La crise togolaise fait son parcours. Chaque jour ouvre sa page, les épisodes se suivent et se ressemblent par leur caractère énigmatique qui ouvre à chaque camp inquiétudes et espoirs. Le Togo attend une solution à porter de mains pour se soulager, mais elle se fait prier. De quoi est-il question en réalité ? Où se situe la crise actuelle? Entre secrets de palais et câbles diplomatiques, le Rendez-vous est à vos petits soins. Faure Gnassingbé, alliances impossibles avec les pays membres, difficile diplomatie pour défendre une survie politique après un demi-siècle. De Lomé à Katshéna en passant par Abuja et Abidjan, où en sommes-nous ?
Monsieur Gnassingbé Faure, c’est l’histoire d’une ingratitude politique. L’homme est toutefois excusable quand on sait que dans la gestion des hommes, l’arrivisme et la présidence par droit de naissance ont souvent la peau dure. La dictature en cours a subdivisé le Togo indépendant en trois catégorie de citoyens : la caste du roi qui tient sa population par le bâton et la carotte; la race des ambitieux qui ne reculent devant aucune offre et font bonne alliance avec le roi; enfin les nobles, ces rêveurs qui ont le choix entre la guillotine, la prison ou l’exil.
La méthode a toujours marché et ils sont nombreux ces opposants togolais à descendre à la rivière des Gnassingbé. Ils en sont sortis politiquement défigurés et méconnaissables parce que le roi a su les garder au respect avec la fortune de guerre arrachée aux populations sous domination. De mémoire d’homme, il est aussi possible de les recenser, ces ‘’pestiférés-audacieux’’ obligés de reculer ou dans le maquis, ou derrière la grille ou au pire des cas donner la tête à la guillotine. En face de tout, un régime inique ronfle depuis deux générations et ses méthodes y vont avec. En phase avec les ambitions d’une population longtemps martyre et résignée, une dernière race croit encore à un sursaut d’orgueil pour sauver la République.
La route semble encore longue, mais en réalité, au monarque il ne reste qu’égoïsme suicidaire et discours du genre « Nous avons traversé pire en 1990, en 2005, c’était encore difficile, mais nous y sommes ». Faure Gnassingbé croit en un impossible miracle, il compte sur des maillons de la CEDEAO. Mais que sont-ils, ces maillons, quelle est la chance de succès des anciennes viles habitudes qui ont permis aux Gnassingbé de faire 51 ans aux commandes ?
La CEDEAO à l’épreuve de Faure Gnassingbé
De l’intérieur, le prince et ses sous-fifres ont toujours vu d’un vilain œil ceux qui ont œuvré pour donner vie à la C14. Ils auraient aimés voir cette coalition plutôt morte que vivante, peine perdue. Pour avoir la chance de leurs manœuvres, ils ont mis la tête du père fondateur de la coalition à prix: Atchadam Tikpi. Ce dernier s’est fait discret pour ne pas parler d’exil. Mais, le vide par lui laissé à la coalition est bien comblé par une union sacrée qu’aucune spéculation n’arrive à défaire. Mieux, à analyser de prêt, le retrait du président du PNP était un mal nécessaire à la survie d’une coalition de circonstance : les 14 sont ensembles pour une « unicité d’action », c’est-à-dire dans ce contexte précis, mettre fin à 51 ans de dictature. Peut-être, connaissant son tempérament, certaines erreurs à la coalition auraient pu être difficiles à gérer au point de créer la fracture tant attendue par le camp d’en face. Mais comme un prisonnier politique dans la profondeur de ses inspirations, il est loin très loin, pendant que d’un côté un médecin et de l’autre un ingénieur tous deux posés et biens dans leurs démarches et stratégies politiques, ont vite appris à encaisser pour ne pas donner la chance au mur de s’ouvrir.
Quand cela s’ajoute à 13 autres chefs de partis qui arrivent chacun avec son expérience en étant conscient que les jours changent et que, devant un peuple en sentinelle il devient de plus en plus impossible pour les commerçants politiques de marchander une volonté populaire, cela accouche d’un bloc qu’un pigeon, si blanc soit-il, ne peut distraire. Et, ce n’est pas un hasard si le président Alpha Kondé, du haut de son expérience de Maquisard et d’homme d’Etat, avertit une délégation de la coalition sur la nécessité de s’éloigner des erreurs qui ont permis au camp d’en face de survivre. Ceux qui rêvent de tuer la C14 pour faire tomber les vagues du mécontentement ont donc tiré par terre, ils peuvent attendre longtemps.
Faure Gnassingbé en 2005, devant le tôlé soulevé par la succession de son père dans le sang a du avancer qu’il avait besoin d’un seul mandat de 5 ans pour éviter la chasse aux sorcières et stabiliser le pays suite à la gestion scandaleuse de 38 ans. Il faut le dire, tous ceux qui ont fait le forcing en 2005 n’ambitionnaient pas dépasser 5 ans de gestion. Le plus chanceux des Gnassingbé a eu besoin du soutien sans faille du géant nigérian à travers le président O. Obasandjo auprès de qui il enverra les vieux barrons faire la courbette.
La chasse aux sorcières, disait-il?
Il l’a évité de la part des Togolais. Mais lui-même, il en a besoins pour se débarrasser des pillons qui l’ont permis de se positionner. Donc elle a belle et bien eu lieu, sauf qu’elle s’est produite dans le cadre d’une révolution du palais où un Kpatcha Gnassingbé continue à égrener présentement 20 ans de prison depuis 10 ans. Actuellement, malgré les démarches du président Ghanéen à qui il a promis libération à son frère même au prix d’un exil surveillé de ce dernier, les lignes n’ont pas bougé. Avec une santé qui évolue en dents de scie, à la lumière d’un certificat médical, s’il fait encore deux à trois mois en détention, il risque soit une amputation au pied soit de rejoindre son compagnon d’infortune, Assani Tidjani. Le Sieur Faure Gnassingbé a la rancune tenace. Il a fait des promesses de Gascon au Ghana pour la libération de Kpatcha.
Fatigué, le Ghanéen en a parlé à Kondé sans oublier Buhari Assani Tidjani, authentique fils du Nigeria resté fidèle au Togo, fut un général que le jeune monarque a utilisé pour s’ouvrir les portes d’Obassandjo afin de stabiliser la barque d’une transition aux odeurs de la mort. Ce général est mort les menottes en mains en jurant de ne pas être enseveli au Togo. Ainsi a commencé et continue les règlements de compte dans le palais. De l’autre côté, après avoir piétiné l’engagement pris devant Obassandjo, neutraliser son demi-frère et le Général ‘’rayé-rayé’’, le voici en 2010 qui utilise Bodjona Pascal, une fois de trop, pour la frauduleuse élection que ce dernier a gérée sur terre et dans les airs. Inutile de rappeler que c’est lors du déplacement par les airs des PV de l’élection présidentielle que le fils de Kouméya a celé le sort du vote des Togolais au profit de son protégé de président. Lui aussi, une fois cette énième mission finie, se retrouve derrière les grilles pour en fin être mis en disgrâce. Du haut de ses années d’expérience acquis depuis l’activisme estudiantin, il gère sa retraite forcée et observe la monarchie dans ses tourbillonnement.
En vain, les appels de pieds du prince ont été envoyés à l’ancien ambassadeur qui compte faire économie du minimum de dignité qu’il lui reste après avoir bâti de sa main un système politique atypique. Avec un Faure Gnassingbé, quand il est question de conserver un pouvoir, il ne faut reculer devant rien. Un Général du nom de Séyi Memene, malgré ce qu’il a encaissé comme réprimande populaire en 1998 quand il inventait les résultats d’une élection présidentielle où Eyadema racolait à peine 15%, pour répondre aux aspirations du régime, est aussi mis en difficulté. Malgré le rôle par lui joué pour aider le fils à garder le pouvoir devant même l’opposition des officiers kabyè en 2005, il est devenu tout récemment la dernière cible à abattre pour donner la chance de survie à la monarchie. Inutile de rappeler que sa maison a été visitée par des explosifs militaires lancés par deux éléments à moto qui se refugieront à l’Etat-major général des FAT à Lomé.
Plus récemment, sa maison a été saccagée et brûlée par des militaires dans la fièvre des violences à Sokodé. Son tort, « n’avoir rien fait pour empêcher l’émergence d’un certain Atchadam Tikpi, son cousin ». Du haut de ses grades, il a dû hésiter entre un exil français et le risque d’un séjour au pays. Personne des mille et un officiers qu’il a fabriqué n’a pu intercéder pour lui, même pour une bonne partie des cadres de sa communauté, il est présentement un outsider à observer de loin. Avec les Gnassingbé, la fidélité politique doit briser les liens de sang et quand on prend le risque d’embrasser une croix, on la transporte seul.
C’est juste une parenthèse pour dire que la chasse aux sorcières, si elle n’est pas en cours, a belle et bien eu lieu avec Faure Gnassingbé qui agit en taciturne tueur de films d’action. Toujours en 2010, quand l’ancien président du Nigeria marmonnait son regret, le voici qui quémande et obtient le soutien du président Wattara qui lui est quelque peu redevable pour le rôle joué par le Togo dans la crise politico-militaire qui a accouché du régime de l’Ivoiro-Burkinabé. Du haut de sa ruse, il promet à celui-ci de ne pas dépasser 2015. Mais, le diplômé de George Washington n’est pas du genre à respecter ses engagements, il est né après la honte.
Le voici en 2018, pire il croit pouvoir traverser 2020. Mais un géant politique se dresse sur ses ambitions : Salifou Tikpi Atchadam. La crise est à son comble, jamais dans l’histoire un président africain n’a été autant décrié par son peuple. Le sort de Faure Gnassingbé n’est pas entre ses propres mains. Le monsieur ne sait pas anticiper sur ce que sa population pense de lui. Quasi unanimement, ses paires de la CEDEAO lui demandent de savoir sortir par la bonne porte en renonçant à se présenter en 2020.
Echos du palais
Le 27 juin dernier, les médiateurs de la crise togolaise ont pris possession du dossier à eux confié pour sauver le Togo. En deçà d’un communiqué aux interprétations fertiles, c’est précisément de la demande faite au prince de s’engager à ne pas être candidat en 2020 qu’on parle le moins. Et pourtant elle a meublé les échanges. Le prince fait encore le pied de grue et refuse d’entendre raison, il ne manque pas de subterfuges pour étayer sa position. Les médiateurs ont vainement levé la voix. In fine, ils rejoignent, chacun son pays, en prenant soin d’envoyer un compte rendu au géant de la CEDEAO, le Nigeria. Le ministre ivoirien de la défense Bakayoco, le président de la commission, le Ghanéen Kandapa et Abdou Salami Aboubakar du Nigéria sont donc allés rendre compte à Buhari dans son Katchéna natal.
Depuis qu’il a décidé de solliciter sa population pour un second mandat, il y réside de plus en plus afin de budgétiser sa campagne et définir sa stratégie électorale. Comme un dernier avertissement, Buhari convoque M. Faure Gnassingbé. L’audience qui aurait dû se tenir à Abuja est déplacée donc au nord du pays et une des filles de l’ancien homme fort Abiola, à cheval entre la Guinée et la côte d’Ivoire y a joué un rôle. Elle était présente à l’audience. Dans une interview en Anglais, les Togolais ont pu, suivre le diplômé de Georges Washington quand il a cru bon d’étaler ce qui pouvait être considéré comme objet de l’audience. Mais les bonnes manières veulent que, même si elle aussi ne doit pas tout dire, la presse ramène au bercail ce que la diplomatie oublie en chemin.
Au nom de ce principe, nous informons que l’audience n’a pas été une partie de plaisir pour le prince malgré qu’il la quémandait depuis des lustres et que de cette occasion, il devait faire d’une pierre deux coups. Depuis un temps, Buhari conditionnait une telle rencontre à un engagement du prince à s’éclipser en 2020. Le président Buhari n’a pas la langue de bois. Il a alors conseillé son visiteur à la lumière d’un adage africain. Il lui a fait savoir que le lièvre qui parait comme un vulgaire petit animal est en effet un des rares herbivores à manger des herbes à poison sans en mourir.
De ce fait, certains de ces excréments sont un poison qui peut tuer. Ainsi, quand quelqu’un dure trop dans un champ de voandzou à vouloir à tout prix tout racler, il risque de ramener au bercail les voandzous mélangés aux excréments de lièvre puisqu’ils sont très analogues. Donc du poison est rentré à la maison, il vaut donc mieux savoir quitter le champ de voandzou avant la tombée de la nuit. C’était une délégation docile que le Nigérian avait devant lui et nous espérons que, pour la suite de la crise, cette sagesse hautement africaine va accoucher d’espoir pour la CEDEAO et les Togolais.
C’est bien Buhari qui a convoqué Faure Gnassingbé suite à un rapport qui a déplu. Pour Anecdote, le prince entre-temps, en voulant à tout prix rencontrer le Nigérian, a voulu saisir l’opportunité du mariage de la fille du richissime homme d’Affaire Dangoté afin que celui-ci l’aide à ouvrir le palais d’Abuja. Mais il atterri à Lagos sans pouvoir rallier le lieu du mariage pour cause d’embouteillage. Voilà pourquoi le prince a été annoncé à ce mariage sans que sa photo soit aperçue aux côtés des personnalités invitées dont Bill Gate. Donc c’est bien le Nigéria qui a convoqué le président de la CEDEAO suite au compte rendu afin de mieux s’enquérir de son entêtement. Buhari est le fer de lance de la quasi-totalité des présidents africains qui comptent voir Faure s’engager à partir.
De cette exigence, le président du Nigéria, n’en fait pas un combat personnel contre un citoyen de la sous-région. Mais, en dirigeant qui a goûté aux fruits amers de l’oppression, il s’est engagé à agir de la même façon sur tous les terrains où germeront des présidents à vie. Son intervention en Gambie reste un bon exemple alors que le régime de Yaya Djamey ne faisait que 20 ans. Le Nigéria parle peu et agit beaucoup. Dans son rôle de leader, quand il promet il honore ses promesses puisqu’il n’a pas besoin de l’avis de l’oppresseur ou de ses alliés pour redresser une injustice. Qu’il soit président de la CEDEAO ou pas, ca ne change rien aux ambitions du Nigerian dans la sous région. C’est ce qu’on peut résumer du climat et messages transmis à Faure ce 29 juin au Nord du Nigéria. Un président en bonne forme est allé écouter religieusement et faire la courbette devant un président que certains disaient ‘’grabataire’’.
D’après nos indiscrétions, de l’engagement de Faure à ne pas solliciter une quatrième mandature dépendra l’inévitable feuille de route dont nous vous avions précédemment donné primeur et qui n’est plus un secret pour les membres du regroupement. Le président Alpha Kondé en parlait d’ailleurs sur Rfi. Quand Faure a quitté le Nigéria, il a atterri en Côte d’Ivoire. L’objectif est de voire en quoi Outtara peut être utile pour limiter les dégâts à l’arrivé de Macron à Abuja. Inutile de rappelé que par 4 fois, Faure Gnassingbé a tenté vainement de rencontrer Macron à travers Ouattara. D’ici le 31 juillet, le prince continue ses manœuvres, mais jusqu’où cela pourra le sauver quand il a donné déjà les gages d’un homme allergique au respect de ses engagements dans un environnement où les présidents à vie deviennent une race en voie de disparition.
Au nom de quel bilan Faure s’éternise-t-il au pouvoir ?
Au nom d’un Togo qui va mal, très mal. Economiquement parlant, la faillite nationale n’a jamais atteint un tel niveau. Sociétés d’Etat en coupes réglées : le port, les différentes extractions minières, les télécommunications, les industries, toutes les activités susceptibles de renflouer les caisses publiques sont en berne. Le seul domaine public qui tient est la collecte des impôts, encore là, l’avenir est incertain si on sait que les recettes fiscales ne peuvent dépendre que de la bonne santé des autres secteurs. De père en fils, la monarchie a tellement fait de vieux os qu’elle finit par se tromper d’objectif. Puisque pour la fratrie au pouvoir, la politique se résume à la simple conquête et la conservation du pouvoir, elle a conquis par les armes le pouvoir, elle le conserve par les armes en sacrifiant le développement.
Apparemment, ça marche, ils font déjà cinq décennies. Mais la gestion des hommes ne marche qu’avec une économie debout. Comme sur une bicyclette, en économie, soit on bouge, soit on perd l’équilibre. Par inertie, le régime en place a perdu l’équilibre, s’il n’est pas déjà tombé. En désespoir de cause, le seul cercle dans lequel ils prolifèrent est l’endettement. Dans le circuit de l’endettement, ils se sont faits spécialistes de tous les mécanismes.
Un des moyens classiques utilisés par les pays en difficulté économique est la piste du Fond Monétaire International, FMI. La dictature en place a déjà épuisé une bonne partie des cartouches du Fond Monétaire International. Grâce au FMI, il y a à peine quelques années, le Togo a bénéficié de ce qu’on a appelé remise de la dette. Mais, présentement, la même dette est revenue de plus belle, « chassez le naturel, il revient toujours au galop». L’état togolais a épuisé toutes les possibilités d’endettement.
Au niveau des prêts bancaires, les établissements financiers de la place ont atteint le taux qui leur est autorisé par la banque centrale. C’est l’occasion de rappeler que la BCEAO ne permet plus que l’Etat prenne de l’argent dans les banques car les règlements de cette banque centrale ne permettent pas que dans les établissements financiers, un Etat face des prêts au-delà d’une valeur supérieure à 20% du budget voté. Cette piste est essoufflée par des découverts et autres prêts sans restitution.
Alors, la monarchie est allée à l’étape supérieure de l’endettement : les emprunts obligataires et bons de trésors. L’Etat peut emprunter à travers les emprunts obligataires, il peut en faire de même à travers les bons de trésor.
L’emprunt obligataire c’est un appel de fond national à moyens termes. Avec un délai de paiement compris entre trois et sept ans, il ouvre des actions en monnaie locale à l’endroit des citoyens et autres. Une fois lancé, les citoyens et entreprises intéressés achètent alors les actions. Les actions s’élèvent souvent à 10.000 F CFA l’une avec un taux d’intérêt compris entre 5 et 6% pendant que le taux d’intérêt sur le marché ordinaire est de 4 ou 4,5%. Les entreprises souvent intéressées sont les banques et les assurances. Pour les acheteurs d’actions, l’opération a l’avantage d’être défiscalisée. Une fois l’échéance arrivée, le paiement se fait par tirage au sort. En terme de délais de payement par l’Etat demandeur, le bon de trésor, s’il est analogue à un emprunt obligataire, il est plus contraignant avec un délai de payement compris entre trois à quatre et au plus 12 mois.
Cette année, de janvier à mai, l’Etat togolais a déjà émis deux fois le bon de trésor parce qu’il n’y a pas d’argent. En fin décembre 2017, le trésor public lançait un emprunt obligataire de 60 milliards de francs CFA pour payer la dette antérieure. Quand ils ont lancé tout récemment le bon de trésor, l’action coûtait 1.000.0000 FCFA au lieu de 10.000 CFA. C’est dire que l’achat des actions n’est pas possible à tout le monde, si ce n’est à la minorité. Le bon de trésors est devenu une façon pour eux de blanchir leur avoir indûment acquis parce que partout où la République a connu l’endettement, est né de nouveaux riches. Quand un appel de fond passe par les bonds de trésor ou les emprunts obligataires, c’est l’Etat qui perd. L’Etat perd parce que pour intéresser les acheteurs des actions, l’investissement est défiscalisé d’après les spécialistes que nous avons approchés.
Tout comme à chaque fois que l’Etat parvient à quémander et obtenir un prêt auprès des partenaires, à la clôture de chaque opération, les griots de la monarchie s’en réjouissent de ce qu’ils appellent succès d’une opération. Laquelle ? Une opération d’endettement. Et pourtant, quand les spécialistes de la finance apprennent qu’un Etat prend de l’argent au niveau des banques pour payer les fonctionnaires, quand ils apprennent qu’il y a des emprunts obligataires, ou que les dirigeants émettent des bons de trésor à tour de bras, ils savent que dans ce pays ça ne va pas. Souvent dans ces environnements où la négociation des prêts est devenue le socle de l’économie, les structures qui gagnent sont les sociétés du genre SGI, Société Générale d’Intermédiation.
L’opacité est le vice le mieux accepté
Il existe ici et là une opacité qui dit tout par rapport à la complicité des premiers dirigeants dans l’enlisement de l’économie nationale. Après l’extraction minière, c’est le domaine portuaire qui regorge d’exemples éloquents. Nous voulons bien nous intéresser à un démembrement du port autonome de Lomé, la LCT, une société aux contours flous qui symbolise la corruption institutionnalisée au sommet de l’Etat. La LCT, c’est Lomé Container Terminal. Cette société est la réplique du troisième quai de Bolloré. La LCT est une société batard, on est en droit de se demander si elle n’est pas la propriété de Monsieur Faure Gnassingbé.
En 2012 naissait, un bras de Mer de 1,5 km sur 50 mètres au PAL, Port Autonome de Lomé. Tous les petits exploitants qui vivaient de la superficie à occuper par l’installation sont renvoyés manu militari, «la présidence veut le terrain», a-t-on laissé entendre. Deux sociétés associées de construction espagnoles, CYES-SOMAGUE, installent leur base. Un monsieur du nom de Kamperman dirige la LCT déjà née avant la construction de ses locaux. En 2014, les travaux ont avancé, Joris Thys remplace Kamperman, les travaux sont méticuleusement suivis par le DG du port autonome de Lomé. Celui-ci ne se fait pas discret sur le chantier.
La trésorerie du port a d’ailleurs servi à financer une partie de la construction. En plus du troisième quai de Bolloré, la LCT arrive avec un deuxième terminal, deux Mols s’affichent. En 2015, les activités commencent, le monstre est né, le montant de la réalisation, le propriétaire, le contrat signé avec l’Etat, tout ceci est mystère. La seule certitude, des dizaines de milliards de CFA sont passés par là. Lomé Terminal Container est, en effet, d’après nos investigations, une rallonge pour satisfaire les mécontents de l’installation du troisième quai de Bolloré.
Le colon blanc a occupé le port pour service rendu à la dictature de Faure Gnassingbé. Il estime que c’est son droit de jouir pleinement de ses bienfaits et n’entend pas se laisser bousculer par la demande exorbitante d’actionnariat de la part de ceux à qui il a rendu service. N’empêche que Faure Gnassingbé est actionnaire à 19 % dans le troisième quai. Un certain Patrick Kodjovi Senam Bolouvi dit Patou, directeur par effraction de la branche HAVAS de Bolloré et présentement recherché par la justice française, au point de s’obliger à la clandestinité d’abord aux USA et ensuite en Chine, représente les parts de son demi-frère Faure Gnassingbé. Mais pour monsieur Faure Gnassingbé, ce n’est que partie remise. En réalité, en vue de reprendre le poil de la bête sur une activité qui a de l’avenir, un autre projet de même nature dans le même port vient concurrencer le 3e quai, la LCT.
Bolloré fait la grise mine malgré l’apparente lune de miel : « les relations d’affaires entre le groupe Bolloré et l’Etat togolais ne ressemblent en rien à la lune de miel que décrivent les médias français, en raison de l’existence d’un certain nombre de désaccords », a dardé un proche de Faure sur les médias internationaux en réponse aux estocades contre le Togo dans la crise en cours contre la multinationale. Oui, le plus grand désaccord est l’existence du concurrent LCT.
Les rapaces de l’économie togolaise ont pu installer la LCT. Les activités de cette boîte ne s’arrêtent pas à ses installations visibles au port. Elles sont sur la mer. En effet, depuis l’arrivée de ce monstre opaque, les tonnages traités au PAL ont drastiquement augmenté, mais les chiffres d’affaires ont plongé. Le port en eau profonde de Lomé, d’après nos investigations, est devenu un port de transbordement.
Nos précieuses eaux profondes ne sont ni plus ni moins qu’une zone d’éclatement des produits. Les marchandises en transbordement ne rapportent rien à un port. Des bâtiments géants, souvent des navires MSC, ‘’Mediteranean Shipping Company’’, capables de naviguer avec des dizaines de milliers de containers viennent mouiller dans nos eaux et les petits bateaux de la LCT font le cabotage.
Le cabotage, c’est le fait pour de petits bateaux, de 1000 à 2000 containers par voyage, de faire de fréquents aller-retour afin d’éclater de grandes quantités de marchandises à partir d’un bâtiment géant en mouillage dans les eaux. La LCT dispose donc de plusieurs petits bateaux rompus à cette tâche. De par leur taille, certains de ces bâtiments géants qui mouillent en eaux profondes pouvaient payer jusqu’à 50 millions de CFA par jour.
Mais ici, ils ne paient rien, l’Etat perd, la LCT, qui fait le cabotage vers les destinations finales, est le bénéficiaire de cette activité maritime occulte. Au port autonome de Lomé, on compte les containers, sur la mer, les actionnaires inconnus de la LCT comptent l’argent et le port essoufflé par des sociétés sans propriétaires n’arrive à rien verser au trésor public. Pire il s’endette auprès des banques pour payer ses agents. Quelques semaines avant son départ du ministère des finances, le tout puissant Ayassor participait à une réunion du Conseil de Surveillance au port autonome de Lomé.
Le Conseil d’Administration y est attendu pour donner les résultats des activités portuaires. Conformément aux prévisions, le Conseil de Surveillance attendait du conseil d’administration 2 milliards de CFA qui devaient aller au trésor public comme dividende de la part du port. Le DG du port ne présente qu’un milliard. Comme justification, il avance que la LCT a refusé d’honorer ses factures au profit du port. Le Contre-Amiral d’ajouter que, quand il les a approché pour comprendre, le directeur de la boîte a martelé que le contrat que sa société a signé avec l’Etat ne lui fait pas obligation de payer ces factures.
Le Hic est que le tout-puissant Directeur du port avoue n’avoir jamais eu connaissance du contrat entre l’Etat et la LCT, scandale. Évidemment, s’il en avait connaissance, ses services techniques feraient économie de l’émission de ces factures que la LCT refuse d’honorer. Ainsi va la République, si un directeur du port ne connait pas les termes d’un contrat entre l’Etat et une structure qui gère présentement presque la moitié des activités de sa société, c’est dire donc qu’il n’en connait pas les actionnaires.
N’est-ce pas trop gros pour être un hasard ? Quel grand homme peut être derrière une société pour que ces anomalies soient possibles ? Mieux, tout comme pour le bitumage de la route du grand contournement de Lomé, la part de l’Etat togolais dans la construction de la LCT a été versée par le port autonome de Lomé. Pour des opérations de ce genre, l’Etat ouvre un compte séquestre où la société verse les sous dans le cadre du projet.
Quel extra-terrestre peut être le propriétaire d’une telle société où le port finance la construction sans en connaître les termes du contrat si ce n’est un monarque? Il faut dire que, c’est de cette façon que le port et ses démembrements fonctionnent. Aucun chiffre n’est exact ; souvent l’on est obligé de les gonfler pour afficher une apparente bonne santé. Mais pour prendre le pouls sur l’état de santé de notre port, il faut se rendre à ORABANK et à ATLANTIQUE BANK où les salariés sont domiciliés, il faut visiter les différents budgets pour voir ce que vaut la part du PAL au trésor publique.
La LCT est une société de droit français, à sa création, 123 agents du port y ont été transférés. A moins que l’Etat togolais, à commencer par monsieur Faure Gnassingbé, lève le secret-défense sur cette société, cette situation donne du crédit à ceux qui soutiennent que celui dont le nom a servi à créer cette société de droit français se trouve être le papa français de la femme française de quelqu’un. Ceci justifie-t-il cela ? Parfait jeu de rôle, sauf que la couleuvre est trop grosse pour être poliment avalée par les Togolais. Quels sont ces franco-chinois qui renversent tout le protocole et s’imposent au port, avalent une partie des activités du géant Bolloré en obligeant celui-ci à collaborer malgré lui ? Bolloré, c’est le serpent qu’on voit, on connait son rôle partout en Afrique.
Mais au Togo, il existe aussi des Bolloré chinois, des serpents du désert sans tête ni queux. Vous comprenez ici le pourquoi l’Etat togolais a entre-temps fait de la fameuse sécurité sur la mer une préoccupation nationale afin de préparer le terrain pour le trafic des Bolloré français et ‘’Bolloré chinois’’. Quel rôle joue le gestionnaire-économiste sorti de l’université de Haward dans ce montage financier aux relents d’une tragi-comédie? Si c’est monsieur le président qui a créé la LCT pour couper l’herbe sous les pieds du colon français, c’est une bonne chose même si éthiquement parlant, on ne peut pas être homme d’affaire et président de la République à la fois.
Mais qu’on nous dise que gagne le Togo de l’existence de la LCT surtout que le port a participé à la construction? Il n’existe que deux options. Soit Monsieur Faure G. est le propriétaire de la LCT et donc il se révèle comme le premier homme le plus corrompu des Togolais, soit il ne sait pas ce qui s’y passe et il n’est pas excusable.
Dans une République où de ces cas de figure prospèrent, que peut-on attendre d’une économie nationale si ce n’est l’endettement, les emprunts obligataires et bons de trésors ? Voilà une République où, de la Mer aux minerais, en passant par les banques et centre de santé, tout ce qui a la malchance d’être géré par l’Etat, tombe en faillite. Quand les dirigeants se réveillent, leur seule activité est comment obtenir des prêts pour financer la survie de la monarchie où construire des chinoiseries mendiées comme si leur pays est né pour mendier. Autant il est impossible de faire le bilan des crimes de sang, autant il est impossible de faire le bilan des crimes économique aussi longtemps que cette racaille occupe les armoiries de la République.
Si nous devons nous considérer comme une génération sacrifiée, nous avons donc des raisons de craindre pour les générations à venir. Une délinquance financière a élu domicile au sommet. Même si l’on a bien envie de nous dire que l’Etat est une continuité, on se demande s’il n’est pas grand temps que les bailleurs de fonds arrêtent d’accorder des prêts au Togo au risque que les générations futures s’arrogent le droit de refuser de reconnaître ces dettes contractées.
Source: Rendez-Vous N°329 de ce jeudi 05-07-18/ Dossier ABI-ALFA
Source : www.icilome.com