrait-on tirer de ces événements ?

Gilbert Bawara: Toutes les sociétés humaines sont appelées à se réformer, à évoluer, à se rénover et à s’adapter aux contingences et aux mutations de leur environnement endogène et exogène. Nous vivons une époque où les pays africains font face concomitamment à de multiples défis, consolider les bases des Etats encore balbutiants, construire des systèmes politiques et des institutions adaptés aux sociétés et aux réalités africaines et non sur la base du mimétisme et de la reproduction de modèles d’emprunt. Les événements d’août 2017 auraient pu constituer un moyen de pression et conduire à l’accélération et à l’intensification des réformes politiques. Mais hélas, le jusqu’au-boutisme et l’intransigeance de la C14 témoignent de l’incapacité de ses leaders à prendre le gouvernement et les autorités au sérieux et à se soustraire de la logique d’insurrection et de renversement des institutions. Beaucoup se sont bousculés, qui pour être premier ministre de transition, qui pour assurer l’intérim de la présidence de la république, qui pour devenir chef d’Etat à l’issue de la transition ! Une frange de l’opposition a systématiquement tendance à sous-estimer son adversaire et à faire la confusion entre les mobilisations de rues et le pays réel. Cette frange de l’opposition est animée par un sentiment de supériorité et de mépris vis-à-vis de la grande majorité des togolais. Elle a toujours les mêmes réflexes, et elle reproduit les mêmes schémas de pensées et les mêmes méthodes d’action, qui ont déjà démontré leurs limites. Le Togo ne s’arrête pas à Lomé et à quelques villes et localités.

Vous ne croyez donc pas à la mobilisation populaire contre ce régime qui règne sur le pays depuis cinq décennies ?

Le 19 août 2017 était une tentative de coup de force. Les instigateurs et les acteurs de ce coup n’ont jamais eu qu’un seul plan A, obtenir la chute du régime et s’emparer du pouvoir par la rue. Ils n’avaient pas de plan B. Le discours du 6 septembre 2017, de la part de monsieur Jean-Pierre Fabre, montre à quel point ce dernier a été tétanisé et est demeuré par la suite obsédé par la perspective de se faire subtiliser sa place de leader de l’opposition par monsieur Tikpi Atchadam. Ce discours irresponsable, son obsession et sa fixation sur l’échéance présidentielle de 2020 ont constitué sans nul doute l’erreur fatale, le vice originel et l’acte fondateur d’une stratégie hasardeuse dont ni l’Anc (Alliance nationale pour le changement, Ndlr) ni la C14 ne pouvaient ensuite se relever. Au lendemain du 19 août, plusieurs leaders de la C14 ont affirmé, publiquement et en privé, que le régime était fini et n’avait plus d’avenir. Pour eux, il était même trop tard pour envisager des compromis, et parler encore de réformes ! La seule issue pour le régime devait consister à négocier les conditions de sa reddition et de son départ !

Cet état d’esprit insurrectionnel a marqué la C14 jusqu’à la décision de boycott des élections. Tout au long du dialogue politique, jusqu’au boycott des élections, la C14 ne s’est jamais inscrite dans une optique d’ouverture, de compromis et de réformes pour faire évoluer la démocratie et l’Etat de droit dans notre pays. Elle s’est plutôt enfermée dans une logique de révolution et d’insurrection. Les revendications exigeant le retour à la constitution dite originelle de 1992 avec tous ses effets et implications, à savoir le départ immédiat du chef de l’Etat ou, à défaut, la mise en place d’un gouvernement de transition dirigé par la C14 assorti de l’impossibilité pour le chef de l’Etat de se porter candidat aux futures élections présidentielles constituait pour certains la trouvaille magique pour mobiliser et coaliser « le peuple » contre le régime. A lui tout seul, ce slogan traduisait l’esprit de surenchère.

Les législatives ont pris fin. Les résultats définitifs sont désormais connus. La Coalition C14 a boycotté le scrutin. Quelles leçons en tirez-vous ?

Le boycott et la stratégie adoptée par la C14 ont été l’aboutissement d’une succession d’erreurs d’appréciation et de jugement qui se sont révélées en définitive fatales. Je viens d’évoquer l’esprit d’insurrection qui a prédominé. On peut y ajouter l’incroyable mépris affiché par monsieur Fabre dans son fameux discours du 6 septembre 2017, et en tirer beaucoup d’enseignements. D’autres leçons méritent également d’être tirées de cette période que notre pays vient de traverser.

L’attitude d’exclusion et de suffisance que la C14 a affichée vis-à-vis des partis politiques non membres de leur regroupement a constitué un handicap sérieux pour la réussite des pourparlers. La responsabilité en revient aux leaders de la C14 et à leurs velléités d’hégémonie. Ils ont donné le sentiment que le 19 août 2017 marquait un acte fondateur de la vie politique au Togo, comme si notre pays n’avait pas connu de faits marquants avant cette date. Cette manière d’écarter les autres sensibilités politiques a privé le dialogue politique d’une force modératrice capable de tempérer les ardeurs. Au final, tous ceux qui n’étaient pas favorables à la logique de la violence et de l’insurrection étaient vilipendés et considérés comme des traitres, des complices et affidés du régime ! La C14 a fait preuve d’autoritarisme en instaurant une sorte de dictature de la pensée unique caractérisée par un climat de terreur, d’intimidation et de lynchage contre tout contempteur et contradicteur.

En outre, les efforts du gouvernement pour promouvoir un dialogue et des échanges directs entre les acteurs togolais, avec un simple accompagnement des dirigeants de la sous-région se sont soldés par des objections et des refus systématiques, la C14 estimant que les autorités togolaises n’avaient ni de qualité ni de légitimité pour entreprendre quelque démarche que ce soit et préférant s’en remettre exclusivement à la facilitation externe. Même l’idée d’avoir un collège de modérateurs togolais aux côtés des facilitateurs ghanéen et guinéen n’a pas rencontré d’accueil favorable. Pourtant le Togo regorge de personnalités politiques et religieuses d’expérience, jouissant d’une notoriété incontestable pour aider à concilier les positions et contribuer au rapprochement des points de vue.

Regrettez-vous que l’opposition n’ait pas pris part aux législatives et que ce soit finalement apparu comme un deal entre vous et les modérés ?

Absolument pas. Le gouvernement n’a pas à se soucier et à se préoccuper des stratégies internes aux partis politiques sauf lorsque cela a des conséquences néfastes et des répercussions négatives pour le pays. Tel n’est pas le cas en l’espèce. De nombreux dirigeants étrangers et analystes avisés considèrent l’opposition togolaise comme l’une des plus radicales dans notre sous-région, si ce n’est la plus radicale. Ces dirigeants et observateurs ont été témoins de l’esprit d’ouverture et de la volonté de compromis du président Faure. Ils savent les concessions qu’il a consenties pour épargner au pays les affres de la violence et des affrontements. Le président Faure est un homme d’Etat posé et pondéré. Son autorité a prévalu pour éviter que d’autres togolais qui se sont sentis visés et ciblés par les actes de violence et de haine de la part de la C14 ne soient tentés d’en découdre dans la rue. Le risque était réel et grand que le désordre et l’instabilité orchestrés par la C14 soient réglés différemment, avec brutalité. Mais la sagesse, le sang-froid et la retenue ont prévalu, et c’est plutôt mieux ainsi.

La décision de boycott des élections législatives du 20 décembre 2018 de la part de la C14 demeure incompréhensible et déplorable. Elle est lourde de conséquences pour certains des partis et acteurs politiques concernés. La conséquence la plus immédiate, c’est leur absence de l’Assemblée nationale et de certaines institutions dérivées, y compris au niveau de certaines instances sous-régionales et internationales (comité interparlementaire de l’Uemoa, parlement de la Cedeao, Union interparlementaire des pays francophones, UIP, Assemblée paritaire ACP-UE, etc.), et donc un manque de visibilité et de tribunes pour défendre leurs idées. Cette décision est également de nature à affecter leur participation au débat institutionnel. Je n’ai pas la certitude que cette décision de boycott soit le fruit d’un réel consensus au sein de la C14. Certains leaders de ce regroupement ont fait preuve d’égoïsme et d’indifférence vis-à-vis des autres membres et militants de leurs partis, en donnant le sentiment de se préoccuper uniquement de leurs propres ambitions et intérêts.

Certains leaders de la C14 accusent le gouvernement d’avoir pratiquement noyauté la CEDEAO, reprochant aux dirigeants de la sous-région une certaine complaisance. Qu’en dites-vous ?

Les deux facilitateurs et la plupart des autres chefs d’Etat de la Cedeao ont déployé d’incommensurables efforts. Ils ont sacrifié de leur temps et fait entorse à leurs multiples charges en acceptant d’accompagner et d’appuyer notre pays dans la recherche de solutions. Quant vous faites fabriquer et porter des pancartes avec des messages hostiles et injurieux contre les instances de la Cédéao, ce n’est pas la faute au gouvernement. Quant vous allez rencontrer les adversaires politiques des chefs d’Etat au motif que ces chefs d’Etat seraient favorables au régime togolais, ce n’est quand même pas la faute au gouvernement. Quand vous donnez le sentiment de ne pas avoir de vision et de ne pas poursuivre des objectifs démocratiques et réalistes, ce n’est pas la faute des autorités togolaises !

Outre les positions radicales et extrêmes de la C14, exigeant le départ immédiat du chef de l’Etat ou sa non-candidature en 2020, qui ont surpris la plupart des dirigeants de la sous-régions et de nombreux observateurs étrangers, c’est surtout la décision de boycotter le recensement électoral puis le refus de rejoindre la commission électoral et de saisir l’opportunité de la prorogation de l’enrôlement des électeurs qui ont, sans doute, consacré un tournant et un moment de rupture dans l’appréciation des événements parmi les Chefs d’Etat de la Cedeao et les partenaires extérieurs.

Les facilitateurs et de nombreux chefs d’Etat de la sous-région, ainsi que le président de la commission de la Cédéao, ont joué un rôle déterminant aux côtés du président togolais, pour obtenir le retrait du représentant de l’UFC au sein la Ceni (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr) et pour convaincre de la nécessité d’accorder trois jours supplémentaires de recensement électoral. A l’évidence, la question d’un éventuel report des élections législatives se serait posée différemment et aurait connu un autre traitement, si les représentants de la C14 avaient rejoint la commission électorale et relevé des éléments étayant leurs allégations quant aux irrégularités supposées.

Mais pour la C14, le soutien de la Cedeao au pouvoir togolais est évident et manifeste, ça s’est vu à Abuja le 22 décembre…

Non, la Cedeao n’a pas pris position en faveur de qui que ce soit. Les chefs d’Etat ont juste constaté que le scrutin s’est déroulé conformément à la feuille de route, dans des conditions de paix et de sécurité et de manière transparente et crédible dans le respect des normes démocratiques. Les chefs d’Etat et de gouvernement qui ont fortement regretté la non-participation de l’opposition au processus électoral ont été eux-mêmes les artisans des initiatives et des efforts pour garantir les conditions d’élections exclusives et fiables. Si un groupe de partis et de leaders politiques considère que le gouvernement, les facilitateurs et tous les chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao se trompent et que c’est la C14 qui a raison toute seule contre tous, cela donne une indication du sérieux et de la crédibilité de ce regroupement. Même les partenaires extérieurs, notamment le Groupe des cinq ambassadeurs (Etats-Unis, France, Allemagne, Union européenne et Nations Unis) n’ont pas été épargnés par les récriminations et les attaques de la C14 !

Quelles sont les causes et les facteurs explicatifs de l’attitude de la Coalition C14 ?

Il y a des causes et facteurs endogènes, propres à la Coalition elle-même. Qui peut dire exactement le poids, l’assise et l’ancrage véritables du PNP et de son leader sur le terrain ? Cela reste un mystère et une énigme au-delà de ce qu’il a réussi le 19 août 2017 avec les mobilisations de rues à Sokodé et à Lomé, mais en recourant aux violences, à un discours de haine et à l’exaltation du communautarisme. Il restera celui qui aura exacerbé certains relents identitaires et joué avec le fait religieux dans la sphère politique. C’est dangereux pour l’unité et la cohésion du pays lorsqu’un parti politique cherche obstinément à s’identifier et à faire corps avec tant d’ardeur avec des préfectures, des villes, localités ou quartiers tout entier, ou avec des groupes ethniques ou communautés de population. Même au sein de la C14, des querelles et dissensions ont fait jours au motif que certains leaders ne devaient pas mener des activités dans certains quartiers de Lomé ou certaines localités du pays !

Par ailleurs, la C14 elle-même reste une sorte de fiction et de supercherie, voire une imposture ! En dehors de trois ou autre partis politiques dont l’assise et l’ancrage sont connus, nul ne peut dire quelle est l’implantation et quelle est la représentativité de certains partis qui sont réduits à leurs dirigeants et à quelques personnes.

De même, par son radicalisme et ses appels à la violence et à la déstabilisation des institutions, une frange de la diaspora togolaise s’est révélée contreproductive et a constitué une pesanteur pour la C14. Certains activistes notoires de la diaspora n’ont pas aidé la C14 à faire preuve de modération et à privilégier l’esprit d’ouverture et de compromis. Il en est de même de certaines organisations dites de la société civile qui n’ont cessé d’exalter la surenchère et l’intransigeance. Je m’interroge aussi sur les véritables motivations de certains religieux qui continuent d’entretenir la confusion.

Justement, parlons-en. Les confessions religieuses (catholiques, protestantes, presbytériennes et même les musulmans) se sont inquiétées du maintien du scrutin le 20 décembre. Vous êtes vous dits que tout est de votre côté sauf Dieu ?

Chacun de nous prie Dieu à sa manière. Je crois profondément à la laïcité de l’Etat et à la séparation des pouvoirs entre le religieux et le temporel. A César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Certes, les églises et les responsables des confessions religieuses ont un rôle et une vocation à assumer dans la société. Personne ne leur dénie cette mission lorsque cela se traduit dans des prises de position assumées à travers des structures reconnues, telles que la Conférence épiscopale. Mais certains agissements soulèvent des questions et des interrogations.

Par exemple, les religieux et prélats togolais que l’on a aperçus à Accra étaient-ils des représentants désignés par leurs coreligionnaires, ou se sont-ils plutôt auto-désignés et autoproclamés en se contentant d’en informer les autres membres de leurs clergés ? Les positions défendues auprès du facilitateur ghanéen, notamment la contestation de la date des élections législatives, l’exigence de mise en œuvre préalable des réformes constitutionnelles et électorales avant toute élection et la problématique de la candidature du chef de l’Etat, constituent-elles leurs opinions personnelles ou un point de vue commun au sein de leurs clergés respectifs ? Car le risque est réel que certains religieux et prélats puissent se prévaloir de leur statut pour exprimer des opinions et des positions plutôt personnelles tout en engageant subrepticement leurs clergés ou leurs confessions ! Celui qui prétendait parler au nom des cadres musulmans a consulté combien de responsables et de membres de son organisation avant ses déclarations et ses prises de positions solitaires ? Que fait-on de nos concitoyens non-croyants ? Ce sont juste des questions, des interrogations et des doutes qui m’habitent. Je n’ai pas de réponses.

Les législatives sont finies. Des décisions rapides devraient être prises. A quand le prochain gouvernement ?

Ce n’est pas une question à laquelle un ministre peut répondre. Cela relève du pouvoir discrétionnaire du président de la République. Ce dernier n’a pas à évoquer ce genre de sujets avec un simple collaborateur que je suis. Tout le monde connait l’esprit des institutions. La date d’installation de la nouvelle assemblée nationale est fixée par la constitution, à partir de la proclamation des résultats définitifs des élections législatives. Ensuite interviendront la session d’âge, l’adoption du règlement intérieur et la mise en place des organes de l’Assemblée nationale avant un éventuel remaniement. Le président Faure est un homme d’écoute, de dialogue et d’ouverture. Il tirera sûrement tous les enseignements des épreuves que le pays vient de traverser. Il ne manquera d’intensifier les mesures d‘apaisement et de décrispation ainsi que les réformes nécessaires à la modernisation de la vie politique, à l’accélération de la croissance et à la consolidation de la cohésion nationale.

Une conférence de presse organisée par le Père Affognon a été interdite. Vous évoquez la nécessité d’éviter des manifestations qui portent atteinte à l’économie. N’est-ce pas une manière de réviser la loi Bodjona qui est considérée comme une grande avancée démocratique ?

Il faudrait tirer les enseignements par rapport à toutes les lois qui ont pu démontrer des limites. Aucun dispositif législatif ou réglementaire n’est visé, en particulier. Les questions touchant à l’assise et à l’ancrage des partis politiques, aux libertés et à la nécessité impérieuse de concilier ces dernières avec les impératifs liés à la préservation de la paix et de la sécurité et au maintien de l’ordre public, sont toutes légitimes.

L’opposition (la C14) a boycotté la Ceni, les élections municipales sont pour 2019, est-ce qu’elle peut retrouver ses 8 sièges d’entre-temps ?

Cela n’est pas possible et c’est une conséquence de la décision prise librement de ne pas occuper leurs postes à la Ceni. Si la C14 y était, au regard de la durée du mandat des membres de la Ceni, ses représentants pourraient y demeurer tout au long de l’année 2019.

La C14 étant l’entité la plus importante et la plus représentative de l’opposition, est-ce que vous ne serez pas obligés de mettre en place un gouvernement d’union nationale pour ne pas mettre à la touche une grande partie du peuple ?

A mon avis, les gouvernements d’union nationale tels que vous l’évoquez, peuvent constituer un facteur d’immobilisme et d’inefficacité de l’action publique. Nous sommes à un moment de la vie du pays où il faudrait accélérer les réformes tous azimuts. Il faut donc avoir les coudées franches pour avancer. En revanche, depuis 2005, le chef de l’Etat a démontré, sans aucune pression, qu’il est un homme d’ouverture. Il agira toujours par rapport à l’intérêt du pays.

Quels vont être les actes forts auxquels les Togolais peuvent s’attendre

Le président de la République aura l’occasion, dans les prochains jours, de fixer l’opinion. Il est foncièrement attentif et à l’écoute des préoccupations de tous les Togolais, même ceux qui n’ont pas pris part aux législatives.

Est-ce que les membres du mouvement Nubueke qui sont en prison depuis plus d’un an peuvent enfin espérer une libération ?

Le gouvernement œuvre en vue de l’accélération des procédures judiciaires, et cela concerne également les cas que vous mentionnez.

L’opposition appelle à des manifestations dans les prochains jours. Est-ce que vous ne craignez pas que de nouveaux « Tikpi Atchadam » surgissent dans tout le pays ?

Nous ne sommes pas dupes. Mais je crois, très modestement, que la C14 commet une grave erreur en voulant persévérer dans la voie de la violence et de la haine et en persistant dans un esprit d’insurrection. Personne ne restera les bras croisés. Ni le parti Unir, ni les autres partis d’oppositions autres que la C14, encore moins les togolais qui aspirent maintenant à plus de tranquillité et de sérénité.

Notre pays a besoin de cohésion, d’unité et de concorde. Le gouvernement ne saurait, au demeurant, rester insensible et les bras croisés face à sa responsabilité de faire respecter la loi, de préserver l’ordre public et d’assurer la sécurité des biens et des personnes. Les actes et agissements procédant de la méchanceté et de la volonté de bloquer, de détruire, d’affecter le droit d’aller et de venir des autres citoyens, de paralyser l’économie n’auront plus droit de cité à l’avenir. Ceux qui veulent créer le désordre et le chaos n’auront qu’à s’en prendre à eux mêmes. Etre responsable, membre ou militant d’un parti politique ne donne pas plus de droits par rapport aux autres citoyens.

Propos recueillis à Lomé par Max-Savi Carmel, Envoyé Spécial

Source : www.icilome.com