A chaque début de mandat, il a l’habitude d’aligner un catalogue de bonnes intentions qui n’est jamais traduit dans la réalité.
Dans un entretien en avril dernier accordé à FDI Intelligence Magazine, Gnassingbé Essozimna Faure a dressé le chantier de son 4ème mandat. Sans qu’on ne voit un début de réalisation de ses ambitions, on assiste plutôt à une effroyable série de films d’horreur au Togo. Assassinats et bavures militaires ou policières se succèdent.
Les quatre priorités de Faure
Dans sa sortie en anglais avec FDI Intelligence Magazine, le chef de l’Etat réélu (sic) pour la 4ème fois résume ses priorités en quatre points :
- # «Premièrement, pour assurer la paix et la sécurité : notre région connaît une situation sécuritaire, particulièrement volatile et sensible. Nous avons la responsabilité de protéger la population. L’émergence de la crise sanitaire du coronavirus est un autre rappel de notre obligation de vigilance permanente et de conjuguer les mesures préventives et défensives » précise d’entrée Faure Essozimna Gnassingbé.
- Pour le Chef de l’Etat, la seconde priorité est de mettre en place une structure de gouvernance plus ouverte et inclusive. « Cela nécessite [que nous] mettions en place des mécanismes qui facilitent une plus grande implication de chacun dans le [processus] de prise de décision. J’en suis convaincu, cela renforcera la responsabilisation et permettra à la population de suivre les décisions qui seront prises », a détaillé le Président Faure Gnassingbé.
- Le troisième objectif du Chef de l’Etat sera de maintenir la production de richesses en accélérant le développement des secteurs à fort potentiel aligné sur le plan national de développement 2018-2022. Cela comprend la poursuite de grands projets d’infrastructures tels que la modernisation de notre port et la construction d’une route nationale entre le nord et le sud du pays. “Nous améliorerons également l’accès aux services sociaux de base pour notre population, en particulier les plus vulnérables. Par conséquent, nous continuerons à mettre en œuvre notre stratégie d’accès universel à l’énergie et à mettre en place des stratégies spécifiques pour l’accès universel à l’eau et à l’assainissement”, a-t-il dit.
- Des services publics plus proches des populations grâce à la technologie numérique. Cette facilitation à l’accès à plusieurs processus administratifs est le dernier objectif du Chef de l’Etat.
De belles promesses comme il en a l’habitude, mais rien au finish de sorte que très très peu de Togolais ne prêtent plus attention à ses dires.
Comme les autres mandats, on n’attend rien comme miracle de Faure Gnassingbé. Mais plus désolant, ce 4ème mandat démarre avec trop de sang innocent qui coule.
Le mandat très ensanglanté
Le règne des Gnassingbé rime avec des crimes de sang dans la grande impunité. Mais le début du 4ème mandat s’annonce très dramatique.
Malgré la pandémie de coronavirus qui a réduit drastiquement la mobilité dans le pays, trop de morts gratuits se comptent dans le pays. Un véritable pied de nez à la première priorité de Faure Gnassingbé : assurer la paix et la sécurité.
D’abord le couvre-feu instauré dans le cadre de la riposte contre la Covid-19, a été plutôt une occasion pour les forces de sécurité et de défense de multiplier les viles exactions sur les populations. Plusieurs victimes ont été enregistrées dont les plus effroyables sont Gueli Kodjosse et Dodji Koutouati.
Le premier tué à Avédji avec des testicules écrasés le 11 avril dernier alors qu’il se rendait d’urgence au service pendant le couvre-feu. Curieusement, le ministre de la Sécurité et de la Protection Civile Général Yark Damehame a déclaré plus tard qu’il est mort d’une crise d’épilepsie, une position loin de convaincre la famille.
Le second a été retrouvé mort non loin de son domicile au quartier Adakpamé à Lomé le 23 avril dernier. Selon ses proches, il a été froidement abattu par les éléments de la force anti-pandémie alors qu’il est sorti pour faire ses besoins, son domicile n’ayant pas de latrine. Dans un communiqué en date du 24 avril, le ministre de la Sécurité indique que « l’examen du corps relève des hématomes laissant présumer des sévices corporels au moyen de bâton dont aurait été victime le défunt. En outre, des informations recoupées sur les lieux font état de ce que la victime qui dormait avec son épouse serait sorti aux environs de 23h dans la nuit du 22 au 23 avril 2020 pour des besoins à proximité de son domicile. Ayant constaté l’absence prolongée de son époux, la femme a alerté vers 2h du matin les voisins qui malheureusement ne pouvaient entreprendre des recherches du fait du couvre-feu. Ce n’est qu’au lendemain aux environs de 5h au petit matin que le corps inanimé de l’intéressé est découvert devant la maison ». Et d’ajouter : cet « acte crapuleux » ne restera pas impuni. De fait, une enquête diligente conduite par la gendarmerie a été ouverte pour retrouver les auteurs et complices, a-t-il souligné, avant de présenter ses condoléances à la famille éplorée.
Le ministre Yark dans une intervention à RFI le 30 avril a avoué qu’« enquête est en cours et tout porte à croire quand même que la personne a été violentée par des corps habillés ».
Comme si cela ne suffisait pas, c’est le Chef Corps du Premier Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) Colonel Madjoulba Bitala qui a été assassiné dans son bureau dans la nuit du 3 au 4 mai 2020 à Agoè-Nyivé Sogbossito. A ce jour, aucun communiqué officiel n’a été fait autour de cette mystérieuse mort.
Le week-end du 16 mai dernier, c’est un accident de circulation qui a emporté quatre militaires dans la faille d’Alédjo alors qu’ils revenaient d’une mission à Kara.
Le même week-end, c’est un litige foncier dans de sanglants affrontements entre Konkomba et Lamba dans les localités de Namou, Natchibore, Natchitikpi et Kinassibou dans la préfecture de Dankpen. Un mort et plusieurs blessés graves dont le maire de Dankpen 2.
A Aglamassoé dans la préfecture de Moyen Mono, la population a été littéralement rossée par les grenades lacrymogènes le 18 mai pour avoir « osé dénoncer les abus des bœufs des Peuhls». Il s’agit d’une affaire de transhumance vieille de plusieurs années sans solution jusqu’alors.
Le combe s’est produit le jeudi 21 mai dernier. Un jeune laveur de moto, Agbende-Kpessou Hega alias Mohamed a été tué par un policier . « A la suite de cette dispute, un fonctionnaire de police en service dans les environs a dû, dans des circonstances non encore explicables, faire usage de son arme atteignant ainsi mortellement cet automobiliste » a communiqué le ministre de la Sécurité qui encore ajoute que « ce grave incident ne restera pas impuni ».
Dans le pays, l’émotion, l’indignation et la consternation sont les sentiments partagés. Dans l’espace de deux mois, cela fait combien de morts finalement sans compter les braquages quotidien dans le pays au moment où Faure Gnassingbé justifie son 4ème mandat par la paix et la sécurité ?.
Quel est ce mandat avec autant de malheurs et de mauvais présages ?
Pour tout dire, cela commence très très mal ce mandat de trop et de la honte. Curieusement, en aucun moment, le chef de l’Etat n’a pipé un seul mot sur ces tristes événements. Pourtant, il est en même temps le ministre de la Défense. Doit-on finalement conclure qu’il est complice des exactions de ses éléments ?
Kokou Agbemebio
Source : Le Correcteur No.933 du 25 mai 2020 (lecorrecteur.info)
Source : 27Avril.com