L’alternance politique ne pourra pas être une réalité au Togo sans une collaboration réelle entre le président de l’ANC Jean Pierre Fabre et celui du PNP Tikpi Atchadam. C’est en tout cas ce que pense Kofi Yamgnane.
Dans une interview accordée début mai à nos confrères du journal en ligne Lynx Infos, l’homme politique franco-togolais décrypte les derniers faits de l’actualité togolaise et revient sur l’assassinat du colonel Madjoulba Bitala. Lire un extrait de l’interview :
Le parti au pouvoir UNIR a gagné les élections de février 2020 avec 70%. En 2017, plus d’un million de Togolais était dans les rues de Lomé pour exiger le départ de Faure Gnassingbé. Comment expliquez-vous ce score ?
Non! Le parti au pouvoir UNIR n’a gagné aucune élection! Ni en 2005, ni en 2010 quand le pouvoir était RPT pur et dur, ni en 2015, ni 2020 quand le RPT est devenu UNIR! Par ailleurs, il n’y avait pas qu’à Lomé que les Togolais manifestaient: Mango et Bafilo étaient en état de siège; Bassar et Dankpen étaient “chaud-bouillant”; tous les habitants de la région de Sokodé étaient du gibier tirés par la soldatesque; Atakpamé, Kpalimé, Tsévié, Aného…tout le Togo était debout contre le tyran.
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Alors ces 70% de voix attribués à Faure dès le premier tour, c’est juste une ineptie, une insulte et une provocation! Qui peut-il croire de telles invraisemblances? Il ne m’était jamais arrivé de penser qu’un esprit sain puisse imaginer tel crime: seuls les « penseurs » du RPT∕UNIR en sont capables! Dont acte! Faure Essozimna Gnassingbé n’a jamais gagné aucun scrutin! Lui-même en est conscient.
Toutes les chancelleries dans le monde, tous les habitants du Togo RPT/UNIR y compris, savent que Faure Essozimna Gnassingbé a été éliminé dès le premier tour. A mon avis, car moi non plus je n’ai pas les vrais chiffres sortis des urnes, mais le scénario le plus vraisemblable est le suivant: dès le premier tour, Fabre et Agbéyomé ont largement distancé Faure, ce qui l’éliminait du deuxième tour. Alors il ne lui restait plus que l’hypothèse d’un coup d’Etat électoral, ce qui a été fait.
Au micro de notre confrère Christophe Boisbouvier de RFI, vous dites que le pouvoir, les Gnassingbé l’achètent. Vous ne montez pas la barre trop haute avec la capacité des Gnassingbé à corrompre des chefs d’Etat africains parfois élus démocratiquement ?
Je ne crois pas pousser les enchères. J’affirme qu’en effet les Gnassingbé ont toujours acheté leur pouvoir avec l’argent du Togo. Comment pouvez-vous expliquer que des règles démocratiques édictées par la CEDEAO, par exemple, qui ont été appliquées avec vigueur au Président gambien et qui sont en cours d’application contre le Président guinéen, n’aient pas pu l’être au Togo? C’est incompréhensible et inexplicable par le bon sens commun. Le « flou » qui entoure et a toujours entouré l’absence de sanction contre le Togo cache un « loup », comme dirait mon amie Martine Aubry.
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Un jour dans mon bureau, un ami me dit « …tu sais Kofi, tout s’achète avec l’argent! ». Oui je le crois volontiers. Nous avons tous une estimation en argent que les corrupteurs savent repérer. Pendant ma campagne présidentielle au Togo en 2009, j’apprends que le régime commence à trembler à cause de ma pénétration dans le pays profond et que l’idée de m’éliminer physiquement trottait dans certaines têtes pensantes du RPT.
Alors un soir après le dîner, j’ai réuni la vingtaine de compagnons toujours présents à mes côtés pour leur dire: “… il paraîtrait que le RPT pourrait attenter à ma vie. Il ne peut le faire qu’à travers vous qui me connaissez et qui me suivez. Moi ma tête n’a pas de prix tandis que vous autres, vous avez tous une limite: ce n’est pas 1 million, peut-être pas 100 millions, peut-être même pas 500 millions, mais, quand on commencera à vous parler de milliards…. Donc je prie ceux d’entre vous qui savent qu’ils ne pourront pas résister à toutes les propositions de s’en aller sans regret”.
Tous mes compagnons de route sont restés à leur poste. J’ai apprécié. Étrange nouvelle, alors qu’à mon arrivée, les plus hauts responsables du RPT m’avaient affirmé non sans un certain orgueil: « Kofi tu peux faire ta campagne. Le Togo aujourd’hui est une démocratie apaisée… »!
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Et même Faure à qui j’ai rendu une visite protocolaire de politesse ou de courtoisie, m’avait encouragé et attribué une garde rapprochée de 3 gendarmes. Tout en sachant que ces envoyés de la maréchaussée étaient là pour rendre compte quotidiennement à leur hiérarchie et non pas vraiment pour me protéger (de qui ou de quoi d’ailleurs?), j’ai toujours utilisé un verbe clair pour m’adresser à mes compatriotes. Je n’avais à avoir peur de personne: j’étais chez moi.
Les partis d’opposition semblent n’avoir plus des idées pour continuer la lutte. Que propose l’homme politique Kofi Yamgnane pour la suite du combat ? Une société civile forte ou purement un militaire comme Thomas Sankara ou Jerry Rawlings au-devant de la scène ?
Les partis politiques d’opposition sont régulièrement bafoués, muselés, violentés mais ils continuent à se battre courageusement avec les moyens qui sont les leurs. Ils se battent avec les moyens dont ils disposent.
Dire qu’ils semblent n’avoir plus d’idées serait les sous-estimer. Ce n’est pas ma posture. L’opposition togolaise souffre d’une chose, une seule: son incapacité historique de se rassembler autour de quelques idées, un projet de société et puis seulement trouver un porte-parole pour diffuser ces idées et ce projet de société.
Le secret du CHANGEMENT est là! Tous les responsables doivent d’abord taire leurs ambitions, calmer leurs egos…Là où il y a la volonté, il y a un chemin! Que tout le monde accepte de travailler avec tout le monde: voilà le slogan pouvant mener à la victoire pour le peuple togolais. Notre faiblesse, celle de l’opposition togolaise, trouve ses racines dans cette inaptitude à se regrouper, mutualiser nos forces, face à l’adversaire RPT/UNIR.
Ainsi, qu’avons-nous fait de concret, qu’est-ce que l’opposition a construit lors de la chasse à l’homme concernant le leader du PNP Tikpi Atchadam ? Le jour où l’ANC et le PNP se parleront les premiers et face à face sans arrière-pensée, le CHANGEMENT sera à notre portée.
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C’est ce qui permettra aux autres formations de venir renforcer ce « noyau dur » de la naissance de la Révolution togolaise. Quant à l’arrivée d’un sauveur providentiel, je n’y crois pas un seul instant. Vous pouvez constater que le candidat de Mgr Kpodzro dont le nom, pourtant selon lui, soufflé par le “Saint-Esprit”, en a fait une éclatante démonstration.
On a tué un haut gradé au sein des Forces Armées Togolaises. Comment expliquez-vous le silence de son unité et le remplacement rapide de ce dernier par un fils originaire de l’ethnie de Faure Gnassingbé ?
Cet assassinat est une abomination supplémentaire du régime fasciste instauré par le RPT/UNIR. Le silence du gouvernement de Faure Essozimna Gnassingbé et sa décision de remplacer immédiatement un Chef de Corps issu de l’ethnie Nawdba par un officier de sa propre ethnie, nous démontre que ce régime qui a toujours tenté d’instrumentaliser la division ethnique est un régime qui joue sciemment avec le feu.
Ainsi Faure Gnassingbé, pas plus que ses militaires, ses centaines de conseillers, n’a tiré aucune leçon du drame que le Rwanda a connu, et avant lui l’Afrique du Sud. Les 27 ans de prison de Madiba Mandela ne serviront-ils donc jamais d’exemple? Ce silence de Faure et sa précipitation à « caser » un des siens pour garder la maison montrent que c’est vraiment un petit esprit.
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Personne ne semble voir venir le danger, pourtant il est imminent: le jour où toutes les autres ethnies s’uniront contre Faure et la sienne, le monde se réveillera avec un goût de sang à la bouche. Une guerre ethnique au Togo, comme semble le souhaiter Faure, sera une catastrophe immense, non seulement pour le petit Togo, mais elle enflammera le continent tout entier.
Que personne ne vienne alors dire: « on ne savait pas! ». Ce crime odieux d’une part, ce silence assourdissant de Faure, d’autre part, doit ouvrir dès aujourd’hui les yeux de la jeunesse togolaise, d’abord celle de Siou, celle de Niamtougou, celle Kanté, de Lama, de Kara… etc et toutes de toutes les autres ethnies : Jeunesse togolaise, réveille-toi, le feu couve à la maison! Il faut mettre fin à tous les codes ethniques utilisés dans le pays par les Kabyè dans tous les domaines de la société: concours administratifs truqué, justice instrumentalisée, police et gendarmerie accaparée, armée noyautée, économie gangrenée…etc. Les Soldats de la BIR ne sont si lâches.
Le jour viendra où eux aussi chercherons à savoir pourquoi un des leurs s’est fait sauvagement assassiné dans son bureau. Soldats togolais, qu’attendez-vous pour vous révolter? Vous attendez peut-être que cela vous arrive à vous aussi?
Armée togolaise, Jeunesse togolaise je vous invite à dire non à l’arbitraire. Armée togolaise, jeunesse togolaise, peuple togolais, dressons-nous tous contre l’impunité et réclamons justice pour Bitala Madjoulba. Dites tous et chacun avec moi: « JE SUIS MADJOULBA! ».
Source : Togoweb.net