« Le Togo comme il va » : Chronique des insurrections armées/coups d’Etat…à la togolaise 6 December 2019

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« Le Togo comme il va » : Chronique des insurrections armées/coups d’Etat…à la togolaise                                                                            6 December 2019
Une partie d’auteurs présumés arrêtés par les forces de sécurité

Le Togo est une curiosité confirmée dans le monde. Au-delà des cocasseries et autres faits divers animés, le pays sous Faure Gnassingbé a cette particularité de connaître de ces histoires de coups d’Etat, tentatives d’insurrections à la togolaise et autres faits connexes qui doivent faire pouffer de rire sous des cieux normaux et donner aux Togolais l’image de clowns. Le dernier cas en date, c’est sans doute cette affaire d’insurrection armée avec machettes et gourdins qui a connu un rebondissement mardi, avec la présentation des « insurgés » et le corps du délit dont des habits préparés mystiquement…Petit tour d’horizon.

Insurrection armée au 21e siècle avec machettes, gourdins… !

Les Togolais qui avaient cru à la « yarkerie » du samedi 23 novembre dernier se comptaient déjà sur le bout des doigts. Des individus habillés en noir, munis de machettes et de gourdins qui arrachent aux gendarmes armés d’AK47 et en patrouille à 2 heures du matin leurs armes ! La sortie n’avait pas fini de faire marrer que le substitut occasionnel de YarK Damehame en rajoute. Machettes, gourdins, lance-pierres, flèches, gris-gris, habits mystiquement préparés…c’est là le corps du délit, l’arsenal lourd (sic) qui aurait servi à mener l’insurrection, à en croire le Directeur Général de la Police nationale, le Lieutenant-colonel Yaovi Okpaoul. « Comme au temps de David et Goliath », glose un confrère.

« On a trouvé 86 machettes dans une perquisition chez un seul individu, les frondes avec les projectiles qui sont fabriqués en fer, des lance-pierres, des flèches qui sont traditionnellement empoisonnés (…) », a débité Okpaoul qui était manifestement conscient qu’il n’arrivait pas à convaincre les journalistes qui lui avaient tendu le micro, au point d’être obligé de dire, comme pour agrémenter sa thèse : « Il faut voir la dangerosité de ces petits canifs qui étaient préparés par centaine. Lorsqu’ils vous croisent et que vous ne voulez pas obtempérer, ils vous l’enfoncent dans l’abdomen ». Un confrère appréhende ces propos comme mettre un peu de bouillon (cube) dans la sauce pour lui donner du goût. L’exercice doit être dur pour lui, n’y étant pas habitué, au contraire de son patron Yark Damehame qui en est devenu un érudit. Le plus cocasse dans tout cela, c’est que les quatre (04) AK47 que les insurgés (sic) armés seulement de machettes et de gourdins auraient arrachés, comme dans un dessin animé, aux gendarmes en patrouille à 2 heures du matin ce samedi 23 novembre, n’ont pas été présentés. Pas un mot n’a été pipé là-dessus.

Les Togolais ont eu plutôt l’impression d’avoir assisté à un concert-party et n’ont pas manqué de se marrer. Quelques réactions concoctées sur la toile : « Une vraie comédie ! C’est avec ces vieux coupe-coupe et couteaux rouillés qui n’ont plus été aiguisés de longues dates qu’on fait une insurrection pour déstabiliser le Togo ? Il fallait au moins aiguiser ces objets pour tenter de faire croire vos montages et mensonges ! » ; « Rions un peu. On a de sérieux problèmes avec nos dirigeants. Coupe-coupe rouillés, lance-pierres, gourdins, ils vont à la chasse aux animaux ou c’est pour une réelle insurrection ? Sans aucune honte, ils nous présentent ça? » ; « Heureusement que nos forces armées sont bien équipées, sinon ces « insurrecteurs » allaient même embraser la sous-région (…) Vive le Togo libre » ; « Franchement, ils sont bien armés pour déstabiliser l’équipe de Yark! En tout cas, le ridicule ne tue pas. Qu’avons-nous fait au bon Dieu pour mériter ces médiocres gens? ».

Le cas MCA en 2010

Fulbert Attisso, Nicodème Habia, Guillaume Coco. Les deux premiers sont aujourd’hui responsables de partis politiques, respectivement Togo Autrement et Les Démocrates, et font tranquillement leur politique ; le troisième est le Président de l’Association pour le bien-être juvénile (ABEJ), mais s’est manifestement mis en retrait de la lutte. Ce trio avait défrayé la chronique en 2010, dans le cadre de l’élection présidentielle d’alors, avec une structure commune appelée Mouvement pour l’alternance et le changement (MCA). Il était présenté comme le cerveau d’un soulèvement populaire, d’un complot de déstabilisation ou d’insurrection armée – c’est selon – à l’époque coïncidant avec l’élection présidentielle. Comme dans le cas d’actualité, le corps du délit était aussi très lourd (sic), composé de gris-gris, de préparation mystique…Quelques extraits d’un compte rendu de la Gendarmerie à l’époque.

« Les services de la Gendarmerie du Togo ont été renseignés que certains individus venus spécialement de l’étranger, s’apprêtaient à commanditer des actes de nature à perturber le bon déroulement du processus électoral. Il s’agit de Kouma Kodjo Jérôme, Benissan Tetevi Jacob, Glokpo Kokou et leur chauffeur nommé Gbadekpe Yawo. Ces individus sont les soutiens financiers d’un mouvement clandestin dénommé MCA qui prône la violence. La Gendarmerie était à leur trousse lorsque dans la nuit du 03 mars 2010, aux environs de 09 heures 30 minutes, ils ont été signalés au poste de contrôle de Kégué alors qu’ils se rendaient à Akoumapé. Ils ont été aussitôt interpellés et gardés à vue à la Gendarmerie sur instruction du Procureur de la République. Poursuivant les investigations, nous interpellons dans la même nuit cinq autres individus au domicile d’un charlatan à Akoumapé. Ils étaient en possession des amulettes devant les rendre invulnérables lors des affrontements avec les forces de l’ordre (…) Interrogés, ceux-ci déclarent avoir été envoyés par Attisso Fulbert et Koko Guillaume, responsables du MCA. Ils ont été également gardés à vue sur instruction du Procureur. Les recherches entreprises ont permis le 06 mars 2010 d’appréhender les susnommés dans leur cachette au quartier Kagomé. Une perquisition opérée à leur domicile a permis de découvrir les listes des jeunes recrutés par le mouvement, les listes de présence aux réunions, les procès-verbaux de ces réunions, les communiqués dont l’un devait être lu le 07 mars après la proclamation des résultats. Ce communiqué appelait les jeunes à un soulèvement populaire au lendemain de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle (…) ».

Même si personne n’était convaincu, Yark Damehame, à l’époque Lieutenant-Colonel et patron de la Force spéciale élection présidentielle (FOSEP) 2010, était très appliqué dans son rôle. Tout était fait pour présenter ces trois personnes comme les auteurs d’une insurrection armée. Mais en fait, c’est leur culot (sic) d’avoir créé le MCA qui avait pour objectif fondamental l’alternance et leur détermination à faire réaliser cet idéal recherché depuis de longues dates par le peuple togolais, qui avaient créé la trouille au sein du sérail. Ils étaient vus en obstacles au dessein secret de Faure Gnassingbé de garder le pouvoir et s’y éterniser plus tard. Le slogan du mouvement, « L’alternance ou la mort, nous vaincrons » offrait le prétexte idéal. Il fallait simplement éliminer tout risque.

Affaire Kpatcha Gnassingbé

Comment oublier dans cette histoire l’affaire Kpatcha Gnassingbé que certains avaient légitimement appelé la fable de coup d’Etat ? Si l’ancien ministre de la Défense et député est loin d’être un parangon de vertus, difficile de croire tout de même à la version officielle servie par le pouvoir et avec tous les à-côtés. Tout démontre un complot pour coincer Kpatcha Gnassingbé qui lorgnait trop le fauteuil présidentiel et devenait une réelle menace pour les desseins de règne no limit de son demi-frère.

L’attaque à l’arme lourde du domicile de Kpatcha Gnassingbé, dans la nuit du 12 au 13 avril 2009, avait fini de convaincre les derniers sceptiques des véritables intentions de son détracteur en chef. Le député n’eut la vie sauve que grâce à l’intervention des éléments du Régiment blindé de reconnaissance et d’appui (RBRA) alors dirigé par son demi-frère Rock Gnassingbé. Une audace que paiera plus tard ce dernier qui, manifestement, avait contrarié les plans. Si ici, le corps du délit présenté était vraisemblable et avait de quoi convaincre – il y avait des armes automatiques, pas de machettes rouillées, gourdins et autres blagues, comme on les présente actuellement -, ce sont les contours de l’affaire qui empêchent d’y croire comme parole d’évangile.

Tout un montage sera fait pour donner de la consistance à l’accusation. On verra une clef USB, des discours, des plans d’attaque, des programmes de gouvernance après le coup d’Etat, entre autres. Mais le fait majeur, c’est le déluge de torture qui s’est abattu sur certains inculpés pour leur soutirer des aveux et ainsi conforter l’accusation contre Kpatcha Gnassingbé. On se rappelle les révélations au cours du procès en septembre 2011 de certains à la barre sur les tortures subies. Ils avaient désigné ouvertement des dignitaires de l’armée comme Yotroféi Massina, Atcha Titikpina et autres comme auteurs de ces actes, mais ces derniers nieront. Les actes de torture seront confirmés plus tard par le rapport d’enquête de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH). Un culot qui démonta la fable et valut l’exil à son président d’alors Koffi Kounté.

Les révélations devraient pousser le juge à l’époque, Abalo Pétchélébia à annuler le procès tel que requis par les avocats de la défense. Mais il avait usé de gymnastiques pour aller au bout, requalifiant les faits, condamnant les inculpés à de lourdes peines de prison. Kpatcha Gnassingbé, le cerveau présumé avait écopé de vingt (20) ans de réclusion avec déchéance de ses droits civiques. Preuve de plus d’un dossier signalé, la plupart des coaccusés ont été libérés, mais pas Kpatcha lui-même. Faure reste opaque aux injonctions de la Cour de justice de la CEDEAO, des Nations Unies, aux démarches de Mgrs Nicodème Barrigah, et Philippe Fanoko Kpodzro, des présidents ghanéen Nana-Akufo-Addo et gabonais Ali Bongo, entre autres.

Dans cette chronique des insurrections armées, coups d’État et autres tentatives de déstabilisation du pouvoir à la togolaise, comment ne pas évoquer les accusations fantoches de rébellion contre le jeune activiste Folly satchivi suite son arrestation en août 2018, de déstabilisation collées aux membres du mouvement citoyen Nubueke pour avoir trouvé des jumelles dans la charme de l’un, entre autres cocasseries ? Le point commun est que toutes ces accusations manquent de consistance et ont de la peine à convaincre. Le Togo sous Faure Gnassingbé apparaît au demeurant comme un cirque géant…

Tino Kossi

Source : Liberté – N°3061 du Jeudi 05 Décembre 2019

Togo-Online.net