Les cérémonies funéraires en pays kabyè

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Togo

Dans la quasi-totalité des familles togolaises et quelle que soit leur ethnie, le décès d’un membre est l’occasion de rites funéraires. Chez les Kabyès dans le nord du pays, le mois de février est la période y consacrée, à travers d’importantes cérémonies ; une manière pour les vivants, selon la tradition, d’accompagner et de rendre hommage aux défunts. Elles sont fonction du statut social et personnel de celui-ci, mais également des circonstances et des causes du décès.

Chez les Kabyès au nord du Togo, les cérémonies funéraires ont lieu de février à mars. « C’est cette période qu’à choisie le peuple kabyè pour se souvenir de ses morts et pour leur rendre un hommage digne et mérité » souligne M. Kélèm Padabo TATA, professeur de philosophie à l’Université de Kara.

En réalité, dans cette ethnie, le délai de l’accomplissement des cérémonies funéraires qui ne se font qu’une seule fois, court une année après que l’enterrement ait eu lieu et interviennent après la période des récoltes.

La mort étant classée chez ce peuple selon des critères précis que sont le sexe, l’âge, le statut social, le type de maladie, la cause et les circonstances du décès, les rites funéraires dans la même logique se conforment à l’exigence du prestige social conféré au défunt et selon sa classe d’âge.

Ainsi sont dignes de funérailles, les femmes âgées de 65 ans et les hommes de 70 ans minimum « A ces morts, il est réservé les rites funéraires appelés «Soo »et « Kigbèleng » qui sont des moments de réjouissances populaires » révèle M. TATA.

« La mort d’une personne âgée revêt une signification particulière. Pour le peuple kabyè, le défunt a fait son temps et il peut rejoindre le monde des ancêtres. Ainsi, les funérailles sont prévues pour fêter le retour éternel du défunt. Elles sont alors organisées de façon grandiose pour honorer la mémoire du disparu. Elles permettent d’accompagner les défunts dans leur voyage vers le monde des esprits et de faire d’eux des ancêtres.

Si des funérailles ne sont pas célébrées, l’esprit du parent décédé va souffrir et errer dans la nature. Parfois, il peut, dans ces conditions, menacer les vivants.

Mais une fois faites conformément aux prescriptions réglementaires, cet esprit protège la vie des vivants. De temps à autre, on l’invoquera par des offrandes pour solliciter sa grâce, ses faveurs, sa protection devant une menace», explique le professeur.

En revanche, ne sont pas dignes de funérailles, l’enfant, l’adolescent ou le jeune qui n’a pas encore fini sa mission sur terre avant de rejoindre les ancêtres. Au cours des cérémonies relatives au décès de cette catégorie de personnes, il est interdit de boire et de danser.

Ceux qui le feraient seront accusés d’avoir un lien avec cette mort. De même, les victimes d’accident ou de maladies « mauvaises » n’ont pas droit à de funérailles grandioses.

A qui revient le devoir d’organiser ces rites ?

Les funérailles sont en général fixées et organisées par la famille du défunt. Mais en réalité les gendres apportent un appui important à leurs beaux-parents sous des formes multiples. Selon M. Amah, agent à l’Office Togolais des Recettes ( OTR) et mari d’une femme kabyè, « depuis la dot jusqu’au mariage, les gendres sont impliqués dans tous les évènements de leur belle famille, y compris les funérailles. C’est l’occasion d’une sorte de challenge entre eux pour démontrer aussi bien à la belle-famille qu’à leur femme non seulement leur attachement, mais aussi les moyens financiers dont ils disposent. Ainsi, celui qui ne le ferait pas, couvrirait sa femme de honte », précise-t-il.

C’est dire donc qu’en pays kabyè, les belles-familles du défunt sont au cœur des cérémonies funéraires. Les membres de sa propre famille ne sont véritablement sollicités que lorsque qu’il n’a pas de fille mariée. Il faut noter que même divorcée, la femme a droit à cet honneur de son ex-mari, surtout lorsqu’il y a des enfants. « Une femme qui a convolé à plusieurs noces, doit faire bénéficier à sa famille de la contribution de tous ces maris » note le professeur.

De fait, le gendre est souvent averti suffisamment à temps pour lui permettre de se préparer à affronter les dépenses. Les exigences traditionnelles sont sommaires : faire un repas avec la pâte du sorgho, présenter un grand pot entre 75 et 100 litres de bière locale fait à base du sorgho, ainsi qu’un gros bélier dont la viande est partagée entre les deux familles

Endettement :

Ce rituel traditionnel et très simple a beaucoup évolué de nos jours. La modernité y est convoquée, engendrant pour certains de douloureuses conséquences. Ainsi, pour se plier à la tradition, certains gendres réalisent d’importantes économies sur leurs revenus , voire s’endettent pour ne pas être couverts de honte. Ici comme souvent ailleurs, on dépense désormais beaucoup pour enterrer et honorer les morts. M. Amah nous raconte comment la disparition l’année dernière de sa belle-mère a été pour lui une galère. « Il m’a été demandé de prendre en charge l’organisation des funérailles ; étant l’époux de la fille aînée. Heureusement que mon co-beau m’a soutenu en prenant à son compte les dépenses liées à la veillée, à la fanfare, à la réfection des locaux, au repas populaire, à la boisson, ainsi quelques animaux de sacrifices. En réalité, il a tout fait à ma place. C’est lui qui a sauvé mon honneur. Mais ce n’était pas gratuit. A présent, je lui suis redevable d’une importante dette » se lamente l’agent de l’OTR. Ce douanier que nous avons rencontré révèle pour sa part avoir dépensé plus de 5 millions de FCFA pour les funérailles de son beau-père il y a quelques mois.

« Quand on aime, on ne compte pas » dit l’adage. Même pour les morts, doivent se consoler ceux qui sont obligés de s’endetter pour honorer une tradition, qui pourtant n’en exige pas autant.

Nana GARBA (Stagiaire)

Source : www.icilome.com