Le pouvoir tient à ses législatives malgré les appels tous à son report. Cependant à mesure que la date du 20 décembre approche, un climat anxiogène règne dans le pays au point que l’après-législatives laisse présager une grande inconnue.
Le samedi 15 décembre dernier, une délégation de la Conférence des Eglises de toute l’Afrique (CETA), de l’Eglise catholique, des Cadres musulmans du Togo et du Conseil chrétien du Ghana s’est rendue chez le Facilitateur Nana Akuffo-Addo. L’objectif était d’interpeller les chefs d’Etat ghanéen et guinéen impliqués dans la crise togolaise. Les hommes d’église ont « demandé à travers le facilitateur Nana Akuffo-Addo, de poursuivre les efforts afin qu’une solution durable soit trouvée à la crise togolaise ».
Un énième en appel.
En effet la semaine dernière, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro a, au cours d’une rencontre avec la presse, interpellé Faure Gnassingbé dans sa volonté manifeste d’organiser les élections législatives dans les conditions actuelles. « Excellence Monsieur le Président de la République, cher fils, laisse-moi te dire que tu as aujourd’hui la grâce de présider aux destinées du peuple togolais. Je voudrais te demander, implorant le Grand Dieu, notre Père très miséricordieux, en toute humilité, d’user courageusement de toutes tes prérogatives pour proposer un nouveau calendrier réaliste et consensuel en vue des élections législatives », a-t-il déclaré. Pour le prélat, témoin vivant des événements que le pays connaît depuis le 05 octobre 1990 qui a conduit à la conférence nationale souveraine qu’il a lui-même présidée le 20 décembre ne doit pas être une date « fétiche au détriment du bien commun et dans l’intérêt supérieur de la nation togolaise ». « Chaque vie humaine étant sacrée, le Seigneur Dieu ne saurait rester sourd à une énième effusion de sang des fils et filles de ce pays », a-t-il prévenu. Mais les interpellations de Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, le père de la Constitution de 1992 tombent dans les oreilles de sourd.
Bien avant la deuxième sortie de l’évêque sur la crise togolaise, les cadres musulmans du Togo, les églises méthodiste et presbytérienne ont demandé aussi le report du scrutin législatif. Devant la presse le 04 décembre dernier, les responsables de ces églises n’ont pas manqué de souligner leur insatisfaction par rapport à l’application de la feuille de route de la CEDEAO. « Les réformes n’ont toujours pas été faites et… la révision du fichier électoral a été faite par la CENI sans l’ensemble des acteurs », ont-ils regretté. Dans leur intervention, ils ont invité le pouvoir en place à ne pas considérer le report comme une faiblesse. « La décision ne devrait pas être interprétée comme le signe quelconque d’une faiblesse, mais plutôt comme une preuve d’amour pour le peuple et une manifestation du sens de la responsabilité », ont souligné les pasteurs de ces églises qui craignent le risque « d’exacerbation de la crise sociopolitique et d’une nouvelle dégradation du tissu social ». La même est crainte est exprimée par les évêques togolais réunis au sein de la Conférence épiscopale du Togo (CET). Ces derniers ne manquent pas de tirer la sonnette d’alarme sur le danger que court le pays.
Il faut aussi relever les appels incessants du Front citoyen Togo Debout à l’endroit du pouvoir en place sur son obsession à organiser les législatives à tout prix le 20 décembre. Les mêmes préoccupations sont portées par les Forces vives « Espérance pour le Togo », un regroupement des associations de la société civile. Le mouvement a prévu un meeting dimanche passé, mais le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Payadowa Boukpessi qui viole allègrement l’un des principes élémentaires de la démocratie qu’est le droit de manifester a, à travers un courrier, interdit la manifestation. S’inscrivant dans la non-violence et surtout dans le dénouement pacifique dans la longue crise togolaise, les responsables d’ « Espérance pour le Togo » ont obtempéré.
Psychose et incertitude à l’horizon
C’est le dernier virage des élections truffées d’irrégularités que le pouvoir en place s’apprête à organiser. Les partis satellites au régime cinquantenaire s’activent et inondent les médias pour passer leurs messages creux. C’est au bal macabre des opportunistes que nous assistons. Puisque ceux qui vont à la conquête des voix pour accéder à l’hémicycle ferment curieusement les yeux sur les tueries de leurs concitoyens. Mais le chemin menant à l’Assemblée nationale n’est pas pourtant facile. Il peut se révéler une chimère pour le pouvoir et ceux qui ont accepté de l’accompagner. En effet, la Coalition de l’opposition ne lâche pas la pression. Au contraire, elle se dit déterminée.
« Comment faire en sorte qu’on comprenne que les Togolais ne veulent pas des élections qui sont planifiées ? Comment faire en sorte que nous évitions les dangers vers lesquels ces élections nous conduisent. Nous avons plaidé pour l’arrêt de ces élections comme les Togolais le souhaitent », a déclaré la Coordinatrice de la C14, Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson à la suite de la visite au chef d’Etat ghanéen le week-end dernier. Aussi la Coalition attend-elle de voir la réaction de la CEDEAO une fois que la violence va continuer. Toutefois, elle a appelé les populations à empêcher par tous les moyens ces élections.
L’appel de la Coalition semble suivi. A Lomé, la peur gagne les populations qui sont dans la crainte des lendemains du 20 incertains. Nombreux sont ceux qui disent respecter l’appel au boycott de la Coalition pour ne pas avaliser la forfaiture électorale. Déjà, beaucoup font des approvisionnements en vivres et s’imposent eux-mêmes des couvre-feux. « Nous avons décidé de ne plus sortir cette semaine de la maison au-delà de 20 heures », a affirmé un habitant de la banlieue nord-est de Lomé. Cette psychose laisse présager le taux d’abstention record de ces législatives. C’est donc un désaveu total qui se prépare pour le pouvoir et pour tous ceux qui l’accompagnent.
Aussi la crainte est-elle renforcée par la présence militaire dans certains quartiers périphériques de la capitale. La convocation des anciens combattants fait craindre le pire. « X honneur vous demander X vouloir bien convoquer anciens militaires de vos armées X directions et services X partis régulièrement à la retraite entre 2010 et 2018 X intéressé devront rejoindre leurs anciennes unités respectives X au plus tard samedi 15 décembre 2018 X délai de rigueurX point de situation journalier des effectives réalisés au CEMG X et fin », note signé le Général Abalo Kadangha.
Le spectre d’élections-contestations-répressions se profile encore au Togo. Ce cycle infernal trouve malheureusement sa caution chez ceux qui ont décidé de fermer les yeux au gré de leurs intérêts sur la tragédie togolaise et d’accompagner le règne dynastique des Gnassingbé.
Source : www.icilome.com