Le Tour de Garde : Chronique d’une défaite annoncée

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Le Tour de Garde : Chronique d’une défaite annoncée

« Tromper la bonne foi d’autrui est pire que de le léser » –
Le Talmud

La C14 ou la fabrique de l’échec

La coalition des 14 partis de l’opposition togolaise est agonisante. Elle gît, pantelante, frappée au cœur pour avoir enterré la lutte telle qu’elle s’est amorcée le 19 août 2017. Le jour où elle a accepté de mettre les marches entre parenthèses pour se retrouver à la table d’un dialogue piégeur, la C14 s’est fait hara-kiri. Toute la communauté internationale a compris, en même temps que Lomé 2, que la coalition manquait de sérieux et qu’elle venait de perdre la partie. Le reste, jusqu’à la parodie d’élection du 20 décembre 2018, n’était qu’un déroulé logique. Autant le dire d’emblée : Je ne suis pas de ceux qui croient que le boycott des élections fusse une erreur. Dans les rets tissés bien en amont et dans lesquels la C14 s’est engagée tête basse dès l’entame du dialogue, elle ne pouvait en sortir que de deux manières : légitimer la forfaiture de la satrapie en participant à des élections de pure forme ou prendre comme un moindre mal l’option du boycott. Il faut croire que la dictature togolaise connaît bien son opposition ; aussi bien que si elle l’avait fabriquée de toutes pièces en l’ayant sous son entier contrôle. Sommes-nous si éloignés de la vérité ?

Aujourd’hui, il faut tirer les leçons de ce choix funeste d’abandonner la proie de la revendication populaire pour l’ombre feutrée d’un dialogue de salon. Ceux qui ont imposé cette option au sein de la C14 sont connus. Cette ligne improductive était assumée par des figures qui doivent s’éclipser et laisser émerger les tenants du maintien du rapport de force permis par les marches qui devaient se poursuivre, surtout si un dialogue devait s’amorcer. Malheureusement ils sont toujours barrés, ceux de la C14 qui avaient eu la prescience de l’impasse du dialogue. Il leur revient de prendre le devant et d’imposer leur ligne stratégique seule à même de remobiliser le peuple. C’est la dure loi de la politique et le gage des succès futurs. Elle est valable partout et par tous les temps – sauf au Togo où les mêmes acteurs, chevauchant les mêmes stratégies perdantes, bouchent les mêmes horizons pour les mêmes échecs en légitimant la même dictature depuis plus de trente années de lutte du peuple togolais. C’en est assez !

Un conclave en trompe l’œil et à cloche pieds

On ne peut pas maintenir aux forceps la C14 dans les lignes stratégiques qui ont perdu avec les mêmes acteurs décisionnels et ensuite espérer réussir à arracher l’alternance au Togo. C’est un non-sens absolu et un rêve éveillé dont il faut rapidement se sortir. Aujourd’hui, il n’est pas question de craindre un crash pour l’aéronef de la C14. Avec M. Fabre et Mme Adjamagbo dans le cockpit. Point d’inquiétude, l’avion Togo ne risque pas de décoller.

Il est temps que les acteurs politiques togolais se hissent au niveau du peuple et atteignent la gravita qui fait la trame des leaders et des hommes d’État, pragmatiques, capables de vision sociétale favorable à la victoire du peuple.

Au lieu de quoi, M. Fabre et Mme Adjamagbo ne veulent établir aucun bilan de la formidable impasse dans laquelle ils ont fourvoyé le peuple et sa belle lutte savamment construite et portée par une vigoureuse lame de fond. Partout une révolte populaire de cette ampleur aurait donné des résultats tangibles pour le peuple dans sa quête de liberté et de démocratie. Mais au Togo le capital d’une mobilisation monstre sur une période de temps très longue avec des sacrifices multiples et parfois suprêmes peut être tranquillement « vendangé » par certains leaders. Sans sourciller. Pire encore, ils s’autorisent l’outrecuidance de plastronner, de louvoyer et de ruser par de vaines tentatives d’étendre leur incurie à toutes les forces vives de la nation à travers le sot projet d’ouverture de la C14 à tout vent, en un vaste mouvement englobant toutes les forces vives de la Nation. Un échec. Qu’à cela ne tienne ! Il faut à présent conduire la C14 à se plier devant Sa volonté d’être adoubé comme figure de proue des futures échéances électorales. Toutes les postures et impostures sont permises, pourvu qu’on demeure le chef et de préférence sans aucune reddition de comptes au vrai mandant qu’est le peuple togolais. Le Comité d’action pour le renouveau (CAR), le Parti national panafricain (PNP), Le Togo Autrement…ont eu une saine réaction en refusant de participer au conclave de la honte proposé par les « soutiens objectifs de la dictature de Lomé 2 » que sont devenus M. Fabre et Mme Adjamagbo. A ce titre, ils devront être combattus farouchement, autant que le régime qu’ils servent désormais avec zèle et désinvolture. Ces hommes du passé d’une lutte trentenaire deviendront bientôt les acteurs du passif s’ils persistent à « tromboner » le peuple et ses nouveaux leaders qui ne demandent qu’à reprendre le flambeau de la contestation avec des idées et des stratégies neuves.

Dépasser la C14 et refonder la lutte

La C14 est morte par excès de fabrisme ou par autisme. Cela revient au même. La lutte est retombée comme un soufflet dès le sit-in de Dékon. Ce soir-là, l’ex-chef de file de l’opposition a fait asseoir le million de togolais assoiffés de changement sur la place, l’arme au pied, en attendant l’arrivée des « tontons macoutes » pour une répression sauvage. J’étais des observateurs qui avaient daté de cet évènement la mort de la lutte telle que proposée par le peuple. Ne restaient plus que les marches de complaisance de Kondjindji à la plage qui n’ont jamais empêché le pouvoir togolais de dormir. Lomé 2 en a du reste bien compris l’innocuité en les cantonnant désormais dans ce périmètre inoffensif. La suite n’en sera que la confirmation cynique et brutale.

Il devient à présent urgent que M. Fabre et la coordinatrice de la C14 s’effacent du devant de la lutte. Vous avez déjà « avalé » une génération de jeunes leaders. Le peuple ne vous permettra pas d’en engloutir une deuxième. Reculez ! si vous avez une once d’amour pour ce peuple martyr. Vous ne manquez pas de mérite mais vous avez laissé passer le kaïros. Il faut en tirer toutes les conséquences et faire le salutaire pas de côté pour éviter le jugement de l’histoire. Il sera impitoyable si vous persistez. Comment voulez-vous crédibiliser votre lutte pour l’alternance si vous n’êtes pas capables d’y souscrire au sein de vos partis et à la tête du combat du peuple que votre orgueilleux entêtement a dévoyé.

Il faut refonder le combat de libération du Togo. Rien n’est acquis. Tout reste à conquérir. Les errances dans des positionnements vains et le rêve du « candidat naturel » en vue d’une élection majeure sans les réformes préalables est une véritable calamité qui dénote de l’hybris de son auteur. Penser aujourd’hui à doter la C14 de structure, en pleine Bérézina, est un anachronisme. Aucune réforme substantielle ne se fait dans la tempête. À moins qu’elle ne soit cosmétique et destinée à masquer le déni de réalité de ceux qui refusent obstinément de rendre véritablement des comptes à la nation. Le cadavre de la C14 n’a plus besoin de structure. Le peuple veut qu’on lui propose autre chose qu’un destin de croque-mort.

Il faut poursuivre la lutte et la mobilisation de l’ensemble du Togo. Exiger et obtenir les réformes avant toute participation à de futures élections. Renforcer la plate-forme revendicative par la réclamation de véritables assises de refondation de la nation et du vivre ensemble au Togo.

L’opposition, souvent bernée, a entraîné le peuple qui lui est très majoritairement acquis, dans les abîmes de l’échec et d’insurmontables contradictions. Il est désormais question pour certains partis de la C14 de prendre part aux futures consultations électorales, sans les réformes nécessaires à la bonne respiration du pays. Tel le chien qui revient à son vomi, on se prépare à jeter par-dessus bord la logique intrinsèque d’un boycott massif des législatives du 20 décembre 2018, brandi à juste titre comme une victoire du peuple. Aller aux élections, mais avec quel fichier électoral ? Pire encore avec quels électeurs et pour quels résultats ? Aller aux élections avec quel monitoring sans une présence à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et dans ses démembrements. Aller aux élections c’est en définitive compter sur la mansuétude de l’adversaire pour compétir et…. le battre après avoir demandé et obtenu de ses électeurs potentiels de ne pas s’inscrire sur les listes électorales. Est-on vraiment sérieux avec ce peuple qui a tant sacrifié pour sa liberté ?

Il faut à présent redonner du corps et de la consistance à la mobilisation qui doit s’accentuer et s’élargir. L’urgence est au renouvellement des acteurs, des méthodes et des stratégies tout en élargissant la base revendicative aux dimensions d’une véritable Constituante. Toute autre gesticulation électoraliste et politicienne au nom de la C14 est le signe d’une contrition imparfaite qui confine à la mauvaise foi et à la forfaiture.
Le perdant qui ne reconnaît pas sa défaite est tout aussi dangereux que le vainqueur, superbe et ivre de sa victoire. Aucun ne mérite la confiance du peuple.

Jean-Baptiste K.

27Avril.com